y Lai, Vietnam, 1968. Q : "Même les bébés ?". R : Ouais, même les bébés.
Le massacre de Mỹ Lai, survenu pendant la guerre du Viêt Nam, est une tuerie menée le 16 mars 1968 par des soldats américains contre des civils vietnamiens, dont beaucoup de femmes et d’enfants, dans le hameau de Mỹ Lai.
Ce n’était pas une bataille, ni un combat mais une tuerie.
L’indignation populaire et politique que soulèvera ce massacre, lorsqu’il sera révélé un an et demi plus tard par un reportage du magazine Life, sera le point de départ d’un scandale international qui favorisera la montée du pacifisme aux États-Unis.
Hue City était une ville du Sud Vietnam, scène d’horribles crimes commis par les militaires US quand elle fut investie par les forces américaines en mai 68. Le sous-secrétaire des forces aériennes étatsunien, Townsend Hoopes, a admis que la ville, lorsque les militaires US sont partis, avait été dévastée. 80% des bâtiments réduits en poussière, et dans les ruines gisaient 2000 cadavres de civils tués (*).
Fallujah (**), Irak, 36 ans plus tard. Les mêmes « guerriers ».
L’opération Vigilant Resolve, contre la ville irakienne de Fallujah en avril 2004 a été mise en branle afin de punir les coupables de « l’assassinat » de quatre mercenaires américains (Blackwater devenu Xe) appartenant à des milices US privées, parallèles à l’armée.
Ces milices sont reconnues par la justice US elle-même comme incontrôlables et sont en « procès » pour certains crimes qu’elles ont commis en Irak. Leur comportement, stigmatisé par certains militaires US eux-mêmes, a déclenché des massacres, provoqué des débordements et renforcé la résistance à l’occupation américaine, de l’aveu même de ses « stratèges » (1).
Etant un semi-échec, Vigilant Resolve fut suivie en novembre de l’opération Al Fajr, ou Phantom Fury.
L’opération devait être rapide afin de remporter la « victoire » avant même que l’opinion publique n’ait le temps de s’indigner face aux morts civils et à la destruction : « [we] have to speed the kill » (Graham 2005) avait déclaré un général américain (2).
Tout était bon pour écraser et certains ont osé appeler cette boucherie, bataille.
Armes biologiques, bombes incendiaires MK-77 (3), du phosphore blanc, « pour éclairer le champ de bataille (sic) ».
« Shake and bake missions » (« Missions pour secouer et rôtir ») pour un magazine militaire interne (4).
Les gaz d’une bombe au phosphore blanc se répandent à 150 mètres à la ronde et brûlent la peau jusqu’à l’os (5).
- fallujah
Une convention de l’Onu de 1980 interdit l’usage de bombes incendiaires dans les régions où se trouvent des civils, mais qu’importe, ces résolutions ne sont pas pour les Etats-Unis, Israël, le Royaume-Uni, mais uniquement pour les autres.
Ensuite ont eu lieu les opérations de nettoyage.
L’armée a déplacé au bulldozer de grandes quantités de terre. Les réservoirs d’eau ont été complètement vidés. Les rues lavées au karcher. Les secours n’ont pas eu accès aux districts où se sont déroulés les combats les plus durs (6).
Il n’y a pas si longtemps, la Serbie de Milosevic avait été diabolisée en Occident pour cent foins moins que ça.
6000 civils tués, un acharnement qui n’avait plus rien de militaire, tout cela pour quelques contractuels meurtriers, une histoire de fierté et l’écrasement pour l’exemple d’une résistance justifiée (7).
« Agir avant que l’opinion publique n’ait le temps de s’indigner face aux morts civils », selon ce général américain. Quelle indignation craint-il, en Occident ? Tout au plus a-t-on fait polémique autour du jeu vidéo Six Days in Fallujah (Konami) inspiré de ces jours sombres pour l’humanité (8).
Haditha, Irak, 19 novembre 2005.
Toujours le fameux prétexte du « triangle sunnite » où se concentrerait la « puissante » rébellion irakienne.
Moins de victimes, vingt-quatre, de la fureur des soldats étatsuniens, mais toujours le témoignage choquant et censuré d’une barbarie inexcusable où les civils sont les cibles impuissantes de terribles vendettas, systématiquement couvertes par l’état-major US (9).
- Haditha
La ville de Marjah, Afghanistan, février 2010.
Officiellement, l’attaque vise à reprendre le contrôle d’une partie de la province du Helmand - aux mains des talibans. Le district de Marjah est le centre névralgique de la culture du pavot, source de financement de la guérilla. Voilà pour les prétextes habituels.
L’opération Mushtarak, « ensemble » (en dialecte Dari), est une opération de nettoyage ethnique, maquillée en indispensable lutte contre le terrorisme taliban. Les termes accusateurs de massacres ou de nettoyage ethnique ne sont utilisés que quand il faut diaboliser le président serbe (Slobodan Milosevic), ou l’irakien Saddam Hussein, qui ne jouaient plus le jeu de l’Occident.
Pour les opérations US, il s’agit toujours d’âpres batailles (contre des civils !), de guerre contre le mal et de combats tactiques avec frappes « chirurgicales ».
Ce crime US de plus contre l’humanité vise à Marjah des dizaines de milliers de civils pashtounes.
Les forces armées US/OTAN et celles de l’armée nationale afghane (ANA) ont provoqué le déplacement de dizaines de milliers de civils fuyant l’offensive menée contre leurs villages dans la province du Helmand.
Des civils, des enfants, paient ce nouveau fantasme sanguinaire des conquérants du Nouvel Empire (10), comme cela avait été le cas sous la présidence du démocrate Bill Clinton, au Kosovo, en Macédoine et en Bosnie, dans les années 90.
De My Lai en 1968 à Marjah en 2010, en passant par Hue City, du Vietnam à l’Afghanistan, en passant par l’Irak, la distance est longue mais ce sont les mêmes « guerriers », les Etats-Unis et leurs alliés, sorte de Huns, de Mongols, de Tartares, de Vikings, de hordes des Temps Modernes au potentiel toxique multiplié par mille étant donné toutes leurs armes de destruction massive, bombes, drones, missiles, phosphore blanc, uranium appauvri, napalm, et tungstène, sans compter la famine, les blocus, l’empoisonnement de l’eau et la plus terrible de leur arsenal, pire que toutes les précédentes réunies, l’utilisation des médias comme vecteurs de leurs propagandes.
Ce n’est pas le nombre de victimes, vingt-quatre ou six mille, qui rend les opérations US de plus en plus choquantes, ou de plus en plus barbares, mais bien leur caractère répété et toujours justifié, leur utilisation disproportionnée de la force, les mensonges systématiques entourant leurs vrais motifs, l’étouffement médiatique et juridique de leurs atrocités par les gouvernements et les chaînes de télévision qui légitiment ces horreurs, leur comportement inhumain, et leurs violations systématiques des conventions et résolutions internationales, qu’ils utilisent quand il faut contraindre les autres, ou les diaboliser, mais qu’eux-mêmes foulent au pied sans le moindre état d’âme.
Et l’insupportable indulgence des populations.
Mais ce n’est pas étonnant. Ils se comportent de la seule façon qu’ils peuvent se comporter, la seule façon dont l’Histoire témoigne qu’ils se comportent. En 1763 les chefs militaires de cette grande nation commençaient sa formidable épopée avec la variole et leur premier usage de l’arme bactériologique. Pour lutter contre les Indiens d’Amérique du Nord, le colonel anglais Bouquet, commandant des forces en Pennsylvanie, leur fit distribuer des couvertures infectées de virus varioleux.
Ils ont commencé leur « lutte » sanglante pour le Bien avec la population indigène, la première à occuper les lieux, les Indiens : massacrer, écraser les tribus, y compris les enfants, les femmes et les vieillards, quels que soient les traités précédemment signés, renier la parole donnée, trahir, diaboliser et hypertrophier la force de l’ennemi, popularisé comme le guerrier impitoyable, traître et chasseur de scalps, humilier et enfermer ces peuples fiers dans des réserves inhospitalières, comme du bétail…
Ces traitements de choc témoignent de leur sorte d’humanité et permettent de mieux comprendre le comportement actuel des armées US au Vietnam, en Irak, à Haïti, aujourd’hui en Afghanistan, demain en Iran, au Venezuela.
Il ne peut en être autrement.
Le gouvernement étatsunien ne changera pas, quel que soit le président, quel que soit le parti au pouvoir. Ils auront et fourniront toujours de bonnes raisons à leurs actes, usant du mensonge chaque fois qu’il le faut.
C’est la population qui a fait arrêter la guerre au Vietnam. Avec l’aide de certains médias.
Ce qui a changé en 30 ans, entre My Lai et Marjah, est un coup terrible porté à l’Humanité, dans lequel les grands médias occidentaux contemporains, largement complices des gouvernements, jouent un rôle nouveau, indispensable : l’uniformité de la pensée unique, qui n’a plus rien de critique, ni même d’analytique. Le Bien contre le Mal. Ils ne font plus que de la propagande, engluant les populations qui leur font confiance dans les théories gouvernementales comme une araignée dans les fils de sa toile. Des films de reporters présents sur place à Fallujah sont censurés (**). Par contre toutes les vidéos trafiquées de Ben Laden seront montrées ou tout du moins répercutées en détails dans la « grande » presse.
Les mots charniers et épuration ethnique sont prononcés sans inquiétude déontologique dès qu’il s’agit de l’horrible serbe Milosevic ou du diabolique Saddam Hussein. Mais pour Fallujah, Marjah, il ne s’agira que d’opérations militaires anti-terroristes.
Si My Lai s’était produit aujourd’hui, avec nos médias actuels, rien ne serait arrivé aux oreilles du public et si oui, le prétexte d’une cachette terroriste aurait servi à justifier toute l’horreur, sans que la population occidentale ne s’en indigne une seconde.
Les médias officiels sont devenus un vulgaire valet du Pouvoir Exécutif.
Où est leur honneur ? Leur mission primordiale ? En 1970, elle était encore de critiquer les dérives gouvernementales, de tous les gouvernements, et d’appeler les massacres par leur nom : ni des guerres, ni des batailles, ni des « opérations chirurgicales », mais des tueries !
En 1970, grâce au magazine Life, le massacre de My Lai déclencha un scandale international qui souleva l’indignation populaire et politique, favorisant la montée du pacifisme aux Etats-Unis.
De vrais être humains vivaient en ce temps-là. Ils n’ont pas attendu que le gouvernement change mais l’ont empêché de continuer à nuire.
Pour Fallujah, pour le moment, notre « humanité » s’est seulement indignée pour un jeu vidéo (11).
Pascal Sacré
** Fallujah le massacre caché, vidéo :
http://video.google.com/videoplay?d...
(1) Cinq employés de Blackwater inculpés d’homicides :
http://www.rfi.fr/actufr/articles/1...
(2) Source : http://www.gersi.umontreal.ca/uploa...
(3) Source : ministère britannique de la Défense en juin 2005, ces bombes, un peu différentes du napalm, ont des effets similaires.
(4) US Army’s Field Artillery Magazine, mars-avril 2005
(5) Iraq War Casualty Pictures :
http://mindprod.com/politics/iraqwa...
(6) JAMAIL, D., Odd happenings in Fallujah, 18 janvier 2005,
http://www.dahrjamailiraq.com/weblo...
(7) http://www.planetenonviolence.org/L...
(8) Six Days in Fallujah fait déjà polémique : http://www.gameosphere.fr/billet-si...
(9) Le massacre d’Haditha se confirme et embarrasse le Pentagone :
http://www.lefigaro.fr/ internation...
(10) Honte, http://www.legrandsoir.info/Honte.html
(11) Six Days in Fallujah fait déjà polémique, op. cit.
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