La terrible face cachée de la loi sur l'immigration "assouplie" d'Obama

"Des sanctions qui prétendent sanctionner les employeurs mais qui, en réalité, punissent les travailleurs"

Ana Contreras aurait dû participer cette année au championnat de Taekwondo par équipe. Elle a 14 ans. Cela fait six ans qu'elle s'entraîne au lieu d'aller s'amuser à des anniversaires, renonçant aux amitiés qui sont la raison de vivre de la plupart des adolescents. Puis, il y a deux mois, le malheur a frappé. Sa mère, Dolorès a perdu son emploi. L'argent pour les cours était parti en fumée, et il n'y avait pas que ça.

"Je n'achetais des vêtements qu'une fois par an, quand je recevais le chèque de remboursement du trop-perçu fiscal",explique Dolores Contreras. "Il lui faut une nouvelle paire de chaussures actuellement mais je lui ai dit que nous n'avions pas d'argent. J'ai arrêté les abonnements au câble et à internet dont elle a besoin pour l'école. Quand mon contrat pour le téléphone portable prend fin, le mois prochain, je vais être aussi obligée de le résilier. Je n'ai jamais eu assez d'argent pour acheter une voiture, et maintenant, cela fait 3 mois que nous n'avons pas payé la facture d'électricité."

Il y a mille-huit-cents autres familles dans la même situation dramatique que Contreras (le nom a été changé). Toutes ont perdu leur emploi quand leur employeur, American Apparel, les a licenciées pour absence de papiers en règle. Elle a encore le courrier que lui a envoyé le "Department of Homeland Security" (DHS) – département de sécurité intérieure – qui lui a été remis il y a deux mois par l'avocat de la compagnie. il indique que les papiers qu'elle a fournis quand elle a été embauchée ne sont pas en règle, et sans permis de travail, elle ne pourra plus jamais retravailler.
Evidemment, ce n'est pas possible. Dolores Contreras doit quand même continuer à travailler si elle et sa fille veulent manger et payer le loyer. Et donc, au lieu d'avoir un emploi qui payait tout juste les factures, il lui a fallu en chercher un autre qui ne servira même pas à ça.
Contreras est ouvrière du textile qualifiée. Elle est arrivée aux US il y a treize ans après avoir travaillé de longues années dans les fabriques de textile de Tehuacan, Puebla. Là-bas, des compagnies comme Lewis fabriquent tellement de jeans délavés que l'eau de la ville est devenue bleue.
A Los Angeles, Contreras espérait réunir l'argent pour envoyer des mandats chez elle pour payer les dialyses hebdomadaires de sa sœur et pour payer les dépenses pour la subsistance et l'éducation de quatre autres de ses frères et sœurs. Elle a passé cinq ans d'un atelier de confection à l'autre. Comme la plupart des ouvrières du textile, elle n'était pas payée pour les heures supplémentaires, son salaire était inférieur à ce qui était prévu et parfois le patron disparaissait du jour au lendemain, sans payer les arriérés de semaines de salaires.
Contreras avait enfin été embauchée par la firme American Apparel, connue pour sa gamme de vêtements sexy fabriquée à LA au lieu d'être délocalisée à l'étranger. Il lui fallait quand même travailler comme une bête de somme. Avec son équipe de dix couturières qualifiées, elles fabriquaient 30 douzaines de t-shirts à l'heure. Après s'être réparti équitablement le nombre de pièces fabriquées par l'équipe, elle ramenait chez elle 400 dollars pour une semaine de 4 jours, après impôt. Elle cotisait à la sécurité sociale également, même si elle ne recevait pas un seul centime d'aides parce que sa contribution était versée sur un faux numéro de sécurité sociale.
Aujourd'hui, Contreras travaille à nouveau dans un atelier de misère pour la moitié de ce qu'elle gagnait auparavant.
Pendant ce temps, American Apparel remplace celles qui ont été licenciées. Contreras dit que la majorité d'entre elles sont des femmes plus âgées avec papiers, qui ne peuvent pas travailler aussi rapidement. Les femmes plus jeunes et plus rapides soit sont sans papiers, soit, si elles en ont, travaillent dans des entreprises où elles sont mieux payées et où le travail est moins pénible.
"Le président Obama est responsable de la situation dans laquelle nous sommes", s'indigne-t-elle, "c'est pire que les descentes de police des agents de l'immigration. Ils veulent nous empêcher de travailler une bonne fois pour toutes".
Contreras est peut-être en colère, mais elle n'a pas tort. Le site web de la Maison Blanche indique: "le président Obama va supprimer les incitations à entrer dans le pays clandestinement en empêchant les employeurs d'embaucher des travailleurs sans papiers et en faisant appliquer la loi. Le 24 juin, il annonçait au Congrès que le gouvernement "sévirait contre les employeurs qui utilisent des sans-papiers afin de faire baisser les salaires – et souvent maltraitent ces travailleurs".
La loi qu'Obama veut faire appliquer, c'est celle de 1986 sur la réforme de l'Immigration (Immigration Reform and Control Act), qui impose aux employeurs de constituer un fichier sur le statut des travailleurs étrangers et leur interdit d'embaucher ceux qui n'ont pas de papiers, ni de "permis de travail". Cette clause, les sanctions vis-à-vis des employeurs, est la base légale de toutes les descentes des services de l'immigration sur le lieu de travail destinées à faire appliquer la loi depuis 23 ans. "Ces sanctions sont censées punir les employeurs", dit Bill Ong Hing, professeur de droit à l'Université de Californie, "or, en réalité, elles punissent les travailleurs".
L'ICE (Immigration and Customs Enforcement; les services de l'immigration, NDT), division du DHS (Département de Sécurité Intérieure) a déclaré au début de l'année qu'il procédait à l'audit de 654 compagnies dans tout le pays. L'audit à American Apparel a, de fait, débuté, en 2007, sous la présidence de Bush.
A Minneapolis, un autre audit, également effectué à l'époque de Bush, étudiait les fiches des agents d'entretien employés par la société American Building Maintenance. En mai, la compagnie et ICE prévenaient 1200 travailleurs que s'ils ne fournissaient pas de nouveaux papiers prouvant qu'ils avaient une autorisation légale de travailler, ils seraient licenciés. Les licenciements hebdomadaires par groupes de 300 commençaient en octobre. Ces agents de service sont adhérents au syndicat "Service Employees Local 26" et leurs salaires sont basés sur les taux des salaires syndicaux.
A Los Angeles, 254 employés d'Overhill Farms étaient licenciés en mai. La compagnie qui emploie plus de 800 personnes, avait, en mai dernier, fait l'objet d'un audit de la part d'Internal Revenue Service (l'IRS – les services fiscaux).
D'après John Grant, responsable du secteur agroalimentaire de la section "Local 770" du syndicat "United Food and Commercial Workers" (UFCW), qui représente les employés de la production d'Overhill Farms, une usine de produits surgelés, "les inspecteurs ont découvert des anomalies dans les numéros de sécurité sociale de nombreux travailleurs. En avril dernier, Overhill envoyait alors un courrier à 254 personnes – tous adhérents à notre syndicat – leur donnant 30 jours pour régulariser leur situation".
Le 2 mai, l'entreprise a fait arrêter les chaînes de production et renvoyé tous les salariés chez eux, disant, selon l'employée Isela Hernandez, qu'ils les appelleraient quand ils auraient du travail. Pour 254 personnes, ce n'est jamais arrivé.
Pour Alex Auerbach, porte-parole d'Overhill Farms, "la compagnie devait, selon la loi fédérale sur l'immigration, se débarrasser de ces employés parce qu'ils n'avaient pas de numéro de sécurité sociale valide. Passer outre exposait à la fois les employés et la compagnie à des poursuites pénales et civiles".
"Nous avons demandé à voir la lettre de l'IRS ou tout autre document de la même veine" riposte Grant, "nous n'avons jamais entendu dire que l'IRS exigeait le licenciement des employés. Ils ne nous ont jamais montré aucun document. La compagnie n'est pas obligée de licencier ces gens. Il n'y a, à notre connaissance, aucun document qui l'exige". Certains des salariés licenciés avaient, en fait, des numéros de sécurité sociale valides, mais ils ont pourtant été licenciés.
Les travailleurs accusent la compagnie d'embaucher des remplaçants, inscrits comme "temps partiels", qui ne perçoivent pas les avantages sociaux prévus dans la convention collective. "En se débarrassant des travailleurs titulaires, à qui ils doivent verser ces prestations, ils font énormément d'économies", accuse Lucia Vasquez. Auerbach affirme que les travailleurs sont payés au même taux, mais admet qu'ils ne perçoivent pas les avantages sociaux.
L'historique de l'application de la loi sur l'immigration au travail regorge d'exemples de patrons qui utilisent des audits et des anomalies comme prétextes pour licencier des militants syndicaux et décourager la syndicalisation des travailleurs. La campagne que mènent les syndicats depuis 16 ans à l'usine de traitement de la viande de porc "Smithfield" en Caroline du Nord, par exemple, a connu deux descentes des services de l'immigration, et le licenciement de 300 ouvriers pour avoir eu de faux numéros de sécurité sociale. Néanmoins, qu'ils soient ou non motivés par l'appât de profits ou par animosité envers les syndicats, les licenciements actuels mettent en lumière des questions plus larges sur la politique d'application de la loi sur l'immigration.

"Non seulement ces travailleurs ne se sont rendus coupables de rien, mais ils ont passé des années à enrichir la compagnie. Personne n'a jamais dit que les bénéfices d'une entreprise étaient illégaux, ou dit qu'ils devraient les rendre aux travailleurs. Et alors, pourquoi les travailleurs sont-ils considérés comme illégaux?", s'interroge Nativo Lopez, directeur de la Hermandad Mexicana Latinoamericana.

La Hermandad, qui est née à la suite du mouvement pour la défense des droits des immigrés de Los Angeles qui remonte à l'époque du légendaire Bert Corona (militant pour les droits des travailleurs et des citoyens , NDT), a organisé des manifestations contre les licenciements à Overhill Farms et American Apparel. "Toute politique de l'immigration qui interdit à ces employés de travailler pour nourrir leur famille est injuste et doit être changée", déclare-t-il.
Et, alors qu'Obama pense que l'application stricte de la loi sanctionnera ces patrons qui exploitent les immigrés, à American Apparel et à ABM, les patrons ont bénéficié de l'impunité en échange de leur coopération. L'ICE avait menacé de condamner Dov Charney, le propriétaire d'American Apparel, à une amende, mais, par la suite, d'après le procureur Peter Schey, la menace de sanctions a été levée.
Murillo déclare: "l'engagement qui a été pris pendant l'audit est que si la compagnie coopérait et se mettait en conformité avec la législation, elle n'aurait pas d'amende. Et donc, cette politique ne s'en prend qu'aux travailleurs".
Et la justification pour s'en prendre aux travailleurs est également implicite dans les mesures annoncées sur le site de la Maison Blanche: "supprimer les incitations à entrer clandestinement aux Etats-Unis".
C'était la raison qui avait été invoquée à l'origine pour justifier les sanctions contre les patrons en 1986 – si les immigrés ne peuvent pas trouver de travail, ils ne viendront pas. Bien entendu, ils sont bel et bien venus, parce qu'à la même époque, alors que le Congrès adoptait la Réforme sur l'immigration (Immigration Reform and Control Act), il entamait parallèlement les discussions sur l'ALENA (Accord de Libre-Echange Nord-Américain). Et ces mesures ne pouvaient qu'inciter aux mouvements migratoires.
Depuis la mise en application de l'ALENA en 1994, la pauvreté a poussé plus de six millions de Mexicains, comme Dolores Contreras, à traverser la frontière. "Les véritables questions qu'on devrait se poser c'est ce qui pousse les Mexicains à se déraciner", dit Hing, "et pourquoi les patrons aux Etats-Unis dépendent si largement des travailleurs à bas salaires".
Personne dans les gouvernements de Bush ou d'Obama, ni de Clinton avant eux, ne veut mettre un terme à l'immigration aux US ou imagine que cela pourrait se faire sans des conséquences catastrophiques. Les secteurs-mêmes visés pour faire appliquer la loi sont tellement dépendants du travail des immigrés qu'ils s'effondreraient sans eux. Au lieu de cela, les mesures concernant la politique de l'immigration et sa mise en application cantonnent les immigrés à un statut de "sans-papiers" et rabaisse le prix de leur travail. Faire appliquer la loi est un moyen de canaliser le flux d'immigrés et mettre à la disposition des patrons cette main d'œuvre à qui ils verseront les salaires qu'ils veulent bien leur donner.
In 1998, l'administration Clinton avait organisé l'opération de la plus grande envergure à ce jour contre les travailleurs clandestins, où des agents de l'immigration avaient passé au crible les fiches de 24.310 ouvriers dans 40 usines d'emballage agroalimentaire du Nebraska. Ils avaient ensuite envoyé un courrier à 4.762 d'entre eux pour leur signifier que leurs papiers n'étaient pas en règle et plus de 3500 avaient été mis à pied de force.
Mark Reed, qui avait dirigé l'"Operation Vanguard", affirmait qu'elle visait en réalité à faire pression sur le Congrès et les associations patronales pour qu'ils soutiennent le projet de loi sur les travailleurs immigrés temporaires ("guest workers", travailleurs "invités", embauchés par une entreprise pour un temps déterminé, puis renvoyés chez eux, NDT). "Nous sommes tributaires de la main d'œuvre étrangère, avait-il déclaré, "s'il n'y a plus d'immigrés clandestins, on nous soutiendra pour mettre en place ce programme d'immigrés temporaires"
Michael Chertoff, secrétaire à la Sécurité intérieure de l'administration Bush avait dit la même chose. "Il y a une solution évidente au problème du travail clandestin, c'est qu'on ouvre la porte d'entrée principale et qu'on ferme celle de derrière".
"Ouvrir la grande entrée" permet aux patrons de recruter des travailleurs qui viennent aux US avec des visas qui les obligent à rester dans la même entreprise. Et forcer les travailleurs à venir grâce à ce système, "fermer la porte de derrière", criminalise les immigrés sans permis de travail.
Quand elle était gouverneure de l'état d'Arizona, Janet Napolitano, la secrétaire actuelle à la Sécurité intérieure avait approuvé ces mesures, d'une part, en signant le projet de loi draconien de l'état d'Arizona sur les sanctions contre les patrons et, d'autre part, en soutenant le programme des travailleurs immigrés temporaires.
Dans sa proposition finale où il s'agissait de "fermer la porte de derrière", l'administration Bush avait annoncé une règlementation imposant aux patrons de licencier tout employé dont le numéro de sécurité sociale ne correspondait pas aux données de la SSA (Social Security Administration). Les courriers émanant de la sécurité sociale pour signaler les anomalies des numéros d'immatriculation n'exigent pas actuellement que le patron licencie les travailleurs qui ont un faux numéro, et malgré cela, les patrons ont utilisé ces arguments pour mettre à pied des milliers de personnes. Bush comptait rendre ces licenciements obligatoires. Les syndicats, l' ACLU (Union américaine pour les libertés civiles) et le National Immigration Law Center (qui défend les droits sociaux et économiques des immigrés, NDT) apprenaient l'*injonction de la Cour de Justice des Etats-Unis d'empêcher la mise en application de cette disposition au cours de l'été 2008, disant que ces mesures porteraient tort aux citoyens et aux immigrés en situation régulière, susceptibles, alors, d'être victimes d'erreurs administratives.
En octobre 2009, l'administration Obama a décidé de ne pas contester cette injonction. Mais, tout en abandonnant la règlementation de Bush, le département de Sécurité Intérieure a annoncé qu'il allait renforcer l'utilisation de la base de données électronique E-Verify , disant que c'était un moyen plus efficace pour repérer les sans-papiers. La SSA continue, cependant, d'envoyer des lettres de non-conformité de numéros d'immatriculation aux patrons, et la banque de données E-Verify est constituée, en partie, en passant au crible les numéros de sécurité sociale, à la recherche de numéros qui ne correspondent pas.
Janet Napolitano a appelé les patrons à contrôler les travailleurs nouvellement embauchés en utilisant E-Verify, et déclaré que ceux qui le font auront le droit d'apposer un logo spécial sur leurs produits, spécifiant: "Moi, je contrôle avec 'E-Verify'".
John T. Morton, secrétaire-adjoint du DHS pour ICE, a déclaré au New York Times en novembre que les 654 entreprises auditées en 2008 et début 2009 n'étaient qu'un début, et que les audits seraient étendus à 1000 autres entreprises. "Toutes sortes de compagnies risquent de voir des inspecteurs frapper à leur porte", menace-t-il.
Les 654 audits de départ, explique Morton, ont d'ores et déjà permis d'agir auprès de 328 patrons, ce qui implique sans doute qu'il leur sera demandé de licencier ceux qui se sont avérés être en situation irrégulière.
Cette vague croissante de licenciements provoque des remous au sein des syndicats, en particulier chez ceux qui ont de nombreux adhérents immigrés.
Nombre de travailleurs du secteur agroalimentaire d'Overhill Farms et du secteur des services d'ABM cotisent depuis des années. Ils comptent sur les syndicats pour les défendre quand les entreprises les licencient pour défaut de permis de travail.
"Le syndicat doit faire tout ce qu'il peut pour empêcher les travailleurs de perdre leur emploi", affirme Erlinda Silerio, une employée d'Overhill Farms. "Il doit obtenir que l'entreprise nous réembauche, et nous indemnise pour la période où nous avons été mis à pied."
A American Apparel, bien qu'il n'y ait pas de syndicat, certains travailleurs ont cherché à s'organiser, ces dernières années.
Jose Covarrubias a été embauché comme agent d'entretien au moment où le syndicat du textile les aidait à créer une section syndicale.

"J'avais déjà collaboré avec l'International Ladies' Garment Workers (Fédération internationale des ouvrières du textile) et le Garment Workers Center (centre pour les ouvrièr(e) s du textile)", se rappelle–t-il, "quand je travaillais dans des ateliers clandestins où nous avons poursuivi en justice les patrons qui avaient disparu sans nous payer. Quand je suis arrivé à American Apparel, j'ai tout de suite adhéré à un syndicat. J'ai discuté avec les non-syndiqués pour essayer de les convaincre que le syndicat nous défendrait".

Les douze millions de sans-papiers aux Etats-Unis, répartis dans tout le pays dans les usines, les exploitations agricoles et les entreprises du bâtiment, comprennent des travailleurs comme Covarrubias.
Beaucoup sont conscients de leurs droits et soucieux d'améliorer leurs conditions de vie. Les mouvements syndicaux nationaux qui défendent les travailleurs, comme "Justice for Janitors" et "Hotel Workers Rising", s'appuient sur la détermination et le militantisme de ces immigrés avec ou sans papiers.
Cette réalité a fini par convaincre l'AFL-CIO (principal regroupement syndical aux US, NDT) en 1999 de renoncer à son soutien aux sanctions contre les patrons, et de demander l'abrogation de la loi. Les syndicats ont reconnu que l'application de sanctions empêchait davantage les travailleurs de défendre leurs droits, de créer des sections syndicales, et d'obtenir des augmentations de salaires.
Contester les sanctions, cependant, oblige les syndicats à s'opposer au gouvernement actuel, qu'ils ont contribué à élire. Certains lobbys de Washington ont, eux, décidé de soutenir la politique du gouvernement concernant les sanctions. L'un d'entre eux, "Reform Immigration for America", déclare: "tout système de vérification doit déterminer de façon exacte et efficace si le permis de travail est en règle ".
La vérification des permis de travail, c'est justement ce qui s'est passé à American Apparel et ABM et qui mène directement à des licenciements. L'AFL-CIO et la Fédération "Change to Win" ont également adopté au printemps dernier une nouvelle position sur l'immigration, se déclarant en faveur d'un "système de permis de travail fiable et efficace … un système qui établirait l'existence ou non d'un permis de travail de façon exacte tout en offrant aux travailleurs un maximum de protection". Covarrubias se retrouve sans défense avec ce genre de protection, cependant. Au lieu de cela, dit-il:

il faut que les travailleurs s'unissent. Il y a 15 millions d'adhérents à l'AFL-CIO. Ils représentent un énorme pouvoir économique et politique. Pourquoi ne s'opposent-ils pas à ces licenciements et ne nous défendent-ils pas?", demande-t-il. "Nous adhérons à ce mouvement depuis 20 ans, et nous n'avons pas l'intention de partir. Nous comptons rester pour lutter pour une réforme de l'immigration plus juste.

Nativo Lopez affirme qu'il organisera les travailleurs licenciés si les syndicats ne le font pas, même si récemment il avait exprimé le désir d'une plus grande coopération avec l'UFCW dans la défense des travailleurs licenciés. L'an dernier, la Hermandad avait commencé à mettre en place des comités de travailleurs dans les quartiers dans le Sud de la Californie pour contester les sanctions contre les patrons et aider les travailleurs à lutter contre. "Si les entreprises commencent à licencier comme elles l'ont fait ici, cette région va devenir une zone de guerre", prévient-il, "mais si nous nous battons pour défendre les travailleurs, nous pouvons les organiser".

David Bacon est l'auteur de plusieurs livres, dont le dernier s'intitule: "Illegal People: How Globalization Creates Migration and Criminalizes Immigrants".

  • guest workers: selon ce que proposait Bush, des immigrés engagés sous contrat (de trois ans, en principe) depuis le pays d'origine par une compagnie aux US et qui y resteraient tant que celle-ci aurait besoin d'eux ou qu'ils seraient aptes à effectuer le travail. Si ce n'était plus le cas, cette même entreprise était tenue de les renvoyer ces immigrés dans leur pays.

Une solution bien pratique, encore une fois, pour les patrons, qui bénéficient d'une main d'œuvre très bon marché et docile selon la demande et qui évite que les immigrés ne s'installent définitivement dans le pays. Idéal pour avoir le beurre et l'argent du beurre.
Bush préconisait à la fois ce système pour satisfaire les patrons et avait lancé la construction d'un mur à la frontière mexicaine pour satisfaire son électorat raciste.

Liens importants pour comprendre le contexte de l'immigration

Immigration aux USA

Accords de libre-échange: Costa Rica: chaud, le référendum

*Alena et "maquilladoras"

Sale temps pour les femmes au Mexique

Note perso

A qui profite donc le crime?

A ceux qui sont obligés de quitter leur pays et leur famille, de traverser la frontière avec tous les risques que cela comporte, pour vivre dans la clandestinité et donc la peur à cause de la misère?

A ceux qui ne trouvent pas de travail parce que les emplois industriels ont été délocalisés et que ne restent que des emplois payés une misère qui les met en concurrence avec les sans-papiers et dont les deux groupes constituent une main d'œuvre bon marché, malléable et intimidable à la merci des patrons?

Ou bien à ceux qui délocalisent la production, s'approprient les services publics, pressent les êtres humains comme des citrons en dépit de lois sur le travail, qui s'emparent des terres arables et des ressources naturelles des autres pays pour les exploiter pour leur compte?

Et aux responsables politiques à la botte du secteur privé qui leur déroulent le tapis rouge non seulement dans le pays même, mais dans tous les autres, grâce à des accords de dupes avec les pays pauvres?

Pourquoi sont-ils sans papiers?

Eh bien, parce que les formalités de régularisation sont de plus en plus drastiques. Plutôt que d'intégrer ceux qui sont entrés dans le pays – souvent depuis longtemps - il est bien plus rentable de les laisser dans l'illégalité.

Rappel: les Etats-Unis ont toujours été un pays d'immigration.

Après les vagues venues d'Europe, d'abord du Nord, puis du Sud, jusqu'à la seconde guerre mondiale, ils ont accueilli des vagues de réfugiés, politiques, économiques ou les deux, d'autres parties du monde: en particulier venant d'Asie ou d'Amérique latine, où les US plaçaient, ou confortaient, leurs pions au pouvoir – dictateurs sanguinaires y compris – pour garder la mainmise sur le secteur, et asservir les populations.

Contrairement à ce que la propagande veut nous faire croire, les nouveaux arrivants n'étaient pas accueillis à bras ouverts par les populations antérieures. Parqués dans des quartiers ghettos, les premiers réussissaient progressivement à s'intégrer à partir de la deuxième génération grâce aux nouveaux arrivés, qui servaient à leur tour d'épouvantails.
Mais tous en passaient par le mépris et l'intolérance des WASPs ("White Anglo-saxon Protestants"). Irlandais, Italiens, Juifs (jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale ), Asiatiques, etc. Des politiques de quotas étaient régulièrement appliquées pour empêcher les flux d'immigration - venant de l'Europe de l'est, des pays asiatiques ou latino-américains.
Phénomène peu connu, par exemple: les camps de Japonais, qui avaient peu à envier aux camps d'internement en Europe et où avaient été confinés tous les Japonais, citoyens américains, de longue date ou pas, métissés ou pas, ou bien immigrés, après Pearl Harbour jusqu'en 1944.

(Pour info: Il y a plus de 800 camps de concentration aux États-Unis et ailleurs)

Donc, on le voit: ce merveilleux pays qui se flattait d'accueillir tous les malheureux de la terre ne le faisait pas par grandeur d'âme, comme le prétendait le mythe de l'"American Way of Life" et du "self-made-man", mais pour renouveler constamment son vivier de main d'œuvre bon marché et agrandir son empire et son emprise sur le monde entier.

Juste en passant, pour revenir en France, une des marottes actuelles du petiprez, ce ne serait pas, par hasard, de sanctionner les patrons qui emploient des sans-papiers?

En voilà une idée bien généreuse, non?

A moins que …

Non, je dis rien, on va encore dire que c'est la malveillance qui me motive.

http://blog.emceebeulogue.fr/post/2009/12/21/USA:-Chasse-aux-travailleurs-sans-papiers-avec-la-collaboration-des-patrons