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23/07/2010

L'indépassable stigmatisation des banlieues

Depuis les émeutes de 2005, les médias, notamment télévisés, ne parviennent pas à traiter le sujet des quartiers défavorisés sans éviter les clichés de la violence, de la drogue et de la délinquance. Éternel fait divers, la banlieue garde cette image négative, à travers des reportages dans les profondeurs du "9.3".

"Guérilla urbaine", "Explosion de violence", les banlieues devenues des "zones de non-droit". Une population "sous le choc", "traumatisée", des habitants "excédés". Cinq ans après les émeutes de 2005 qui avaient commencé à Clichy-sous-Bois, les mêmes scènes, transposées à Grenoble, circulent toujours sur les écrans de télé. La banlieue stigmatisée par les médias, la critique est presque devenue un lieu commun. En particulier à la télévision ou dans les journaux "populaires" (Le Parisien, France soir, Paris-Match), qui se cantonnent à un traitement faits divers, sans aborder le fait social. Au lendemain des événements de Grenoble, Le Parisien fait naturellement sa Une sur "l’Isère au cœur des faits divers" avec une double page titrée "Flambée de violence dans la région de Grenoble". TF1, France 2 ou les chaînes d’information en continu diffusent des reportages, au goût de déjà-vu, exclusivement factuels. Les JT expliquent le dispositif policier mis en place, l’arrivée de Brice Hortefeux ou encore le sentiment des habitants, "sous le choc de la violence de ces derniers jours".

Mais depuis quelques temps, le monde journalistique semble aussi se rendre compte que la banlieue n’est pas seulement habitée par des jeunes délinquants qui brûlent des voitures. S’agit-il d’une réelle évolution sur la manière d’aborder le "problème" des banlieues ? La sociologue Julie Sedel, auteure des Médias et la banlieue, en 2009, estime que l’on n’a pas encore assez de recul pour l’évaluer de façon définitive mais elle remarque la capacité de certains médias à intégrer la critique : "On en arrive à un traitement qui se veut plus « compréhensif » des quartiers, plus sociologique".

Stratégie de communication ? "Cela semble plutôt s’inscrire dans une volonté des rédactions de tirer leur épingle du jeu sur un terrain devenu incontournable, explique Julie Sedel. La compétition entre les médias et les journalistes sur le traitement des banlieues s’est déplacée". Par rapport aux années 2000, où le "journalisme de banlieue" était considéré comme un sujet embarrassant, les rédactions communiquent et veulent montrer qu’elles font du bon travail, sur un sujet qui fait désormais figure de marronnier. "La définition du « bon travail », se résumant souvent à proposer un traitement « équilibré » (le négatif et le positif NDLR) de ces territoires", explique-t-elle. Une option confirmée par Antoine Guélaud, directeur de la rédaction de TF1. Même si "la réflexion éditoriale sur les banlieues existe en permanence à TF1" et que selon lui il n’y a pas eu de changement radical depuis 2005, la rédaction souhaite "appréhender l’aspect positif, les initiatives dans les banlieues" pour éviter l’accusation de sensationnalisme. Au service société qu’il dirigeait entre 1998 et 2008, il a été décidé de confier à un ou deux journalistes la spécialité des quartiers dits "difficiles".

"Venir à Saint-Denis, c'est un peu l'aventure."

Pourtant, cette année encore, on a pu voir une kyrielle de reportages et d'"enquêtes inédites" sur le trio banlieue-drogue-violence. A travers notamment un traitement magazine des banlieues, où le journalisme "de terrain" et le temps passé "en immersion" avec les différents acteurs des quartiers sont mis en avant. L’essai est souvent maladroit. "Mon voisin est un dealer", reportage diffusé dans le cadre de l’émission "Haute Définition" sur TF1, revendique une vision neuve, "impossible à filmer avec une caméra". La journaliste est fière d’avoir pu établir les contacts nécessaires à une vision "interne" de la "réalité" des banlieues. Le présentateur explique que l’équipe a passé trois mois sur place. Mais le reportage nous livre une version toujours caricaturale de jeunes qui traînent dans les halls d’immeubles. L’émission a d’ailleurs été vivement critiquée par des associations de quartier. "L’Académie des banlieues" a décerné un "prix de la manipulation" à ce reportage qualifié de "mensonger". L’expérience d’Harry Roselmack en banlieue ("Derrière les murs de la cité") semblait plus prometteuse (voir la vidéo). Installé dans un appartement à Villiers-le-Bel (dans lequel finalement il n’a pas résidé), il nous livrait quelques portraits sans tomber dans le sentimentalisme, privilégiant les entretiens avec les citoyens plutôt qu’avec les autorités. Mais le reportage semble milimétré, mis en scène, tandis qu'Harry Roselmack n'aurait finalement pas résidé dans l'immeuble en question.

M6 n’est pas en reste : "Ici tout le monde deale", assure un habitant de Sarcelles en septembre 2008 (vidéo). De même, "Les nouveaux rois du 93" dans l’émission "Enquête exclusive", diffusée le 28 mars 2010 : "Venir à St-Denis, c’est un peu l'aventure". On veut y présenter "le Saint-Denis qui gagne" mais on met en avant les problèmes de la cité. Insalubrité, chômage et drogue, "Ici, ce sont toujours les petits caïds qui font la loi". Quand la nuit tombe, seuls traînent les dealers et les crackers, ils prennent possession des rues et des immeubles." (voir la vidéo en quatre parties)

Et pourtant, faut-il le rappeler ? Les banlieues ne sont pas que des coupe-gorges, mais aussi des lieux de melting-pot culturel où se tissent des liens de solidarité. L’émission "Teum Teum" sur France 5 invite une personnalité à visiter une ville de banlieue. On tombe parfois dans le travers inverse avec une vision un peu "bisounours" mais elle a le mérite d'exister (vidéo :Geneviève de Fontenay à Veaux-en-Velin). C’est aussi ce qu’essaient de montrer des associations et médias de quartier qui œuvrent à la reconnaissance des quartiers : le Bondy Blog, créé à la suite des émeutes de 2005, l’agence de presse Ressources urbaines ou l’association Presse et Cité. Leur présence et leur militantisme montrent tout de même qu’il y a encore du chemin à faire avant une vision juste des quartiers populaires. "Il ne s’agit pas non plus d’être angélique, concède Antoine Guélaud de TF1, on veut montrer une photographie de la « réalité » dans sa complexité, avec ce qui va et ce qui ne va pas." Attiser la peur des téléspectateurs reste encore ce qu’il y a de plus vendeur à la télévision.

Sarah Masson

http://www.humanite.fr/22_07_2010-lind%C3%A9passable-stigmatisation-des-banlieues-450229

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