Emmanuel Lévy
La comparaison des courbes de la consommation et du crédit montrent que les Français, comme les Américains, empruntent désormais pour finir leurs fins de mois. Le plus court chemin vers le rebond de la crise.
Source: Banque de France, Insee
« C’est Noel, offrez vous un crédit. » Comme chaque année, à la télévision, dans les boites à lettres, dans les grandes surfaces, l’imminence des fêtes se traduit par une intensification des propositions. Facilité de paiement, prêts personnels ou à la consommation, les établissements de crédits rivalisent pour ne pas rater la haute saison de ce business. D’autant que, les ménages confrontés à une stagnation de leur pouvoir d’achat feront, cette année encore, d’avantage appel au crédit pour financer les fêtes. Crise et chômage obligent, la dépense moyenne estimée à 605 euros baissera de 4 % selon le cabinet Deloitte.
Mais ces prêts financent-ils vraiment des produits durables (automobile, ordinateur, textile) comme le voudrait la théorie économique ?
Deux statistiques récemment publiée donnent à voir un paradoxe apparent. En octobre, la consommation des ménages en produits manufacturés a chuté de 0,7%, tandis que les crédits aux ménages destinés à l’acquisition de ces biens ont progressé de 2,5%. Un mois à part ? Pas du tout, cela est vrai, au moins depuis 2005, comme le montre notre graphique. Pis : depuis de la crise, la courbe de la consommation stagne autour de 22 milliards d’€ mensuel. Celle de l’endettement des ménages continue, elle, de progresser pour atteindre un encours de 161,4 milliards. Soit respectivement une mini-hausse de de la consommation de 11,5 % et plus du double pour le crédit avec +25 %.
Résultat : en janvier 2005, cette dette couvrait 197 jours de consommation, puis 202 jours, en octobre 2007, à la veille de la crise. Aujourd’hui : 221 jours. Où est passée la différence sinon dans le reste de la consommation : la nourriture, les loyers, les factures. Bref dans les fin de mois difficiles de nombreux foyers comme l'éclaire une étude du Secours catholique.
La France, comme les Etats-Unis, a donc basculé dans l'économie de l’endettement. Car au delà de cette dette contractée pour le quotidien, les ménages ont également été contraints d'emprunter davantage pour se loger. La bulle immobilière à l'oeuvre sur les deux rives de l'Atlantique se traduit dans l'envolée de l'encours des emprunts hypothécaires. En un peu plus de six ans, entre janvier 2004 et octobre 2010, les ménages français ont du accepter de doubler le poids de leur crédit immobilier, dont le total atteint désormais 777 milliards d'euros.
Et c’est bien ce type d’économie qui a plongé le monde dans la récession comme le montre une récente étude du FMI… Romain Ranciere, l’un des deux auteurs, note que les périodes 1920-1929 et 1983-2008 correspondent à une forte augmentation de la part des revenus des riches et de l’endettement du reste de la population conduisant au déclenchement d’une crise financière. Dans leur papier les deux économistes affirment : « de longues périodes d'inégalité dans les revenus conduisent à une importante stimulation de l'emprunt auprès des riches, ce qui augmente le risque de survenance de crises majeures ». La conclusion est encore plus intéressante : une crise financière ne purge que partiellement le problème. Seule la restauration du pouvoir de négociation du groupe à faible revenu est plus efficace : autrement dit, une hausse des salaires.« Restaurer l'égalité par la redistribution des riches vers les pauvres ne satisferait pas seulement les Robin des Bois du monde, mais pourrait sauver l'économie globale d'une autre crise majeure », concluent les deux auteurs.
Il ne reste plus au FMI qu’à appliquer ses propres recommandations, plutôt qu’à imposer des politiques de rigueur salariale, tant dans le monde qu’en Europe avec dans ce dernier cas, « l’aide » de l’Allemagne.
http://www.marianne2.fr/Les-Francais-consomment-moins-mais-s-endettent-plus_a200303.html
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