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22/11/2010

L’eau du robinet, quoi de plus pratique ?

Michel Mengneau

« La satisfaction que la marchandise abondante ne peut plus donner dans l’usage en vient à être recherchée dans la reconnaissance de sa valeur en tant que marchandise : c’est l’usage de la marchandise se suffisant à lui-même ; et pour le consommateur l’effusion religieuse envers la liberté souveraine de la marchandise. Des vagues d’enthousiasme pour un produit donné, soutenu et relancé par tous les moyens d’information, se propagent ainsi à grande allure. Un style de vêtements surgit d’un film ; une revue lance des clubs, qui lancent des panoplies diverses. Le gadget exprime ce fait que, dans le moment où la masse des marchandises glisse vers l’aberration, l’aberrant lui-même devient une marchandise spéciale. Dans les porteclés publicitaires, par exemple, non plus achetés mais dons supplémentaires qui accompagnent des objets prestigieux vendus, ou qui découlent par échange de leur propre sphère, on peut reconnaître la manifestation d’un abandon mystique à la transcendance de la marchandise. Celui qui collectionne les porteclés qui viennent d’être fabriqués pour être collectionnés accumule les indulgences de la marchandise, un signe glorieux de sa présence réelle parmi ses fidèles. L’homme réifié affiche la preuve de son intimité avec la marchandise. Comme dans les transports des convulsionnaires ou miraculés du vieux fétichisme religieux, le fétichisme de la marchandise parvient à des moments d’excitation fervente. Le seul usage qui s’exprime encore ici est l’usage fondamental de la soumission. » Guy Debord, La société du spectacle, Paragraphe N° 67.
Ce paragraphe de Debord, d’une clairvoyance magistrale, résume bien le consumérisme réduit au stade de religion, ce qui l’amène à être ingurgité comme toutes religions, sans réflexion intellectuelle libre puisque le fidèle raisonne essentiellement à partir d’un dogme. Toutes les religions étant sectes, elles nous viennent donc du mot latin suivre que stigmatisent aussi dans les esprits les besoins créés par la société de consommation…
Sa comparaison ne peut donc être que judicieuse et cela nous emmène à réfléchir une fois de plus sur l’un des sujets majeurs pour l’avenir de la planète : l’Eau, et plus particulièrement, ses usages et mésusages.
L’eau du robinet, quoi de plus pratique ?
Un simple geste de la main et la voilà disponible pour tous les usages. Ce qui au demeurant engage la responsabilité de l’utilisateur car étant un bien précieux appartenant à tous elle mérite d’être consommée avec discernement. L’homme n’étant pas toujours raisonnable il ne serait pas usurpé, dans le cadre d’une vraie gestion citoyenne, d’en envisager le surenchérissement du mésusage et tendre vers la gratuité pour l’usage courant.
Un autre avantage est que son bilan environnemental est nettement supérieur à celui de l’eau embouteillée dans les conditions actuelles.
Seulement voilà, étant souvent impure dans les nappes souterraines du fait en particulier des pollutions de l’agriculture intensive, elle a mauvais goût résultat des traitements subits afin de la rendre consommable. Alors l’utilisateur se tourne vers une eau de source « marchandisée » à grand renforts de publicité. Pas l’eau minérale qui ne devrait être consommée que sur avis médical car souvent impropre à un usage courant. Non, de cette eau baptisée souvent de façon abusive eau de source venant de nappes souterraines pompées à grande profondeur. Effectivement, elle a bien meilleur goût que celle du robinet, mais a un premier gros défaut c’est que son bilan environnemental est exécrable avec son embouteillage plastique, mais surtout donne lieu à une marchandisation à outrance dans n’importe qu’elles conditions. Pourtant, il s’agit d’un bien commun qui va seul remplir les poches des actionnaires du capital.
Par conséquent, pour ne pas enrayer cette manne de revenus du fait de la prise de conscience écologique de beaucoup de citoyens, mais surtout de manière plus pragmatique parce que le pétrole va vers son épuisement, les industriels ont d’abord diminué l’épaisseur de bouteille. Comme cela ne suffit pas, on va utiliser 25% de plastique recyclé mélangé avec un PET (Polyéthylène Téréphtalate) ayant dans sa composition environ 30% de matière végétale.
Pour être plus précis, on fera fermenter de la mélasse issue de la canne à sucre qui deviendra de l’éthanol. Il s’agit donc bien d’un agro-carburant et d’un détournement des terres à des fins énergétiques comme le sont aussi les ensachages à base d’amidons de céréale. Quand on sait que cette année encore il y aura pénurie de certaines denrées alimentaires (le riz particulièrement) il y a de quoi s’insurger envers le consumérisme à outrance que favorise une prétendue croissance verte. D’autant que l’UE en remet une couche en débloquant 9 milliard d’Euros pour la recherche sur les agro-carburants, on ne pense donc pas à réduire les consommations énergétiques mais à les augmenter avec des palliatifs autres que le pétrole, en l’occurrence en mettant à contribution la terre nourricière avec la bénédiction de l’agro-business qui voit là une source de profits juteux.
Pourtant, si l’on sort intellectuellement de la religion consumériste, si l’on sort du capitalisme productiviste, et que la croissance dévastatrice ne soit plus une obsession sociétale, nous avons des solutions simples.
En premier, pour redonner à l’eau sa pureté, un retour à l’agriculture paysanne respectueuse de l’humain et de l’environnement est à n’en pas douter la meilleure alternative. Ceci ayant pour résultat de moins traiter l’eau du robinet pour la rendre potable d’autant qu’on pourrait utiliser plus d’eau dans les nappes, leurs réserves étant préservées par une diminution des arrosages intempestifs. D’ailleurs à ce sujet, pour exemple de ce qu’il ne faut pas faire, en Vendée qui est abondamment fournie en eau souterraine on préfère installer une usine de désalinisation, des usines de dénitratation, plutôt que d’attaquer de front une agriculture intensive aux mains de céréaliers uniquement préoccupés de rentabilité.
La consommation de l’eau du robinet serait aussi favorisée en diminuant le prix de la part de l’usage, en augmentant celui du mésusage et ceci accompagné par une gestion citoyenne qui écarterait les grandes multinationales.
Par conséquent, moins de consommation pour l’eau embouteillée que l’on conditionnera en verre recyclable, voire consigné pour éviter la désagrégation à long terme des produits recyclés.
C’est une autre façon de voir notre société, une société de partage qui éliminera les profiteurs et le productivisme destructeur de la planète…

http://www.legrandsoir.info/L-eau-du-robinet-quoi-de-plus-pratique.html

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