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26/12/2009

Un million de chômeurs au bord du gouffre

En 2010, de très nombreux demandeurs d’emploi arriveront au bout de leurs droits à l’assurance chômage. Pour une minorité seulement, l’aide d’État prendra le relais. Les syndicats appellent à des mesures d’urgence pour passer la crise.

On a beau savoir que la crise est profonde, certains chiffres tombent comme des coups de massue. C’est le cas de la projection, livrée lundi dernier par les services statistiques de Pôle emploi, qui révèle qu’en 2010, pas moins d’un million de chômeurs arriveront au bout de leurs allocations, autrement dit en « fin de droits », sans avoir retrouvé de travail. C’est plus qu’en 2009, ou 850000 chômeurs s’étaient retrouvés dans la même situation, et plus qu’en 2007, ou ils étaient « seulement » 740‚ 000.

Explosion logique d’une bombe à retardement‚ : en 2008, la crise fait remonter brutalement le taux de chômage. Or, à Pôle emploi, les règles en vigueur limitent à deux ans, pour la plupart des chômeurs, la durée maximale des allocations. C’est donc en 2010 que le gros des troupes, qui avait assez cotisé pour avoir droit à ces deux années de couverture, commence à arriver en fin de droits. Á ceux-là s’ajoutent les bataillons permanents de précaires, travaillant de courtes périodes et indemnisés tout aussi brièvement.

Explosion drastiques d’accès à l’ASS

Le sujet était assez sensible et prévisible pour que patronat et syndicats, dans leurs négociations sur les « mesures d’urgence face à la crise », lancées en juin, aient mis en place un groupe de travail sur ce thème. C’est dans ce cadre que les syndicats ont demandé aux services de Pôle emploi des données chiffrées sur l’étendue des dégâts. Au passage, une autre information importante a été livrée‚ : sur ce million de fins de droits, seulement 17 % (170‚ 000 personnes) pourront basculer en allocation spécifique de solidarité (ASS), versée par l’État et censée servir de relais à l’assurance chômage, financée par les cotisations sociales. Un taux très bas, dû aux critères drastiques d’accès à cette allocation pourtant modeste (450 euros mensuels, au maximum). Depuis une réforme de 1997, le chômeur doit notamment avoir travaillé cinq ans dans les dix dernières années, une barrière qui provoque 80 % des rejets de demandes.

Pour ceux qui n’ont pas droit à l’ASS, le revenu de solidarité active (RSA), nouveau nom du RMI, sert de dernier filet de sécurité, mais un cran plus bas. En apparence, ASS et RSA sont équivalents, soit 450 euros par mois pour une personne seule. Mais, comme les possibilités de cumul avec un revenu ou le salaire du conjoint sont plus souples avec l’ASS, celle-ci enferme moins dans la pauvreté. Ainsi, en 2005, 80 % des allocataires du RMI vivaient sous le seuil de pauvreté, contre 58 % pour l’ASS, et l’intensité de la pauvreté était plus forte au RMI, souligne une étude de la Drees d’avril 2005. Il n’empêche que toucher le RSA n’est pas simple non plus‚ : le chômeur doit avoir vingt-cinq ans et ne pas avoir de conjoint, ou alors un conjoint lui-même pauvre. D’ou de nombreux rejets de dossiers. Pôle emploi planche sur une estimation du nombre de « fins de droits » susceptibles de basculer en RSA. Par soustraction, on connaîtra le nombre de chômeurs qui basculeront dans l’absence totale de revenu. «

Le sujet doit devenir « prioritaire » dans la négociation avec le Medef

La situation est catastrophique, l’ASS ne remplit pas son rôle de filet de sécurité‚ ! » s’emporte Maurad Rabhi, négociateur CGT, qui en appelle à des mesures d’urgence pour aider les chômeurs à « passer le cap de la crise ». La CGT exige à la fois un allongement de la durée d’indemnisation Assedic et un assouplissement de l’ASS, pour l’ouvrir à tous les chômeurs en fin de droits. « Le Medef cherche à gagner du temps pour renvoyer la question à la prochaine négociation sur la convention Unédic, fin 2010 », dénonce Maurad Rabhi. Au nom de FO, Stéphane Lardy estime que le sujet doit devenir « prioritaire » dans la négociation avec le Medef et pour l’État, qui devrait aussi mettre la main à la poche. Négociatrice CFTC, Gabrielle Simon plaide pour une prolongation de l’indemnisation, cofinancée par l’Unédic, l’État et les collectivités locales. « Á situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle », argue-t-elle, espérant que « les politiques se saisissent du sujet ». Côté patronal, l’urgence est moins patente : « On est conscients que c’est un vrai sujet, mais il nous faut plus d’éléments pour y réfléchir », a réagi lundi dernier Dominique Castéra, DRH du groupe Safran et chef de file de la délégation du Medef. Pour le patronat, l’effort ne s’imagine que limité. Á sa demande, Pôle emploi a chiffré le coût d’une prolongation de l’indemnisation pour trois mois… mais dégressive pour ne pas verser dans l’excès de solidarité. Après sa fin de droits, le chômeur toucherait ainsi 70 % de son allocation pendant un mois, puis 60 %, enfin 50 %. Ce « rab » coûterait 1,3 milliard d’euros à l’assurance chômage.

Fanny Doumayrou

http://www.humanite.fr/Un-million-de-chomeurs-en-fin-de-droits-en-2010

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