Les biologistes ont longtemps tenté de comprendre la structure modulaire des êtres vivants, un module étant une structure qui peut fonctionner de façon relativement indépendante des autres parties du système. Ainsi, on peut considérer comme module l'écologie d'un milieu, un groupe au sein de cette écologie, un animal, un organe, une cellule au sein de cet organe, un gène au sein de cette cellule, et ainsi de suite.
Il y a 2 ans, Sun Jun et Michael Deem, des physiciens de l'Université Rice à Houston, ont fait l'hypothèse que cette modularité permet à un système d'évoluer plus facilement et réduit les risques d'effondrement catastrophique face à une agression extérieure.
Ils ont surtout montré que la modularité émerge spontanément de processus évolutionnistes relativement lents et qui échangent des informations.
Rien de nouveau pour l'écologie sinon de faire émerger cette modularité de ces 2 conditions : un temps long et des échanges d'information. Cette fois Deem a voulu appliquer ces principes au commerce mondial dont il a pu vérifier effectivement la modularité à toutes les échelles (entreprises, groupes de commerce, pays, etc.) mais aussi que la mondialisation et la suppression des barrières douanières tend à supprimer cette modularité.
Cependant, la mondialisation est un processus qui réduit la modularité, car elle encourage l'égalité des échanges entre les différentes entités dans différentes parties du monde. Seulement, dans les systèmes naturels, loin d'augmenter la robustesse du système face aux perturbations, une baisse de la modularité la diminue.
Ce qui est intéressant, c'est que cela semble effectivement confirmé par les données. Ils ont étudié la nature des différentes récessions mondiales depuis 1969 et ont constaté que l'augmentation de la mondialisation rend l'économie mondiale moins stable. Qui plus est, lorsqu'une récession se produit, la récupération est plus lente à mesure que la mondialisation progresse.
A rebours du mouvement précédent, on pourrait donc connaître avec cette crise un certain reflux de la globalisation avec un retour à une plus grande régionalisation au moins, sinon à l'éclatement de la zone Euro comme nous l'annonce Joseph Stiglitz. L'histoire ne va pas en ligne droite. Une autre caractéristique des systèmes vivants, en effet, c'est leur caractère cyclique traitant alternativement les excès et les manques (l'homéostasie n'est pas statique mais vivante, réactive). C'est d'ailleurs ce qui n'est pas pris assez en compte par les physiciens et fausse sans doute un peu les données (d'une phase B d'un cycle de Kondratieff), sans leur faire perdre toute pertinence. Il faut bien dire aussi que le reflux de la globalisation ne peut aller très loin avec la globalisation effective des communications sur laquelle on ne reviendra pas.
Les auteurs de l'étude prédisent un retour des hiérarchies et des accords bilatéraux préférentiels mais on peut penser que les effets pourraient être plus profonds en faveur d'une pluralité des systèmes (Un seul monde, plusieurs systèmes). Il faut souligner que Bernard Lietaer défend depuis quelque années cet argument du besoin d'une pluralité de monnaies, entre efficacité et capacité de résilience. Ce qui a toujours opposé l'écologie-politique aux anciennes idéologies plus ou moins totalitaires, c'est la valorisation de la diversité et du local qui prend au dépourvu les tendances étatistes et toutes les utopies simplificatrices.
En tout cas, les bienfaits de la modularité et de la relocalisation pourraient se faire sentir en premier lieu sur le plan monétaire effectivement : sortie de l'Euro pour pouvoir dévaluer sa dette ou monnaies locales pour maintenir l'activité locale malgré les désordres monétaires ? De quoi se méfier d'une monnaie mondiale qui ne serait pas du tout un gage de stabilité à long terme, contrairement aux apparences, car l'économie n'est pas stable et doit pouvoir s'ajuster aux cycles générationnels et situations locales. C'est l'erreur de tous les monétarismes d'isoler la monnaie des autres facteurs de production.
Il faudrait que cette crise qui est une crise de la globalisation, et pourrait donc s'étirer dans la durée, soit l'occasion d'une véritable réflexion sur l'altermondialisme, sur l'équilibre entre une mondialisation qui a ses avantages (y compris écologiquement) et la nécessaire pluralité des systèmes avec la préservation de leur autonomie relative, attirant l'attention sur une indispensable relocalisation enfin qui n'est pas assez prise au sérieux et dont les monnaies locales sont l'instrument privilégié (avec des coopératives municipales) à l'opposé d'un renfermement sur soi et d'une montée des nationalismes, qui risque d'être irrépressible, hélas.
Il faudrait que ce soit l'occasion de comprendre ce que signifie véritablement l'écologie-politique au-delà de la défense de l'environnement, et en quoi c'est notre avenir qui n'est peut-être pas à l'extension sans fin de la globalisation marchande.

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