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08/03/2011

Avec Pôle emploi, sois belle et vends-toi !

Des ateliers "relooking" pour les femmes au chômage ? C'est l'idée lancée par l'organisme public et une fondation privée pour les aider à retrouver du travail. Une opération de communication à bas coût, fondée sur des principes idéologiques douteux, entre séducation et culpabilisation.
img 3762« Eh bien voilà, avec cette journée, vous n’avez plus d’excuses ! », lance Christine Salaün, présidente de la fondation Ereel. Face à elle, dix femmes au chômage inscrites à Pôle Emploi l’écoutent avec attention. Jusqu’à cette journée du mardi 22 février, ces femmes auraient-elles cherché des excuses pour ne pas retrouver du travail ? Auraient-elles même volontairement négligé leur apparence au point de se voir exclues du monde du travail ?
Depuis janvier 2011, le Pôle Emploi Ile-de-France, en partenariat avec le Fonds de dotation Ereel, propose aux femmes « demandeuses d'emploi de longue durée, bénéficiaires du RSA, qui ont de faibles revenus ou qui sont en situation de handicap » de participer à un atelier « relooking ». Une journée pour « apprendre à se présenter, à s'exprimer devant un futur employeur mais aussi savoir convaincre sans stress et avoir confiance en soi ». Tout un programme déroulé à l’école internationale d’esthétique parfumerie Régine Ferrer, rue du Faubourg Saint-Honoré, où s’est tenue la deuxième édition. Dans l’ambiance feutrée d’un salon de coiffure, elles sont dix femmes au chômage et presque autant de journalistes. Il y a aussi l’équipe bénévole : deux jeunes apprenties maquilleuses, une styliste, un coiffeur, une spécialiste manucure, Christine Salaün de la fondation Ereel et Régine Ferrer, directrice de l’école. Sélectionnées et choisies à condition d’accepter de se prêter au jeu des médias, les dix femmes sont donc là pour  augmenter leur chance de trouver du travail.
La plupart sont assistantes, opératrices, secrétaires. Toutes au chômage depuis au moins deux ans et âgées de quarante ans et plus. Pendant la journée, elles vont écouter sagement les conseils de professionnels, les « coachs beauté » : soin de la peau, (« bien préparer sa peau avant le maquillage »), maquillage (« mise en beauté pour un entretien »), mains et ongles (« l’importance des mains pendant un entretien »), coiffure et enfin atelier « image de soi » pour « savoir quelle couleur choisir pour mettre en valeur son teint et ses cheveux ». L’image, c’est donc là que tout se joue ? « Pôle Emploi mène une campagne pour mieux communiquer avec son image et son C.V. A compétence égale, on sait que le stress joue énormément dans un entretien d’embauche», justifie Anne-Laure Germond pour le Pôle Emploi. « La première image, c’est celle que l’employeur garde en tête. Il vaut mieux privilégier une apparence qui cadre. Une erreur de jean, de maquillage trop chargé peut être fatale », ajoute Christine Salaün. Voilà, on y est. Les femmes qui sont au chômage doivent jouer la carte du charme. C’est à elle de faire un effort, c’est à elle de plaire. Une manière de réduire le rapport des femmes au travail à un jeu de séduction et de gommer deux enjeux essentiels (jamais évoqués pendant la journée) : les compétences de ces femmes et un marché du travail en crise.
 
 
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Membre d’honneur de la fondation Ereel, Régine Ferrer détaille, à travers son implication dans cette action, sa perception des chômeurs : « Quand on est licencié, on a un choc. Le téléphone ne sonne plus. On n’est plus dans la vie. Nous, on est là pour leur faire prendre conscience qu’un employeur accorde beaucoup d’importance au physique et à l’aisance. Si vous êtes bien dans votre peau et que vous avez confiance, vous pouvez donner envie à l’employeur de vous embaucher. Il faut le séduire. C’est comme dans un couple. Quand on n’est pas bien le matin, il faut avoir la fierté de donner la bonne image de soi. Et ce n’est pas toujours la faute des autres. C’est difficile pour tout le monde ». Voilà, sans détour, l’idée de la culpabilisation qui monte. L’idée, qu’au fond, si on se laisse aller, on n’a qu’à s’en prendre à soi-même. La responsabilité individuelle se dessine et, en creux, un rapport de domination admis et inéluctable entre le demandeur d’emploi et le recruteur.
 
img 3777Pendant qu’elle se fait maquiller par une jeune apprentie de l’école Régine Ferrer, Martine répond volontiers aux sollicitations d’un journaliste. « Alors qu’est-ce qui cloche dans votre look ? », demande-t-il brutalement. Martine, la cinquantaine, au chômage depuis 2007 répond : « J’ai découvert d’autres façons de me maquiller. C’est bien parce que c’est vrai qu’on a des baisses de moral mais moi j’ai toujours pris soin de moi. Ce n’est pas nouveau. Je sais bien qu’un entretien, c’est un rapport de séduction ». Carole, 46 ans, mère au foyer cherche du travail depuis un an. « Un atelier relooking ? Je me suis dit pourquoi pas. Même si je le fais déjà naturellement, ça peut apporter un plus. Ca nous met en confiance.» Dans une autre pièce, dédiée au manucure et à la coiffure, Alexandra fait un soin des ongles. L’intervenante lui explique : « Le recruteur regarde les mains. Elles sont le reflet de l’âme. On nous juge par nos mains, par notre personnalité ». Contentes de se faire « chouchouter », Alexandra, Mafalda, Martine ou Malika ne sont pourtant pas dupes. Elles n’imaginent pas trouver du travail, « comme ça, du jour au lendemain », grâce à cet atelier. « C’est un plus, ce n’est pas désagréable, ça va me remotiver, souffle Mafalda, mais je ne suis pas naïve et je sais que ça ne me fera pas avoir du travail plus facilement ».
Tout au long de cette journée, Christine Salaün louera l’esprit de « solidarité » et remerciera « les gens de cœur à l’esprit de générosité et de simplicité » qui s’associe bénévolement à sa démarche. Se présentant, sur son site, comme une bienfaitrice : « Chaque être humain a le devoir moral et la responsabilité de veiller sur les plus faibles. Rejeter la faute sur les autres ou se lamenter ne sert à rien, agir dans un esprit de solidarité pour trouver ensemble des solutions est bien plus efficace ! ». Sa fondation privée parrainée entre autres par Pénélope Fillon (femme du premier ministre), Marie-Anne Chazel (comédienne) ou encore Bernard Debré (Député UMP de Paris) s’appuie aussi sur les marques de beauté. C’est Gatineau et Revlon qui régalent. La journée touche à sa fin. Les femmes repartent avec des crèmes, une trousse de maquillage et un vêtement. Christine Salaün leur promet de faire un suivi personnalisé : « Vous avez besoin d’un coup de pouce. Sachez que vous n’êtes plus seules. On ne vous abandonnera pas comme ça. C’est pour ça ce genre de choses, c’est du cœur, c’est vrai. C’est ça le mécénat ! »
 
Ixchel Delaporte

photos I.D

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