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25/11/2010

Chercheur, je quitte ces labos français qui « manquent de tout »

J'ai obtenu un diplôme d'ingénieur dans l'une des meilleures écoles de France, l'INSA, à Lyon. Avec ce joli morceau de papier, preuve d'un cerveau bien éduqué, j'aurais pu commencer une carrière d'ingénieur dans une grosse boîte avec un gentil CDI, de nombreux avantages et un salaire confortable (environ 34 000 euros/an).
Intéressé, que dis-je, passionné -il le faut bien, vous allez comprendre pourquoi- par la recherche dans le domaine des nanotechnologies, j'ai laissé tomber les rêves dont nous bercent les écoles pour me lancer dans une thèse, dans un laboratoire français, payé 18 000 euros par an -1 500 euros net mensuels.
Précision : ce salaire est au-dessus de la norme, je suis un chanceux.

C'est beau un laboratoire de pointe en France

A mon arrivée, l'accueil chaleureux de mes nouveaux collègues ne peut cacher l'état des bâtiments dans lesquels je vais travailler. Mon bureau est grand, même spacieux, mais ne comporte que trois choses : un bureau certainement aussi vieux que la peinture qui se décolle des murs, une chaise et une armoire.
Vous allez me dire : « Rien de plus normal. » J'irais dans votre sens si nous étions dans les années 80. Malheureusement, au XXIe siècle, il faut un ordinateur. « Faudra que tu amènes le tien », me répond d'un air naturel mon collègue de bureau. C'est beau un laboratoire de pointe en France.
J'ai la chance d'avoir un sujet qui me permet de toucher un peu à tout. Une part importante de mon travail se fait dans la salle de chimie du laboratoire. J'y manipule toutes sortes de choses, du pas dangereux du tout au truc vraiment méchant. Les produits les plus pernicieux sont ceux qui ne font rien tout de suite mais qui attaquent les organes petit à petit, les poudres ou les vapeurs inodores, par exemple.
On les manipule tous les jours et si on n'y fait pas vraiment attention, on meurt d'un cancer au lieu d'avoir le démon de midi.
Dans un laboratoire de chimie, tous ces produits sont bien connus, on sait qu'il faut y faire attention mais, si l'on n'a même pas une hotte aspirante, comment fait-on pour se protéger ?

400 euros à avancer pour participer à une conférence

A la fin de la première année, j'ai dû signer mon nouveau contrat de travail. Oui, une thèse se fait bien en trois ans mais elle est constituée de trois CDD d'un an ; si les fonds sont coupés, il est plus facile de tout arrêter et le doctorant perd le bénéfice de son travail passé -ça n'arrive heureusement presque jamais.
Ma thèse avance bien, j'ai des résultats intéressants dans un domaine porteur, bref le pied d'un point de vue scientifique. Je propose de présenter mes résultats à une conférence scientifique internationale de renom et je suis accepté.
Arrive le moment fatidique de l'inscription. Un peu plus de 400 euros -couvrant l'ensemble de l'organisation, des supports fournis et des repas de midi- sont demandés. Rien de déraisonnable… sauf quand c'est au petit doctorant de les avancer et qu'il sait que le remboursement ne se fera qu'un mois ou deux après la tenue de la conférence, c'est-à-dire dans six mois.
Je vais donc voir ceux qui tiennent les cordons de la Bourse au labo mais rien ne peut être fait a priori pour couvrir cette somme, même partiellement.
Je ne peux l'avancer puisqu'elle représente plus d'un quart de mon salaire. Bilan, je ne vais pas pouvoir à aller cette conférence.

J'en ai marre de ce manque de tout

Après deux ans de thèse, j'arrive bientôt au bout de mon travail. Je commence donc à me poser des questions sur l'avenir. J'ai envie de continuer à faire de la recherche mais vues les conditions, ça ne sera pas en France. Rien n'y est fait pour garder les cerveaux ainsi formés.
Même si un directeur de laboratoire français venait me supplier de bosser pour lui, je dirais non.
J'en ai marre de ce manque de tout, marre de cette lourdeur administrative, marre d'être payé au lance-pierre par rapport à mes copains de promo…
Je ne demande pas la Lune, même pas un gros salaire, juste que chaque initiative ne se transforme pas un calvaire.
Je vais donc entamer mes recherches pour trouver un travail de post-doctorat en Chine, en Inde ou aux Etats-Unis. J'y perdrai certainement un peu de mon confort de vie mais je n'aurai pas à me mettre à genoux pour avoir un nouveau rouleau de scotch.

http://www.rue89.com/2010/11/25/chercheur-je-quitte-ces-labos-francais-qui-manquent-de-tout-177561

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