Notes de la rédaction
Edito. Crise du capitalisme financier.
Les théories hétérodoxes, et en particulier la théorie de la régulation, retrouveraient-elles une nouvelle jeunesse avec la reconnaissance officielle et très médiatique de la crise ? Cette dernière, n’est-elle pas née dans les années 1970, dans un contexte de crise ? La relation dialectique entre croissance et crise, entre le capitalisme en régime et ses crises, constitue une clé méthodologique. Chacun se souviendra également de la distinction établie en 1979 (1), et ayant fait florès depuis, entre petite et grande crises. À l’aune de cette typologie, la crise financière devenue manifeste pour tous en septembre 2008 s’inscrit assurément dans une grande crise, c'est-à-dire une période marquée par l’impossibilité pour le capitalisme, livré à une finance dérégulée, de permettre une croissance durable et une situation prolongée de plein emploi.
Pour autant, si la crise actuelle marque la fin d’une époque, celle d’un régime d’accumulation tiré par la finance, nombreuses sont les questions auxquelles est confrontée la pensée économique dans son ensemble et, tout particulièrement, l’économie standard. Manifestement, celle-ci n’a pas su comprendre les enchaînements propres à la crise, ni ceux propres au régime qui l’a précédé (l’usage actuel de la référence à la crise par ceux qui ont défendu l’efficience des marchés et institué le laisser-faire est à cet égard saisissant). Une approche en termes de régulation paraît fournir un cadre de pensée et une méthodologie plus pertinente, à la fois pour penser la crise (comme objet d’étude) et pour penser à partir de la crise. Attendue, voire anticipée, il n’empêche, la crise fait son travail en temps réel : elle se révèle comme un laboratoire social et politique où l’expérimentation et le tâtonnement sont la règle plutôt que l’exception. De sorte que la lisibilité du mode de régulation devient problématique : les hiérarchies et les complémentarités institutionnelles sont bousculées, tant sur le front du rapport salarial que sur la place et le rôle de l’État dans le jeu de la régulation ; et le régime de croissance est miné par des inégalités sociales profondes ; plus largement, le mode de développement bute sur des contraintes écologiques.
Le concept de crise n’est pas non plus sans poser question dans une analyse de la dynamique historique du capitalisme, particulièrement quand la crise devient un régime d’évolutions permanentes. Si pour caractériser le mode de régulation fordiste, la régularité de l’accumulation intensive avait permis de mettre en tension croissance et crise ; plein-emploi et sous-emploi, nous savons à quel point les relations entre le régime d’accumulation à dominante financière et son mode de régulation sont la source de blocages institutionnels, voire de contradictions et de conflits d’intérêts durables. Les années 1990, et plus encore les années 2000, prouvent, s’il est besoin, que la croissance peut se conjuguer à l’instabilité et l’exclusion.
(Ré)interroger la notion de crise pour mettre au jour la complexité des ajustements qui fondent la relation entre crise et régime d’accumulation apparaît donc comme un horizon analytique décisif pour penser le changement institutionnel permanent des institutions du capitalisme. Il s’agit là d’une visée qui, sans nul doute, renforce la nécessité d’une pensée économique historicisée et située, mais qui davantage encore doit intégrer l’analyse des pratiques et des représentations des acteurs.
C’est dans cette perspective que nous invitons le lecteur à lire ce dossier qui reflète le pluralisme de la Revue bien au-delà de la seule Théorie de la régulation, en espérant beaucoup des vertus heuristiques des analyses à chaud de la dynamique de transformation en cours.
(1) Robert Boyer, « La crise actuelle : une mise en perspective historique. Quelques réflexions à partir d'une analyse du capitalisme français en longue période », Critiques de l'Economie Politique , nouvelle série, n° 7-8, Avril-Septembre 1979, p. 3-113.
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