Mesurer le bonheur plutôt que le PIB, c'est une idée novatrice et louable... mais hypocrite. Car, comme le remarque Paul Jorion, capturer le qualitatif dans du quantitatif, c'est ambitieux, mais ça a des limites...
Sans vouloir diminuer le mérite d’initiatives tant attendues (Commission Stiglitz sur la « Mesure de la Performance Économique et du Progrès Social », indice environnemental de l’Union Européenne), notons cependant les limitations de ces approches. D’abord, et observé par leurs initiateurs eux-mêmes, la remise à plus tard de questions souvent essentielles en raison de ce qui apparaît souvent comme de simples conflits de personnes dans les commissions, chacun jugeant semble-t-il la défense de son petit ego plus urgente que le souci de la planète et des hommes et femmes qui l’habitent. Ensuite, il s’agit d’approches d’économistes et d’économistes uniquement. Enfin, toutes les approches sont quantitatives, or la capacité du quantitatif à capturer le qualitatif a des limites.Ainsi, comme le montre le cas de l’Amérique, la durée effective de la vie n’est pas nécessairement corrélée aux dépenses de santé. Pourquoi ? En raison de l’existence d’un système à deux vitesses : excellent pour les riches et médiocre pour les pauvres, leur étant même, dans le pire des cas, inaccessible. L’espérance de vie ne masque que partiellement ces disparités : elle amalgame les sous-populations mais la durée de vie moyenne est impactée par la mauvais qualité des services médicaux pour certaines de ces sous-populations. Autre problème lié à l’évaluation du qualitatif par le biais de la quantité : l’impossibilité de capturer l’existence de seuils critiques, question épineuse, tout particulièrement dans le cas des paramètres écologiques.
Autre élément qu’il serait essentiel de capturer, comme l’a suffisamment souligné la crise, les facteurs de fragilité au sein des sociétés, forçant à relativiser les indices économiques purement quantitatifs, éventuellement bons. Ainsi, encore aux États–Unis, la précarité de l’emploi : les hauts salaires doivent être tempérés par la faible protection sociale et la capacité offerte aux employeurs à licencier sans motif, sans préavis et sans compensation.
Sur un plan plus global, la disparité dans le patrimoine et dans le revenu, de même que l’endettement des ménages et des entreprises, constituent des facteurs de fragilisation de la société et les indices de bien-être doivent refléter cette disparité. Par exemple, aux États–Unis où en 2000, 32,7 % du patrimoine sont possédés par le 1 % le plus riche de la population, tandis que les 50 % les plus pauvres de la population se partagent 2,8 % seulement. Cette disparité pourrait être indifférente si elle n’était facteur de risque systémique, comme l’ont souligné les crises de 1929 et 2007 : il ne s’agit pas seulement de capturer la qualité de la vie par des clichés instantanés mais de refléter la durabilité des situations. Les Américains après tout étaient heureux durant la bulle immobilière… Ceci dit, les autorités américaines résisteront certainement à la mise en place d’indices qui mettraient en évidence la réalité et les classeraient systématiquement en queue de peloton : on entre ici dans le domaine des choix idéologiques !
Marianne2 - 19.09.09
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