À procura de textos e pretextos, e dos seus contextos.

11/02/2010

PIGS

Maurice Ulrich

Les Pigs, les porcs. C’est ainsi que les Docteurs Folamour des marchés et des banques désignent désormais les pays les plus fragiles de la zone euro en jouant sur leurs initiales. Portugal, Irlande, Grèce, Espagne (Spain en anglais). Les porcs  !… Dans la véritable guerre financière qui vient d’entrer dans une nouvelle phase avec l’agression des marchés contre les États et les peuples, les mots en disent long. Mépris, humiliation, dépréciation, c’est le vocabulaire des soudards, fussent-ils en cravate et col blanc, à l’égard de ceux qu’ils entendent saigner.

Que se passe-t-il  ? Les grands investisseurs, ceux qui prêtent aussi aux États, spéculent désormais sur la dette publique des plus fragiles pour exiger une rentabilité accrue de leurs investissements, au nom des risques encourus, évalués par les fameuses agences de notation, liées à ces mêmes grands investisseurs et qui décident de la santé et du degré de solvabilité des États. C’est une machine infernale, puisque sa logique veut que plus un pays va être en difficulté, plus il paiera cher sa survie financière, et plus il devra faire peser sa dette sur ses habitants. La couverture des risques elle-même, sous forme d’assurances, est aussi un produit financier sophistiqué qui se négocie. D’où l’intérêt d’en rajouter sur les risques et de susciter la panique sur les marchés. En attaquant la Grèce la semaine passée, les marchés ont fragilisé toute la zone euro, provoquant la baisse de l’euro lui-même et la chute des Bourses.

Voilà donc, selon les termes de l’éditorialiste des Échos, « la troisième crise, la vraie ». C’est, hélas, sans surprise  ! Depuis des mois la perspective d’un krach obligataire, c’est-à-dire d’un moment où les États ne pourraient plus payer, a pris corps. Le sauvetage des banques et du système financier, qui a coûté des milliards, a accru leur endettement, et c’est maintenant les établissements et les marchés qu’ils ont sauvés avec l’argent des peuples qui entendent les mettre à genoux en étranglant toujours plus ces mêmes peuples.

Mais qui a véritablement tiré les leçons de ce qui s’était passé  ? Rappelons-nous, après le premier G20 sur « la régulation financière », les commentaires avisés des économistes en cour. C’était en marche. Le capitalisme moralisé allait prendre la mesure de ses responsabilités à l’égard de la planète. Comme s’il fallait compter sur les capitalistes et leurs gouvernements pour remettre en cause le capitalisme  ! La restauration de la croissance financière des requins du CAC 40 s’est payée en centaines de millions de chômeurs dans le monde, en appauvrissement dramatique des plus pauvres. Les dettes publiques des États vont se payer en plans de rigueur. N’est-ce pas déjà ce qui est en train en France, où le chef de l’État et son gouvernement ont pris les devants  ? Mais ce n’est qu’un début.

En première ligne, la Grèce résiste. Une grande manifestation aura lieu mercredi à Athènes, 
à la veille d’un sommet économique européen. 
Oh, sans doute va-t-on y parler de nouveau régulation, politiques communes, coopérations, on va sans doute s’y préoccuper de la Grèce et de comment la sauver ou comment s’en débarrasser. Car il est loin le temps béni de l’euro miraculeux  ! Mais il faut des actes et des actes forts. Les marchés sont puissants. Ils ne sont pas intouchables. Le capitalisme est désormais un roi nu et il a un problème. L’opinion publique et les peuples.

Ce sont maintenant les marchés sauvés avec l’argent des peuples qui entendent étrangler ces mêmes peuples.

http://www.humanite.fr/2010-02-08_International_PIGS

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