À procura de textos e pretextos, e dos seus contextos.

23/02/2011

PORTUGAL • Nourrir les esprits, mais d'abord les corps

De plus en plus d'enfants sont victimes de malnutrition au Portugal. Au point que certaines cantines scolaires les accueillent également le week-end.

Sept écoles primaires des zones les plus pauvres de Sintra [la deuxième ville du pays, à l’ouest de Lisbonne] ont décidé d’ouvrir les cantines scolaires pendant le week-end et les vacances afin que les élèves puissent avaler au moins un vrai repas chaud par jour. Au printemps dernier, cinq écoles avaient déjà franchi le pas à la suite de l’alerte donnée par les professeurs constatant chaque début de semaine que beaucoup d’enfants avaient très peu mangé durant le week-end. Et les cantines ont vu arriver des familles entières. "Nous avons accueilli plus de cent élèves, dont beaucoup sont venus avec leurs petits frères ou sœurs non scolarisés. Et même ceux qui avaient quitté l’école se présentaient. Nous n’avons refusé de repas à personne", se souvient Ivone Calado, directrice de l’école de Serra das Minas.

Conséquence de l’explosion de la pauvreté, le nombre de cantines ouvertes tous les jours devrait augmenter. "On ne peut pas se contenter de trouver une solution pour le week-end en oubliant que, pendant les vacances, beaucoup d’élèves mangent de façon irrégulière. Il faudra ouvrir tout le temps", souligne Marco Almeida, maire adjoint de Sintra.

Si cette ville connaît l’une des situations les plus problématiques du pays, elle est loin d’être la seule dans ce cas. Un peu partout, nombre d’enfants arrivent à l’école le ventre vide. Ils manifestent des changements de comportement associés à la faim – énervement, impossibilité de se concentrer –, que les enseignants ont appris à repérer et qu’ils constatent en plus grand nombre cette année.

Avec la crise, les écoles ont tendance à se transformer en organisations caritatives. A Setubal [cité-dortoir située au sud de Lisbonne], la mairie prévoit également d’ouvrir les cantines en dehors des journées scolaires. "Beaucoup d’enfants arrivent affamés le lundi et se resservent deux ou trois fois. De fait, certaines cantines ont augmenté la quantité de nourriture servie ce jour-là", raconte Maria das Dores Meira, maire de la ville. A Trofa [au nord de Porto], près de la moitié des élèves souffrent de malnutrition. A Faro [principale ville du sud du pays], le nombre de repas gratuits servis dans les écoles a augmenté de 15 % depuis septembre. Les deux villes envisagent de prendre des mesures similaires à celles mises en œuvre à Sintra [Porto a fait de même en servant des repas pendant les vacances de Noël].

Même lorsqu’il n’y a pas d’aides de la mairie ou de l’Etat, de nombreuses écoles font tout pour minimiser les carences alimentaires des enfants. Ainsi, à Sesimbra [ville proche de Setubal], les écoles municipales fournissent parfois le repas du soir. "La famille et les enfants ont souvent honte de demander de l’aide. Nous avons eu un cas où une voisine est venue nous dire qu’une élève ne dînait pas et ne prenait presque rien au petit déjeuner. La mère était en arrêt de maladie et le père au chômage. En plus du repas de midi, nous lui donnons une collation le matin, un goûter et de quoi dîner le soir", révèle la directrice, Ana Paula Neto.

Mais la pauvreté ne se manifeste pas uniquement dans l’alimentation. Trois mois après le début des cours, une forte proportion d’écoliers ne disposent pas de manuel scolaires, notamment du fait de l’impossibilité pour de nombreuses familles de la classe moyenne en difficulté (beaucoup de parents se sont retrouvés au chômage) d’assurer désormais ce type de dépense. Et elles ne peuvent pas bénéficier de l’aide d’Etat pour l’achat de manuels étant donné que cette aide est attribuée sur la base de la déclaration de revenus de l’année précédente. Dans l’archipel de Madère, par exemple, “de nombreux professeurs achètent le matériel scolaire avec leur propre argent et l’offrent aux élèves”, raconte Rui Cateano, directeur de l’école Gonçalves Zarco à Funchal [principale ville de l’archipel]. Le scénario est le même un peu partout dans le pays. Avec les réductions de salaire et les autres mesures d’austérité qui entrent en vigueur, l’hiver n’apportera sans doute pas de solution.

http://www.courrierinternational.com/article/2011/01/18/nourrir-les-esprits-mais-d-abord-les-corps

Sem comentários:

Related Posts with Thumbnails