Laurent Pinsolle décrypte un article de The Economist. Et démontre que le magazine anglais n'a tiré aucune leçon de la hausse inédite du nombre de chômeurs en prônant un retour rapide à la flexibilité du marché du travail.
The Economist ou l’horreur néolibérale
Cette semaine, l’hebdomadaire anglais néolibéral The Economist titre sur «la crise de l’emploi», évoquant les conséquences de la crise financière sur l’économie réelle et ce qu’il faut faire pour favoriser l’emploi dans cette crise. Une bonne occasion de comprendre les dessous de la pensée néolibérale.
« Permettre les licenciements aujourd’hui pour favoriser les embauches demain »
L’hebdomadaire commence paradoxalement par souligner l’ampleur du désastre économique Américain : 4,4 millions d’emplois ont ainsi été supprimés depuis décembre 2007 et l’économie détruit actuellement 600 000 emplois par mois. Le taux de chômage atteint désormais 8,1%, 3 points de plus en à peine plus d’un an. Jamais la situation du marché de l’emploi n’avait été aussi mauvaise depuis la Grande Dépression des années 30. On comprend mieux l’ampleur du plan de soutien à l’économie de Barack Obama.
Face à cette saignée sur le front de l’emploi, même The Economist arrive à reconnaître que « le contexte impose aux gouvernements d’intervenir énergiquement », parce que les profits de la croissance sont essentiellement allés au capital et que des milliards ont été donnés aux banques. L’hebdomadaire reconnaît que l’accroissement des allocations chômage aux Etats-Unis est justifié mais affirme qu’il est « plus sensé de payer les entreprises pour qu’elles gardent les gens au travail. »
Cependant, The Economist prévient que ces mesures devront être limitées dans le temps et affirme sa foi dans « des marchés de l’emploi flexibles, d’où seraient abolies toutes les subventions pour l’emploi, tous les privilèges des employés et où les licenciements seraient facilités » parce que « plus il est facile de détruire des emplois, plus il est facile d’en créer ». Il conclut que « les programmes d’aide d’aujourd’hui seront un frein aux ajustements nécessaires dans le futur ».
La froideur de la pensée néolibérale
Tout l’article n’est que glorification de la flexibilité, de la destruction d’activités passées et de la création d’activités nouvelles. Mais le plus frappant est l’absence totale de considération des hommes. L’économie est réduite à une théorie froide, d’où les drames humains que représentent les licenciements sont complètement évacués. Les néolibéraux semblent complètement ignorer les conséquences d’une perte d’emploi pour un ouvrier de 50 ans qui a travaillé toute sa vie dans la même entreprise.
« Les gens auront à passer d’anciennes occupations à de nouvelles ». Voilà la sentence lapidaire, froide, inhumaine, de néolibéraux qui ignorent complètement ce qu’est la vie des personnes en-dehors de leur bulle. S’ils consentent à accepter quelques aides temporaires, c’est uniquement pour défendre la demande et assurer que l’économie ne s’effondre pas complètement. En revanche, pas un mot pour les vies brisées, les conséquences dramatiques pour les millions de personnes licenciées.
The Economist ne tire pas la moindre conclusion de l’effondrement inédit du marché de l’emploi dans la plupart des pays. Pourtant, c’est bien la flexibilité qu’il réclame qui explique que le nombre de chômeurs s’envole aussi rapidement, provoquant autant de drames humains, qu’il ignore totalement. Et même son cœur froid pourrait se rendre compte que cette flexibilité ne fait qu’amplifier l’effondrement de la demande par cette destruction d’emplois massives, ce qui entretient la récession…
Cet article nous montre bien le fond de la pensée néolibérale : une volonté de flexibilité abstraite, théorique, froide, inhumaine, ignorant tout des conséquences humaines de ses recommandations. Malheureusement, la crise ne semble pas l’avoir encore fait suffisamment reculer.
Marianne2 - 16.03.09
À procura de textos e pretextos, e dos seus contextos.
16/03/2009
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