Il fut un temps où on pouvait prétendre ignorer les méfaits de la cigarette et s'affranchir des campagnes anti-tabac. De fait, les cigarettiers et les publicitaires s'en donnaient à cœur joie. Les années 1930, 40 et 50 ont vu fleurir des campagnes vantant les mérites de ce nous considérons aujourd'hui comme un vice. Des médecins, dentistes et scientifiques de toutes sortes étaient convoqués sur les affiches pour témoigner de la qualité d'une marque. Puis, se fut le tour des sportifs renommés... et même du Père-Noël !
Aux États-Unis, la première publicité pour le tabac à priser produit par la Lorillard Tobacco Company paraît en 1789 dans les journaux new-yorkais. A cette date, les contraintes de fabrication et de transport limitent les bénéfices et le rayonnement des marques aux marchés locaux. La première grande marque de tabac émerge en Caroline du Nord, la fin de la guerre civile. La Bull Durham Tobacco Company est fondée en 1874 pour répondre à la demande croissante des vétérans, devenu accros à la nicotine. A la fin du 19ème siècle, deux innovations favorisent le développement du marché. La première est une machine qui permet d'automatiser la fabrication de cigarettes. A la fin des années 1880, la production de cigarettes passent ainsi de 40 000 à 4 millions unités par jour. Par ailleurs, le développement des techniques d'impression en couleurs offrent aux fabricants de nouvelles perspectives publicitaires. Usant des dernières technologies à leur disposition, les annonceurs commencent à imprimer des cartes à collectionner qu'ils glissent dans les paquets de cigarettes. Ces images, qui représentent des vedettes de cinéma, des sportifs ou encore des chefs indiens ont un succès considérable. Elles sont toutefois abandonnées, pendant la seconde guerre mondiale, afin d'économiser le papier, devenu une denrée rare.
Les grandes marques ont trouvé une nouvelle cible, puisqu'elle distribue gratuitement des cigarettes aux soldats. De retour à la maison, le GI ont développé une dépendance à la nicotine qu'il faut bien satisfaire. Bien-sûr, l'armée américaine n'est pas la seule touchée. Par exemple, au Japon, dès les années 1930, apparaissent des affiches clamant que l'industrie du tabac profite à la Défense Nationale (Hibiki Cigarettes, 1932) et à la société en générale (Union des cigarettiers de Kyoto, 1937); d'autres interdisent la vente de tabac sur le marché noir. En France, pour remonter le moral des soldats, l'armée distribue du tabac de troupe, dont la gratuité est instaurée depuis le 17ème siècle. La SEITA, anciennement SEIT (Service Exploitation Industriel du Tabac) distribue aux forces armées, une variante des Gauloises jusqu'à la fin des années 1970. La Caporal, tabac de meilleure qualité, est destiné aux plus hauts gradés. En Allemagne, à l'inverse, les Nazis ont déclaré la guerre à la nicotine et lancé la première campagne anti-tabac de l'époque contemporaine. Les soldats de la Wehrmacht voient leurs rations limitées, tandis que les taxes augmentent parallèlement aux interdictions de fumer dans les tramways, les bus, métros, etc.
Alors que, dès 1939, une étude allemande (Tabakmissbrauch und lungencarcinoma, F.H. Müller, Zeitschrift für Krebsforschung 49, 57–85) montre que le cancer du poumon est plus fréquent chez les fumeurs, Philipp Morris prétend que ses produits sont reconnus moins irritants pour le nez, la gorge des fumeurs. L&M annonce que ses cigarettes sont préconisées par les médecins, tandis que Chesterfield devient soi-disant leur marque favorite. La plupart des annonceurs poursuivent sur cette lancée (notamment Kent et Camel). Au début des années 1950, lorsque les chercheurs établissent le lien entre la consommation de tabac et le risque de cancer, les cigarettiers répliquent par une campagne de désinformation très offensive. En 1952, le Reader Digest publie un article intitulé Cancer by the Carton (le cancer dans le paquet) qui détaille les méfaits du tabagisme. Ses répercutions sont considérables : d'autres journaux font paraître des rapports similaires et les ventes de tabac accusent une importante baisse. Le 4 janvier 1954, le TIRC (Tobacco Industry Research Committee), constitué par les principaux fabricants, réplique par une campagne de presse intitulée "A Frank Statement to Cigarette Smokers" (Une franche déclaration aux fumeurs de cigarettes) visant à discréditer la recherche indépendante. L'annonce s'étend sur une page pleine et parait dans près de 400 journaux américains. Le chiffre d'affaires des cigarettiers remonte instantanément. Néanmoins, un nouveau coup est porté aux fabricants en 1964, lorsque est publié le rapport du Comité Consultatif sur le tabagisme et la Santé, dirigé par Luther Leonidas Terry (1911-1985). C'est le début d'une longue série d'études, qui vont favoriser les mesures anti-tabac, à commencer par le Federal Cigarette Labeling and Advertising Act (adopté par le congrès américain en 1965) qui oblige les fabricants à ajouter un avertissement sur les paquets de cigarettes. En 1971, les publicités télévisées sont interdites aux États-Unis, puis suivent les interdictions de fumer dans les bus, sur les compagnies aériennes nationales (1990), etc.
L'engouement des cigarettiers pour les sportifs de haut niveau remonte au milieu du 19ème siècle. Ainsi que nous l'avons vu, les fabricants insèrent dans les paquets, des cartes à collectionner des vedettes de cinéma, des sportifs célèbres et des héros de guerre. Certains athlètes sont rémunérés pour leurs services, tandis que d'autres s'opposent fortement à l'utilisation de leur image pour la vente de tabac. Ainsi, le joueur de base-ball Honus Wagner obtient-il le retrait de sa carte. Les collectionneurs se l'arrachent aujourd'hui, du fait de sa rareté, à 2 ou 3 millions de dollars. A l'inverse Babe Ruth ou Joe DiMaggio sont payés pour vanter les mérites de telle ou telle marque, de même que Ben Hogan, la légende du golf, et plusieurs autres héros du football, de la natation, du tennis ou du bowling. Aux États-Unis, les publicitaires continuent d'utiliser le thème du sport jusque dans les années 80. On peut voir des affiches ou des banderoles dans les stades, les circuits automobiles, les hippodromes ou les terrains de rugby.
En réalité, l'industrie du tabac a utilisé pratiquement tous les thèmes et les icônes populaires pour vendre ses produits, depuis les politiciens (Ronald Regan, George Washington...), en passant par les militaires (le General Douglas MacArthur) les stars de cinéma (John Wayne, Gary Cooper, Marlène Dietrich, Ava Gardner...), les enfants (le slogan étant que maman est plus détendue quand elle fume) et le Père-Noël. Ce dernier thème est assez récurrent et, puisqu'il est bientôt de saison, j'ai sélectionné une bonne panoplie de publicités le mettant en vedette. Il faut croire que, si les fumeurs n'étaient pas soumis à des hausses de prix destinées à les dissuader, le tabac était déjà considéré comme un luxe (mais pas encore assez nuisible pour qu'on renonce à l'inscrire sur se liste de Noël).
http://historizo.cafeduweb.com/lire/12287-quand-tabac-etait-prescrit-par-les-medecins-sportifs-armee-pere-noel.html
Aux États-Unis, la première publicité pour le tabac à priser produit par la Lorillard Tobacco Company paraît en 1789 dans les journaux new-yorkais. A cette date, les contraintes de fabrication et de transport limitent les bénéfices et le rayonnement des marques aux marchés locaux. La première grande marque de tabac émerge en Caroline du Nord, la fin de la guerre civile. La Bull Durham Tobacco Company est fondée en 1874 pour répondre à la demande croissante des vétérans, devenu accros à la nicotine. A la fin du 19ème siècle, deux innovations favorisent le développement du marché. La première est une machine qui permet d'automatiser la fabrication de cigarettes. A la fin des années 1880, la production de cigarettes passent ainsi de 40 000 à 4 millions unités par jour. Par ailleurs, le développement des techniques d'impression en couleurs offrent aux fabricants de nouvelles perspectives publicitaires. Usant des dernières technologies à leur disposition, les annonceurs commencent à imprimer des cartes à collectionner qu'ils glissent dans les paquets de cigarettes. Ces images, qui représentent des vedettes de cinéma, des sportifs ou encore des chefs indiens ont un succès considérable. Elles sont toutefois abandonnées, pendant la seconde guerre mondiale, afin d'économiser le papier, devenu une denrée rare.
Les grandes marques ont trouvé une nouvelle cible, puisqu'elle distribue gratuitement des cigarettes aux soldats. De retour à la maison, le GI ont développé une dépendance à la nicotine qu'il faut bien satisfaire. Bien-sûr, l'armée américaine n'est pas la seule touchée. Par exemple, au Japon, dès les années 1930, apparaissent des affiches clamant que l'industrie du tabac profite à la Défense Nationale (Hibiki Cigarettes, 1932) et à la société en générale (Union des cigarettiers de Kyoto, 1937); d'autres interdisent la vente de tabac sur le marché noir. En France, pour remonter le moral des soldats, l'armée distribue du tabac de troupe, dont la gratuité est instaurée depuis le 17ème siècle. La SEITA, anciennement SEIT (Service Exploitation Industriel du Tabac) distribue aux forces armées, une variante des Gauloises jusqu'à la fin des années 1970. La Caporal, tabac de meilleure qualité, est destiné aux plus hauts gradés. En Allemagne, à l'inverse, les Nazis ont déclaré la guerre à la nicotine et lancé la première campagne anti-tabac de l'époque contemporaine. Les soldats de la Wehrmacht voient leurs rations limitées, tandis que les taxes augmentent parallèlement aux interdictions de fumer dans les tramways, les bus, métros, etc.
Alors que, dès 1939, une étude allemande (Tabakmissbrauch und lungencarcinoma, F.H. Müller, Zeitschrift für Krebsforschung 49, 57–85) montre que le cancer du poumon est plus fréquent chez les fumeurs, Philipp Morris prétend que ses produits sont reconnus moins irritants pour le nez, la gorge des fumeurs. L&M annonce que ses cigarettes sont préconisées par les médecins, tandis que Chesterfield devient soi-disant leur marque favorite. La plupart des annonceurs poursuivent sur cette lancée (notamment Kent et Camel). Au début des années 1950, lorsque les chercheurs établissent le lien entre la consommation de tabac et le risque de cancer, les cigarettiers répliquent par une campagne de désinformation très offensive. En 1952, le Reader Digest publie un article intitulé Cancer by the Carton (le cancer dans le paquet) qui détaille les méfaits du tabagisme. Ses répercutions sont considérables : d'autres journaux font paraître des rapports similaires et les ventes de tabac accusent une importante baisse. Le 4 janvier 1954, le TIRC (Tobacco Industry Research Committee), constitué par les principaux fabricants, réplique par une campagne de presse intitulée "A Frank Statement to Cigarette Smokers" (Une franche déclaration aux fumeurs de cigarettes) visant à discréditer la recherche indépendante. L'annonce s'étend sur une page pleine et parait dans près de 400 journaux américains. Le chiffre d'affaires des cigarettiers remonte instantanément. Néanmoins, un nouveau coup est porté aux fabricants en 1964, lorsque est publié le rapport du Comité Consultatif sur le tabagisme et la Santé, dirigé par Luther Leonidas Terry (1911-1985). C'est le début d'une longue série d'études, qui vont favoriser les mesures anti-tabac, à commencer par le Federal Cigarette Labeling and Advertising Act (adopté par le congrès américain en 1965) qui oblige les fabricants à ajouter un avertissement sur les paquets de cigarettes. En 1971, les publicités télévisées sont interdites aux États-Unis, puis suivent les interdictions de fumer dans les bus, sur les compagnies aériennes nationales (1990), etc.
L'engouement des cigarettiers pour les sportifs de haut niveau remonte au milieu du 19ème siècle. Ainsi que nous l'avons vu, les fabricants insèrent dans les paquets, des cartes à collectionner des vedettes de cinéma, des sportifs célèbres et des héros de guerre. Certains athlètes sont rémunérés pour leurs services, tandis que d'autres s'opposent fortement à l'utilisation de leur image pour la vente de tabac. Ainsi, le joueur de base-ball Honus Wagner obtient-il le retrait de sa carte. Les collectionneurs se l'arrachent aujourd'hui, du fait de sa rareté, à 2 ou 3 millions de dollars. A l'inverse Babe Ruth ou Joe DiMaggio sont payés pour vanter les mérites de telle ou telle marque, de même que Ben Hogan, la légende du golf, et plusieurs autres héros du football, de la natation, du tennis ou du bowling. Aux États-Unis, les publicitaires continuent d'utiliser le thème du sport jusque dans les années 80. On peut voir des affiches ou des banderoles dans les stades, les circuits automobiles, les hippodromes ou les terrains de rugby.
En réalité, l'industrie du tabac a utilisé pratiquement tous les thèmes et les icônes populaires pour vendre ses produits, depuis les politiciens (Ronald Regan, George Washington...), en passant par les militaires (le General Douglas MacArthur) les stars de cinéma (John Wayne, Gary Cooper, Marlène Dietrich, Ava Gardner...), les enfants (le slogan étant que maman est plus détendue quand elle fume) et le Père-Noël. Ce dernier thème est assez récurrent et, puisqu'il est bientôt de saison, j'ai sélectionné une bonne panoplie de publicités le mettant en vedette. Il faut croire que, si les fumeurs n'étaient pas soumis à des hausses de prix destinées à les dissuader, le tabac était déjà considéré comme un luxe (mais pas encore assez nuisible pour qu'on renonce à l'inscrire sur se liste de Noël).
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