Depuis quelques semaines, la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) nous promet dans ses affiches qu'elle va « sauver la Sécu » avec le tarif unique. On aimerait croire à un regain de philanthropisme de la part des cliniques privées, mais on a du mal. Quel est donc ce charabia et en quoi sauverait-il la Sécu ?
Prenons l'exemple du VIH. Plus de 98% des malades du sida sont pris en charge par l'hôpital public. Le sida n'est pas « bankable » : il ne fait pas partie des plans stratégiques des structures privées.
Les cliniques privées peuvent choisir leurs patients et leurs actes selon des critères de rentabilité, tandis que la mission de l'hôpital public est bien encore d'accueillir tous ceux qui ont besoin de soins, quels que soient leurs revenus.
L'activité des cliniques privées ne peut être comparée à celle de l'hôpital public, qui prend en charge plus de 80% des urgences et la plupart des interventions complexes (accidents vasculaires, réanimations, greffes, neurochirurgie…).
C'est également l'hôpital public qui accueille les patients précaires et/ou sans mutuelle, assure la continuité des soins et étend sa mission à la formation des personnels et à la recherche.
Des estimations de tarif partielles et partiales
Pour justifier l'appel au tarif unique, la FHP met en avant 50 actes médicaux qui seraient moins onéreux dans le privé que dans le public. Outre le caractère partiel et mensonger de cette affirmation, la FHP omet de préciser que ses estimations n'incluent pas les dépassements d'honoraires des médecins et les surcoûts divers (chambre individuelle, etc.).
Dès 2005, l'Inspection générale des affaires sociales notait que sur 527 millions d'euros de dépassements d'honoraires, 470 se produisaient dans des structures privées. Courant avril, le président de la FHP, célébrait son adhésion au Medef :
« Nous revendiquons le statut d'entreprises de santé et sommes heureux que, par l'intermédiaire de notre adhésion au Medef, soient reconnues la place et la contribution de l'hospitalisation privée dans le tissu économique national. »
Pas de stratégie de santé publique mais la recherche du profit
Ces propos révèlent une vision de la santé comme composante d'un système qui n'obéit qu'aux règles de l'économie de marché, fonctionnant sur la base d'investissements privés et de financements publics.
Aucune stratégie de santé à long terme n'est ici envisagée, il s'agit d'un modèle d » « entreprise de santé » qui recherche la rentabilité immédiate et à tous les niveaux :
- La patientèle devient une clientèle, parmi laquelle on sélectionne d'abord les nantis capables de s'acquitter des multiples surcoûts.
- Les conditions de travail et de salaire deviennent celles d'une entreprise qui doit satisfaire les exigences des actionnaires. Les équipes médicales sont surmenées et les risques d'erreur accrus.
Les personnels de plusieurs cliniques privées (Ales, Marseille, Montpellier…) sont en grève. La récupération par le privé de professionnels de santé (et de leurs patients) et des actes les plus rémunérateurs de l'hôpital public vide davantage ce dernier des activités rentables.
- Des situations de monopole existent déjà dans certaines régions, favorisant les rachats de structures en difficulté, qui seront ensuite « rentabilisées » à coups de suppressions de postes et au détriment de la qualité des soins.
Une fois les investissements « rentabilisés », quel devenir pour les cliniques privées ? Une introduction en bourse ? Le VIH, les maladies orphelines ou rares, les polypathologies ou la chirurgie complexe seront alors bien mal cotées.
Une situation entérinée par les politiques de santé
Ce sont les mesures de privatisation mises en place par les ministres de la Santé successifs qui ont permis aux tenants du capital financier, à commencer par la FHP, de s'emparer du système de santé initialement solidaire.
La tarification à l'acte (T2A) est le principal instrument du démantèlement de l'offre de soins publique : elle ne permet pas la subsistance de l'hôpital public, rabat les soins rentables vers le secteur privé et incite les patients qui en ont les moyens à avoir recours à des mutuelles qui se révèlent de plus en plus être de vulgaires assurances.
En 2007, après examen des comptes de la Sécu, la Cour des comptes révélait une amputation du budget de l'hôpital public de 191 millions d'euros, dont 168 millions affectés au secteur privé de la santé.
Les fonds publics transférés au privé servent à diverses opérations financières sans aucun lien avec la santé (cession des murs à des grands groupes fonciers, acquisition de titres d'autres entités privatisées…), au détriment des malades.
http://www.rue89.com/2010/07/17/non-les-cliniques-privees-ne-veulent-pas-sauver-la-secu-159002
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