Voici quelques graphiques composés à partir des données internationales 2009 de l’OCDE sur la santé (fichiers accessibles en lignes). Je me suis limité à une assez édifiante comparaison entre la France et les Etats-Unis.
Commençons par un grand classique : le poids des dépenses totales de santé (publiques et privées) dans le PIB depuis 1960. C’est le graphique 1 qui suit (cliquez sur le graphique pour l’agrandir).
Le poids des dépenses de santé est supérieur aux Etats-Unis dès le début de la période, mais l’écart commence à se creuser à partir des années 1980. On atteint 16 % en 2007 contre 11 % en France. Et, selon une récente publication, ON EST PASSE A 16,2 % EN 2008 ET… 17,3 % EN 2009, ce dernier chiffre s’expliquant en partie par une diminution du PIB américain. Et l’on prévoit gaiement un chiffre de 19,3 % dans dix ans.
Mais il y a plus fort comme creusement de l’écart des dépenses de santé. Le graphique 2 porte sur le montant moyen des dépenses par habitant, exprimées en dollars par habitant et par an, moyennant une conversion classique de la monnaie française (le Franc, puis l’euro) en dollars via des « parités de pouvoir d’achat ».
À nouveau, l’écart se creuse à partir des années 1980, et il atteint un niveau spectaculaire en fin de période : en 2007, les dépenses de santé par habitant sont de 7300 dollars aux Etats-Unis et de 3600 en France, soit PLUS DE DEUX FOIS PLUS chez l’oncle Sam. Remarquez, ça gonfle le PIB et la croissance.
Avec de tels différentiels de dépenses pour la santé, nul doute que l’espérance de vie des Américains l’emporte de plus en plus sur la nôtre, non ? Le graphique 3 répond à cette question.
Réponse : l’espérance de vie à la naissance, qui était proche dans les deux pays entre 1960 et le début des années 1980, commence à décrocher vers 1983-84. En 2007, l’écart atteint 2,6 ans en faveur des Français (80,7 contre 78,1). C’est au moment où les Américains se mettent à dépenser de plus en plus par rapport à nous qu’ils se font distancer de plus en plus !
Autre indicateur classique : le taux de mortalité infantile (enfants qui meurent dans leur première année, en proportion du nombre de naissances d’enfants vivants). C’est le graphique 4.
Résultat un peu différent ici car, à partir d’une situation initiale semblable, l’écart ne cesse pratiquement pas d’augmenter en faveur de la France, en particulier au cours de la dernière décennie, celle où l’on nous a chanté le refrain de « la forte croissance américaine qu’il faudrait imiter ». En 2007, les chiffres sont respectivement de 3,8 et 6,7 pour mille, ce n’est pas mince.
Pour analyser ces paradoxes, il faudrait bien plus qu’un texte de blog. J’en ai déjà parlé dans mon post de juillet 2009 « Santé : toujours plus n’est pas toujours mieux », qui présentait certains graphiques du même type. Je complète, très partiellement, avec trois autres graphiques. Le graphique 5 indique l’évolution depuis 1991 de la proportion d’adultes considérés comme obèses. Comme les définitions et méthodes ne sont pas identiques dans les deux pays, ce graphique est moins fiable que les autres. Mais il est très probable qu’il y a une proportion de personnes concernées de deux à trois fois plus importante aux Etats-Unis qu’en France. Mon ami Aurélien Boutaud m’a indiqué une autre source assez saisissante, un diaporama accessible via ce lien.
Le graphique 6 porte sur la mortalité liée au diabète, et le suivant sur celle qui est associée à des maladies respiratoires. Décidément, ce qui se passe à partir des années 1980, la « révolution conservatrice » et la montée de l’ultra-capitalisme, semble bien affecter la santé des Américains et creuser l’écart avec la France, au moins pour certaines pathologies.
Cela ne veut pas dire que la médecine américaine n’obtient pas de beaux résultats dans divers domaines, comme la forte baisse de la mortalité liée à des accidents vasculaires cérébraux ou à celle consécutive à des infarctus (qui reste toutefois 80% plus élevée qu’en France), mais à un prix énorme : celui d’une course-poursuite pour réparer les dégâts sanitaires croissants d’une société et de modes de vie pathogènes, d’une pauvreté endémique et d’un manque criant de couverture maladie.
Le dernier graphique ne porte pas sur la santé physique mais sur la « santé sociale », à partir d’un indicateur synthétique mis au point par des chercheurs américains en faisant la moyenne de neuf indicateurs sociaux d’exclusion, de pauvreté ou d’inégalités. La série s’arrête malheureusement en 1996, mais elle est suffisante pour mettre en relief le grand plongeon de la santé sociale des Américains à partir des mêmes années 1980, alors que le PIB par habitant poursuit sa belle envolée.
Un dernier chiffre pour la route : un rapport récent du Département de l’Agriculture des États-Unis montre qu’entre 1999 et 2008 le nombre de personnes en état de « très faible sécurité alimentaire » est passé de 3,1 millions à 6,7 millions. Voir ce lien.
Si vous ne voyez aucun rapport entre les chiffres de santé sociale et ceux de santé physique, ou avec le « toujours plus » de dépenses de médecine curative, je vous conseille de consulter un ophtalmo. Et si vous n’en profitez pas pour questionner à la fois la miraculeuse croissance américaine de cette période et le néolibéralisme destructeur de société et d’environnement, prenez rendez-vous avec le docteur Stiglitz plutôt qu’avec le charlatan Attali.
http://alternatives-economiques.fr/blogs/gadrey/2010/02/28/l%E2%80%99ultra-capitalisme-ultra-mauvais-pour-la-sante-ultra-couteux-pour-la-societe/
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