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21/07/2010

Quand le business recycle la bio

Importations massives, bio « diluée », hégémonie de la grande distribution… La bio commence à connaître les mêmes travers que l’agriculture conventionnelle. Des dérives dues à l’explosion du marché des produits biologiques.

Le business est-il en train de rattraper l’agriculture biologique ? La question se posait dès le 1er janvier 2009 avec l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation européenne, jugée plus laxiste que les cahiers des charges nationaux. Le 1er juillet, c’est au tour du nouveau logo européen d’entrer en scène. Il cohabitera avec un logo français AB vidé de son sens, puisque les normes correspondantes n’existent plus. Cette petite différence a son importance : l’Europe tolère la présence de 0,9 % d’OGM et l’utilisation – dans certains cas – de pesticides. Elle autorise aussi l’introduction d’ingrédients non bio dans les produits bio, ainsi que d’animaux non bio dans les troupeaux bio. Quant au volet social, il est tout simplement inexistant.

« On adapte le règlement au marché, plutôt que l’inverse », résume Lionel Labit, un des administrateurs de l’association Nature et progrès. D’où une réglementation « taillée sur mesure pour offrir un pont d’or à la “bio” industrielle », confirment les auteurs de l’ouvrage collectif De la bio alternative aux dérives du « bio »-business. La loi permet d’apposer le précieux label sur des produits pas franchement en accord avec l’éthique bio : de l’huile de palme bio issue de terres « gagnées » sur la forêt amazonienne, des poulets bios élevés durant 71 jours (les poulets fermiers label rouge sont abattus à 81 jours minimum), des céréales et des biscuits bio contenant des OGM… « Le jus d’oranges bio espagnol est très bon, explique le président de la Fnab (1), Dominique Marion. Mais à la dernière gorgée, il a le goût de la sueur des travailleurs immigrés, sans papier et exploités qui ont récolté ces oranges. »

45 % des produits bio sont vendus en grandes surfaces

Les consommateurs les moins avertis ne voient pas la différence… et continuent à ouvrir leur portefeuille de plus en plus grand. 72 % plus grand en l’occurrence : c’est le surcoût moyen des produits bios par rapport à leurs équivalents conventionnels, d’après le magazine Linéaires de novembre 2009. Deux mois plus tard, l’UFC-Que choisir sortait aussi sa calculette. Résultat : un panier de produits bios 57 % plus cher que celui composé de marques distributeurs non bio. « Une partie de cet écart est justifiée », reconnaît l’association de consommateurs… avant de préciser que les grandes surfaces doublent leurs marges sur les pommes bio !

D’après l’Agence bio, 45 % des produits bios achetés en France passent par les grandes surfaces. Plusieurs enseignes se sont récemment lancées dans la bataille du bio bon marché. Or les centrales d’achat ne s’embarrassent pas de savoir si le producteur qui leur vend ses fruits vit de son travail. Un des objectifs de la bio est pourtant de « redonner aux paysans une place dans la société », affirme Dominique Marion.

Malgré la crise, le marché de la bio a doublé en 4 ans

Qui dit grande distribution dit aussi importations massives. L’année dernière, elles représentaient 38 % des produits bios. Des échanges contradictoires avec les principes de la bio pour au moins deux raisons : la pollution engendrée par les transports, et le dumping environnemental et social pratiqué dans certains pays peu regardants. Ainsi, en 2008, la coopérative Terrena a importé près de 300 tonnes de soja chinois contaminé à la mélamine. Cette résine plastique (utilisée dans les meubles en formica) gonfle artificiellement le taux de protéines des produits alimentaires.

Le moteur de toutes ces dérives ? L’explosion du marché des produits bio, plus que jamais plébiscités par les consommateurs. Entre 2005 et 2009, le marché français des aliments bio a doublé. Quel autre secteur a connu en 2009 – malgré la crise ! – une croissance de 19 % ? « Si on laisse faire, on risque d’aller vers ce qu’a vécu l’agriculture conventionnelle », reconnaît Dominique Marion. L’agriculteur appelle de ses vœux « une bio qualitative et solidaire, pas une bio de marché ».

Seule alternative pour les vertueux de la bio : se regrouper derrière des labels privés, aux cahiers des charges plus exigeants que la réglementation. C’est le cas des produits étiquetés « Demeter », « Nature et progrès » ou encore « Bio cohérence ». Mais pour Lionel Labit, de Nature et progrès, il faut aller plus loin : « Les consommateurs doivent chercher à savoir d’où viennent leurs aliments. Et plus les circuits de vente seront courts, plus ils en sauront. »

(1) Fédération nationale d’agriculture biologique.

Yannick Groult

http://www.humanite.fr/21_07_2010-quand-le-business-recycle-la-bio-450157

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