À procura de textos e pretextos, e dos seus contextos.

01/12/2010

RACE – HISTOIRE D’UNE OBSESSION AMERICAINE (STUDS TERKEL)

53% des blancs américains pensent que les Afro-américains sont moins intelligents que les blancs (enquête de l’université de Chicago).
62% pensent qu’ils sont plus enclin à préférer vivre des aides sociales.
Les travaux de la Commission du XXIème siècle sur la situation des afro-américains révèlent que ce sont ces derniers qui, aux States, ont l’espérance de vie la plus faible.
A qualification égale, leur taux de chômage est deux fois supérieur à celui des blancs. Lorsqu’ils sortent des universités, à diplôme égal, leur taux de chômage est trois fois supérieur à celui des blancs.
1 noir sur 4, âgé de 20 à 29 ans est derrière les barreaux.
A même crime, les condamnations sont plus lourdes pour les noirs que les blancs.
Depuis 1960, le taux de suicide chez les jeunes noirs a été multiplié par 2.
Les Noirs américains meurent prématurément des 12 maladies les plus répandues et pour lesquelles il existe un traitement efficace aux Etats-Unis.
Studs Terkel est mort. Son ancienne station de radio, à Chicago, fut, le jour de sa mort, saturée d’appels de reconnaissance et de témoignages d’affection.
Studs avait commencé à travailler dans les années 30, comme acteur. Mais Mc Carthy l’avait fait sortir du circuit. Entré à la radio, ses brillantes chroniques en firent l’un des animateurs radio les plus célèbres des Etats-Unis.
 
Le livre publié par les éditions Amsterdam est en fait un recueil d’entretiens et de notes de Studs, consignant jour après jour les témoignages sur le racisme ordinaire des américains. Avec patience, Studs collecta des centaines, des milliers de témoignages et pas moins d’entretiens, de rencontres, de réflexions sur la question, observant inlassablement monter la gangrène du racisme aux Etats-Unis, jusqu’à découvrir, au tournant de notre siècle, que toute l’Amérique était devenue raciste.
 L’ensemble est spectaculaire. Une bombe. Un brûlot révélant que si dans les années 60 une espérance avait pu légitimement se lever au sein de la population noire américaine, si l'on avait pu croire un temps que le racisme pouvait être vaincu, force était de reconnaître que depuis, les choses avaient bien changé. Et c’est ainsi toute l’évolution de la question raciale que cet ouvrage donne à saisir, des années 50 à nos jours.
Un document exceptionnel, encore une fois, et non pas une étude scientifique froide, indifférente au sort des gens, hautaine. Ici, la chair, non une chaire édifié pour la glorification de soi. La chair à vif dans les parcours que Studs reconstruits, en particulier de ces familles qu’il a suivi sur près de 40 ans ! Des familles qui ont fini par basculer dans une totale misère.
Misère qu’il consigne sans fard et dont il scrute avec intelligence les fondements et les étapes. Celle, tout d’abord, de la disparition de l’emploi dans les quartiers noirs, clés de toutes les difficultés qu’ils devaient ensuite affronter. Celle ensuite du bouclage des noirs dans le périmètre de l’aide sociale, renforçant leur exclusion, élargie du coup brutalement aux familles dans leur entier. Celle encore de l’embourgeoisement de l’école, non de l’instruction : la confiscation des moyens scolaires par les classes aisées, à la faveur des rénovations urbaines. Celle, enfin, dernière étape en cours, de l’exclusion linguistique : dans certains quartiers on ne parle plus l’américain standard, mais une langue du ghetto, à l’usage de son seul espace !
Et Studs d’observer encore comment ces étapes purent si facilement se déployer : par la trahison politique des couches moyennes riches, désertant l’Histoire et courant se réfugier dans une identité résidentielle conquise à la faveur de la rénovation urbaine et du boom de l’immobilier.
Et c’est enfin une réflexion d’une exceptionnelle pertinence qu’il nous livre, à décortiquer les problèmes sémantiques posés aux Etats-Unis au sujet de la dénomination des noirs américains, très improprement qualifié en dernier recours d’afro-américains, rappelant avec justesse que derrière nos catégories lexicales se dressent de vrais seuils idéologiques.joël jégouzo--.
 
Race. Histoire orales d’une obsession américaine, Studs Terkel, traduit de l’américain par Myriam Dennehy, Christophe Jacquet et Maxime Cervulle, éd. Amsterdam, octobre 2010, 560 pages, 23 euros, EAN : 978-2354800802.
Touch and Go : A Memoir, Studs Terkel, The New Press, illustrated edition, janvier 2008, 288 pages, 19 euros, EAN : 978-1595580436.

http://joel.jegouzo.over-blog.com/article-race-histoire-d-une-obsession-americaine-studs-terkel-59719613.html 

Sem comentários:

Related Posts with Thumbnails