Guillaume Duval
Malgré la légère baisse du nombre de chômeurs en catégorie A (qui n'ont pas travaillé du tout au cours du mois), les chiffres du chômage montrent une nouvelle augmentation du nombre total des demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi, ainsi qu'une baisse du taux d'activité des jeunes et une hausse inquiétante des chômeurs de longue durée.
Le ministère du Travail vient de publier les chiffres du chômage pour le mois de mars 2011. Ils font apparaître, pour le troisième mois consécutif, une baisse du nombre des chômeurs inscrits à Pôle emploi en catégorie A (ceux qui n'ont pas travaillé du tout pendant le mois). Avec 21 100 personnes en moins en un mois, cette baisse est de 42 500 depuis décembre 2010, − 1,6 %. Enfin, une bonne nouvelle alors que le chômage avait connu une remontée sensible tout au long du second semestre 2010. Cette appréciation optimiste doit cependant être tempérée au vu du détail des chiffres.
Tout d'abord le nombre des chômeurs inscrits à Pôle emploi en catégories B et C (ceux qui ont travaillé quelques heures dans le mois) continue, lui, sa progression rapide, + 25 800 au mois de mars. Ce qui fait que le nombre total des demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi est toujours en progression. C'est probablement le signe que la tendance marquée observée l'an dernier se poursuit : quand il y a création d'emplois, il s'agit d'emplois précaires et intermittents, principalement sous la forme de postes d'intérimaires. Autre sujet d'inquiétude : le nombre de personnes inscrites en catégories D et E (chômeurs en formation ou en emplois aidés) a baissé en revanche de 6 800 personnes en mars. Autrement dit : malgré tous les beaux discours sur la hausse des emplois aidés, ce que l'on constate sur le terrain pour l'instant c'est plutôt une diminution de leur nombre…
Si on va plus loin dans le détail, on remarque que la baisse du chômage se concentre surtout sur les moins de 25 ans pour qui elle est quasiment continue depuis le début de 2010. C'est a priori évidemment une excellente nouvelle que les jeunes soient les premiers à bénéficier de la reprise après avoir été les premiers à subir les effets de la crise. Les résultats de l'enquête emploi, menée chaque trimestre par l'Insee, incitent cependant à la plus grande prudence dans l'analyse de cette baisse. La dernière enquête en date, concernant le 4e trimestre 2010, avait confirmé en effet une tendance inquiétante : la baisse du chômage des jeunes ne s'explique pas par un développement de l'emploi − entre mi-2009 et fin 2010 la proportion des 15-24 ans en emploi a au contraire baissé de 0,8 point de pourcentage − mais par un recul plus important encore de leurs taux d'activité : la proportion des 15-24 ans qui a ou cherche un emploi a diminué en un an et demi de 1,7 point de pourcentage. C'est, selon toute vraisemblance, le résultat du découragement de jeunes qui ne tentent même plus leur chance sur un marché du travail archibouché et ne s'inscrivent pas à Pôle emploi dans la mesure où, de toute façon, ils n'ont droit à aucune indemnité. D'où, malgré le recul de l'emploi, une baisse sensible de la proportion des jeunes chômeurs. Si cette tendance s'est poursivie au premier trimestre 2011, la baisse constatée du chômage des jeunes ne serait donc pas (du tout) le signal positif qu'on imagine…
Parallèlement, on constateen revanche une montée continue et ininterrompue du chômage des plus de 50 ans : ils sont désormais 770 000 à être inscrits à Pôle emploi dans les catégories A, B et C. C'est-à-dire 258 000 de plus qu'en juin 2008, avant la chute de Lehman Brothers, soit une hausse de 50 %, contre une moyenne de 32 % pour l'ensemble des chômeurs : ce sont désormais très clairement les seniors qui sont les principales victimes de la crise. Un mouvement qui devrait encore s'accentuer avec l'entrée en vigueur de la réforme des retraites.
On peut faire malheureusement la même observation en ce qui concerne les chômeurs de longue durée. Ils sont désormais 1 531 000 à être inscrits à Pôle emploi depuis plus d'un an, soit 556 000 de plus qu'en juin 2008, en hausse de 57 %. Quand, dans le même temps, le nombre de ceux qui sont chômeurs depuis moins d'un an n'a augmenté « que » de 426 000, soit une hausse de 20 %. Il n'y avait déjà qu'une petite moitié des chômeurs inscrits à Pôle emploi qui était indemnisée, mais avec le gonflement ininterrompu des chômeurs de longue durée, le nombre de celles et ceux qui risquent de basculer cette année dans la grande pauvreté va probablement d'être considérable…
Enfin, on observe une dernière tendance inquiétante : la crise avait paradoxalement ramené un peu d'égalité hommes-femmes en matière de chômage. En effet, le bâtiment et l'industrie, majoritairement masculins, avaient été les secteurs les plus touchés. Si bien qu'en août 2010 on avait, pour la première fois depuis qu'on décompte les chômeurs, atteint une stricte égalité entre le nombre des hommes et celui des femmes inscrits à Pôle emploi en catégories A, B ou C. Mais, depuis, l'écart se creuse de nouveau sensiblement au détriment des femmes : depuis août dernier, le nombre des chômeuses s'est accru de 64 000 personnes, quand celui des chômeurs n'a progressé « que » de 6 000. C'est probablement un des premiers effets sensibles sur le marché du travail de la rigueur budgétaire qui touche surtout l'emploi public, le secteur associatif, l'action sanitaire et le social, domaines où l'emploi féminin domine largement.
Bref, au-delà de la satisfaction de voir enfin le nombre des chômeurs cesser de s'accroître chaque mois, les sujets d'inquiétude ne manquent pas quand on observe le détail des chiffres.
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