Pour Manuel Carvalho Da Silva, la principale centrale syndicale du pays, l’appel à la grève générale d’aujourd’hui contre la politique d’austérité constitue le début d’un vaste processus de lutte.
Comment se présente
la mobilisation, à quelques heures du déclenchement
de la grève générale ?
Manuel Carvalho da Silva. Toute l’année a été émaillée par des actions de résistance à la politique d’austérité. Je parcours le pays depuis plusieurs semaines, je rencontre des milliers de personnes, salariés, jeunes et moins jeunes, des retraités, je constate une grande sensibilisation à l’appel à la grève dans toute la société. Après la CGTP et l’UGT, de nombreux syndicats ont annoncé leur ralliement, notamment dans la banque, la presse, mais aussi dans le secteur pétrolier, les transports, l’automobile. La mobilisation est très forte dans la fonction publique bien sûr, on l’a vu avec la manifestation du 6 novembre qui a rassemblé plus de 100 000 personnes à Lisbonne, mais aussi dans le secteur privé en dépit des pressions du patronat et en dépit du fait que 30 % des salariés sont en situation précaire. Ce sont surtout des jeunes tout juste au smic.
Pour cette raison, cette grève est un grand défi pour les jeunes générations, pour qu’elles réagissent aux injustices qui leur sont faites. Nous sommes dans une situation que l’on peut malheureusement qualifier d’historique : pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, les jeunes n’ont pas de perspectives, leurs conditions de vie seront plus mauvaises que celles de leurs parents. C’est un problème qui touche toute l’Europe. De plus, sous prétexte de mauvaise conjoncture économique, les gouvernements mettent en cause les droits fondamentaux, l’éducation, la santé et le droit du travail. On porte atteinte à la démocratie.
Qu’attendez-vous du gouvernement alors que le Parlement doit définitivement adopter, vendredi, son budget, d’une rigueur sans précédent, qui a provoqué la grève ?
Manuel Carvalho da Silva. Nous appelons le gouvernement socialiste de José Socrates à refuser le chantage des usuriers internationaux et leurs recettes faites de sacrifices. Nous savons que, pour le moment, des réponses positives sont très difficiles. Nous sommes dans une crise politique très significative. Le gouvernement socialiste et son opposition de droite s’accordent pour affirmer qu’ils ne sont pas responsables des sacrifices demandés aux Portugais. Nous n’attendons pas de grands résultats dans l’immédiat. Le lendemain de la grève, nous demandons la reprise du dialogue social avec le gouvernement et nous allons présenter nos revendications.
Aujourd’hui, tout est bloqué, même les négociations collectives dans les entreprises et au niveau du Conseil économique et social. Par exemple, la hausse prévue du smic au 1er janvier, qui devait passer de 475 euros à 500 euros, est suspendue. Le gouvernement veut réduire, en trois ans, le déficit de l’État en pressurant les salariés mais il dispense les grandes entreprises de payer leurs impôts. Le déficit serait de 500 millions d’euros. Or, si seulement deux grandes compagnies, la Porto CEL (secteur papier) et l’APT (téléphone et communications), payaient les 300 millions de taxes qu’elles doivent au pays, les choses changeraient. L’obsession de combler le déficit et d’accélérer les privatisations ne va pas relancer la croissance dans notre pays, bien au contraire.
Quelles peuvent être les évolutions après la grève ?
Manuel Carvalho da Silva. Cette grève a un sens. Elle vise à combattre la résignation, à faire comprendre que la résistance organisée peut conduire à d’autres voies de sortie. Ce n’est pas l’UE ou le FMI qui nous donneront la solution. Celle-ci est du ressort de la mobilisation et de la responsabilité des Portugais.
À nous de construire une alternative de projet de développement qui relance nos activités économiques, notre appareil productif, revalorise le travail, redonne une dignité aux salariés et à la jeunesse.
Cette grève est une lutte pour les nouvelles générations et ouvre un processus. Il faut non seulement enrayer l’offensive actuelle mais nous projeter dans l’avenir, créer les conditions pour pousser notre gouvernement à changer de politique. Ce sera très long et je crois que ce ne sera pas seulement vrai pour le Portugal mais aussi pour toute l’Europe. Mais les conditions de la dynamique sociale existent, nous sommes dans une phase de mobilisation des peuples. À nous tous d’en rechercher toutes les formes pour que le mouvement gagne en puissance.
Lisbonne (Portugal), envoyée spéciale.
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