La Cour rejette les poursuites contre la NSA pour espionnage et se range du côté de la Maison-Blanche en ce qui concerne la surveillance illégale.
À la fin janvier, le Bureau de l’inspecteur général du département de la Justice a publié un rapport fournissant de nouveaux détails saisissants sur les opérations illégales du Communications Analysis Unit du FBI (Unité d’analyse des communications, CAU) et des entreprises de télécommunication frauduleuses.
Depuis des années, AT&T, Verizon, MCI et d’autres ont alimenté ce bureau de factures téléphoniques appartenant à des journalistes et à des citoyens, sous le couvert de l’interminable et très rentable « guerre au terrorisme » des États-Unis.
Entre 2002 et 2007, le FBI a récolté illégalement plus de 4000 factures téléphoniques, en évoquant des menaces terroristes bidon ou simplement en persuadant les compagnies de téléphone de leur remettre ces factures. Pourquoi? Parce que le FBI le pouvait et les compagnies étaient plus que disposées à aider un « ami » et à récolter les bénéfices acquis en déchiquetant du même coup la Constitution.
Ces pratiques étaient devenues si flagrantes que « sur la base de rien de plus qu’un courriel ou une demande gribouillée sur une languette adhésive, les employés des compagnies de téléphone remettaient les factures téléphoniques des clients » au FBI, rapporte le
Et lorsque des questions ont été soulevées à l’interne à propos de ces pratiques louches, les hauts dirigeants du FBI « dont ceux au niveau de la direction » ont approuvé la méthodologie manifestement illégale du CAU et ont répondu en « façonnant une lettre de "couverture" relative à la sécurité nationale afin d’autoriser toutes les recherches antérieures n’ayant pas été couvertes par les cas en cours », a révélé le Washington Post.
Selon le Times, « à quelques occasions les employés de ces compagnies ont permis au FBI de téléverser les registres d’appel dans des bases de données gouvernementales. Dans d’autres cas ils ont laissé les agents voir des factures sur leurs écrans d’ordinateurs, une pratique devenue connue sous le nom de "coup d’œil furtif" ».
« Toutefois, l’inspecteur général révèle également une surprise enfouie à la fin du rapport de 289 pages, soit un règlement secret édicté par l’administration Obama il y a presque deux semaines, stipulant que le FBI avait agi légalement en contournant les mesures de protections relatives à la vie privée », a divulgué Wired
Le journaliste d’investigation Ryan Singel a dévoilé qu’« il y a près de deux semaines, l’administration Obama a légalisé rétroactivement le fiasco en entier par un règlement secret du Cabinet du Conseiller juridique ».
Single écrit : « C’est dans ce même cabinet que John Yoo a approuvé les techniques de tortures et l’écoute clandestine sans mandat du président George W. Bush, lesquelles ont dépassé les bornes.
Alors que les médias corporatifs formulent ces histoires comme si elles étaient des pratiques d’un lointain passé bushiste, le dénonciateur et ancien technicien du téléphone chez AT&T Mark Klein pense le contraire. C’est lui qui a divulgué des documents sur l’existence de salles d’espionnage contrôlées par la National Security Agency (NSA) et intégrées aux bureaux de commutations d’AT&T à travers le pays.
M. Klein a déclaré le 29 janvier au journaliste de Wired David Kravets que le Programme de surveillance du président (President's Surveillance Program ou PSP) et des documents internes d’AT&T suggèrent que ce programme « n’était que la pointe de l’iceberg que constitue l’écoute illicite ».
Selon M. Klein, ces programmes ne « ciblent » pas les présumés terroristes mais [démontrent] plutôt » un important balayage automatique non ciblé des communications de millions de personnes à chaque seconde.
Pourtant, malgré des preuves accablantes de violation de la loi par l’État secret et ses partenaires corporatifs, le juge en chef du district, Vaughn Walker, a rejeté le 21 janvier la poursuite de l’Electronic Frontier Foundation (EFF), Jewell c. NSA, engagée pour le compte des clients d’AT&T qui luttent contre les opérations illégales de la NSA ciblant les appels, les courriels et les recherches sur le Web de millions de citoyens.
Dans un jugement timide qui esquive la question des droits à la vie privée des Étasuniens, le juge Walker a réaffirmé les pouvoirs illimités du soi-disant « exécutif unitaire », le double discours bushiste signifiant « dictature présidentielle », une position embrassée par l’actuel résident du bureau ovale, le président du « changement » discrédité, Barack Obama.
Autre signe que la branche exécutive et les agences de l’État secret sont au-dessus des lois, M. Walker a jugé que le mal fait aux citoyens étatsuniens et résidents légaux en vertu du PSP n’était pas un « préjudice détaillé » mais plutôt un « grief généralisé » parce que presque tout le monde aux États-Unis possède un téléphone et un accès Internet.
M. Walker a certifié de façon sinistre qu’« un citoyen ne peut pas obtenir de qualité pour agir en revendiquant le droit de voir le gouvernement respecter la loi » Ce lamentable jugement sommaire affirme simplement l’évidence : les États-Unis sont un État sans lois où ni les citoyens ni les branches du gouvernement « sur un pied d’égalité », le Congrès et les tribunaux, ne peuvent contester les décisions politiques quintessentielles prises en secret par la branche exécutive.
Malgré le fait qu’une audience par le propre Bureau de l’inspecteur général du département de la Justice a reconnu que le FBI et les frauduleuses compagnies de télécommunication ont conspiré afin de violer les lois fédérales contre l’espionnage téléphonique, à savoir l’Electronic Communications Protection Act (ECPA) (Loi sur la protection des communications électroniques), et continuent à la faire à l’heure actuelle, le jugement de M. Walker signifie qu’on laisse les Étasuniens sans mécanisme légal afin de remédier à la destruction systématique de leurs droits.
Selon les dispositions d’exécution de l’ECPA, « [u]n tribunal délivrant une ordonnance conformément à cet article contre une entreprise de télécommunications, un fabricant de systèmes de transmission de télécommunication ou d’équipements de commutation ou encore contre un fournisseur de services de soutien de télécommunications peut imposer une sanction civile allant jusqu’à 10 000 dollars par jour de violation après la délivrance de l’ordonnance ou après une date ultérieure, pouvant être spécifiée par le tribunal ».
Il est évident que si ces poursuites allaient de l’avant et que les compagnies de télécommunications perdaient, les grandes entreprises de téléphonie et les fournisseurs d’accès Internet, feraient possiblement face à des amendes astronomiques. Le département de la Justice a par ailleurs été forcé d’admettre dans des documents de la cour que ces compagnies sont « une branche du gouvernement […] lorsqu’il est question d’espionnage », comme le rapportait Wired en octobre.
Si l’on élimine le raisonnement mensonger de M. Walker, nous nous retrouvons avec une tentative supplémentaire s’ajoutant à une série interminable d’actions de l’État capitaliste visant à défendre les intérêts de ses maîtres politiques : l’oligarchie corporative et les escrocs financiers recourent à des méthodes de gouvernance d’État policier afin de consolider un empire croulant.
L’avocat principal de l’EFF, Kevin Bankston, a dénoncé le jugement et déclaré : « Le résultat alarmant de la décision de la cour est que tant que le gouvernement espionne tous les Étasuniens, les tribunaux n’ont aucun pouvoir de réviser ou d’arrêter une telle surveillance de masse, même lorsque cela est catégoriquement illégal et inconstitutionnel. »
En juin dernier, le juge Walker a écarté la poursuite de l’EFF Hepting c. AT&T ciblant la collaboration illégale entre AT&T et la NSA. Dans ce dossier, la cour a jugé que les compagnies de télécommunications jouissaient d’une immunité de responsabilité rétroactive, lorsque le Congrès contrôlé par les démocrates et le sénateur de l’époque et candidat présidentiel corporatiste Barack Obama ont voté en faveur de l’odieux FISA Amendments Act (FAA).
Antifascist Calling a rapporté que l’administration Obama soutenait que la poursuite de Jewell doit être elle aussi écartée pour les mêmes raisons. En se référant à une page du recueil stratégique Bush/Cheney, le gouvernement a prétendu que si cette poursuite allait de l’avant, elle nécessiterait la divulgation de secrets d’État confidentiels.
Comme je l’écrivais à l’époque, les affirmations d’« immunité souveraine » et de privilège des « secrets d'État » signifient que le gouvernement ne peut jamais être tenu responsable d’illégalités flagrantes en vertu d’aucune loi fédérale. En d’autres termes, dans de telles conditions, lorsque sanctionnée aux plus hauts niveaux de l’État, la « primauté du droit » constitue un exercice frauduleux et un acte criminel grossier et devient la norme, alors que les formes d’autorégulation démocratiques et républicaines glissent inéluctablement vers l’abîme de la dictature présidentielle.
Suivant les pas de son prédécesseur à la Maison-Blanche, la nature cynique de la rhétorique d’Obama est d’autant plus remarquable, si l’on considère que le président a annoncé en grande pompe en septembre que son administration, selon le New York Times, « imposera de nouvelles limites aux assertions gouvernementales de secrets d’États confidentiels servant à bloquer des poursuites pour des raisons de sécurité nationale ».
En dépit de la position gouvernementale voulant qu’elle serait la plus « ouverte » de l’histoire, « plus de 300 groupes et individus ont poursuivi le gouvernement pour obtenir des registres » depuis l’entrée en poste d’Obama il y a un, rapportait le Washington Post le 27 janvier.
Le Post révèle que « [d]’un dossier à l’autre, les plaignants affirment que très peu de choses ont changé depuis les années de l’administration Bush, époque où la plupart d’entre eux ont commencé à réclamer des registres. Les agences continuent fréquemment à lutter contre les requêtes de divulgation, en soutenant que la sécurité nationale et la prise de décision interne doivent être protégées ».
Ce penchant pour le secret n’est nulle part aussi prononcé que dans le refus tenace de l’administration Obama de remettre les noms des lobbyistes des entreprises de télécommunications qui ont acheté leurs alliés du Congrès dans la course à l’adoption du FISA Amendments Act de 2008.
L’EFF a entamé des procédures contre le gouvernement et fait une requête en vertu de la Loi d’accès à l’information, demandant à l’administration de lui remettre les noms des lobbyistes ayant contacté le Congrès, le département de la Justice et le Bureau du Directeur du renseignement national, pour le compte de leurs clients des compagnies de télécommunications demandant une immunité rétroactive en vertu du FAA.
Selon l’EFF, des lobbyistes d’AT&T, de Sprint et de Verizon ont déboursé des liasses d’argent, tel que le révélait le groupe de chiens de garde MAPLight en 2008 lorsqu’ils ont publié une liste de contributions à des campagnes des démocrates du Congrès, lesquels ont modifié leur vote sur le FAA une fois que le terrain avait été suffisamment préparé.
Malgré des déclarations d’« ouverture » et de « transparence », l’administration lutte toujours âprement pour dissimuler les noms de ces lobbyistes au peuple étasunien. En décembre, l’EFF rapportait que le département de la Justice « soutenait devant la Cour d’appel que "la divulgation obligatoire de l’identité des représentants n’est pas d’intérêt public" ».
Ayant promis au peuple étasunien que son administration serait basée sur la primauté du droit et l’obligation de rendre des comptes au public, la présidence Obama s’est révélée être tout aussi secrète et mensongère que la cabale Bush/Cheney qui a fait la loi durant huit longues et sanglantes années.
Notre président « tourné vers l’avenir » et les élites de la classe dirigeante qui ont présidé à la destruction de notre démocratie mettent quotidiennement en évidence la culture réfractaire à l’obligation de rendre des comptes, laquelle a été un pilier de la vie politique étasunienne depuis des décennies.
Alors que les tribunaux fédéraux écartent des poursuites de citoyens réclamant que leur droit à la vie privée ne soit pas sacrifié aux pilleurs corporatifs et à leurs complices de l’État policier, les architectes de la torture et de la surveillance généralisée obtiennent un laissez-passer.
Newsweek rapportait le 29 janvier qu’un rapport longtemps attendu de l’Office of Professional Responsibility du département de la Justice (OPR) « acquitte les avocats de l’administration Bush ayant rédigé les mémos sur la "torture" des allégations de manquement professionnel »
Mettant de côté les endroits où Newsweek a placé les guillemets autour du mot « torture », une façon d’agir correspondant totalement au consensus des médias corporatifs voulant que de telles pratiques abominables nous ont « gardés en sécurité », Michael Isikoff et Daniel Klaidman écrivent qu’alors que l’enquête est « sévèrement critique » du « raisonnement légal » utilisé pour justifier les crimes de la CIA et du Pentagone, « un haut fonctionnaire de la Justice ayant fait l’évaluation finale du rapport a [toutefois] atténué une conclusion préalable de l’OPR ».
Cette ancienne version avait conclu que deux des auteurs clés des politiques de torture et de surveillance bushistes, le juge de la Cour d’appel fédérale Jay Bybee et le professeur de droit de l’University of California John Yoo, « ont violé leurs obligations professionnelles en tant qu’avocats lorsqu’ils ont façonné un mémo crucial en 2002 approuvant l’usage de tactiques rigoureuses ».
« Toutefois le réviseur, le vétéran David Margolis, a minimiser l’évaluation en disant qu’ils avaient fait preuve de "mauvais jugement" », note Newsweek.
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En dévalorisant la conclusion originale de l’OPR, le département de la Justice n’est plus dans l’obligation de faire de renvoi aux associations étatiques d’avocats « pour de possibles mesures disciplinaires, qui, dans le cas de Bybee, auraient pu mener à une enquête pour destitution ».
En dépit du raisonnement tortueux des loyalistes aveugles d’Obama, l’« exécutif unitaire » de Dick Cheney est bien vivant.
Après tout, *plus ça change, plus c'est la même chose!
*En français dans le texte
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