Pour s’inscrire dans la durée, le mouvement social change de formes mais les multiples initiatives menées chaque jour dans les territoires montrent la grande détermination des
salariés. L’ampleur des manifestations de demain sera décisive pour la suite du mouvement contre la réforme.
Des trains qui roulent mieux, des stations-service qui rouvrent (bien moins vite cependant que le ministre de l’Environnement ne l’espère et le proclame), quelques poubelles ramassées…, la droite et le gouvernement sautent sur cet épisode pour décréter un reflux du mouvement. Depuis juin, le gouvernement s’est enfermé dans le déni face à un mouvement qui prenait jour après jour de l’ampleur. Manifestation après manifestation, il a décelé des signes « d’essoufflement », des « décélérations », pour refuser de prendre en compte les exigences populaires. Il a tout tenté, la manière forte, les divisions (public-privé, notamment), les diversions sur la sécurité, l’utilisation des « casseurs » dans les cortèges lycéens, les arguments éculés de « la France prise en otage », pour dissuader les grévistes et les manifestants et les couper de l’opinion publique. En vain. Il mise sur la période des congés, l’imminence probable du vote de la loi et de sa promulgation pour tenter d’enterrer la contestation sociale. Hier, Christine Lagarde, la ministre de l’Économie, parlait d’un « tournant » dans le conflit.
« Il y a la journée nationale d’action de jeudi, celle du 6 novembre, la loi n’est pas promulguée, il n’y a aucune raison pour que le mouvement s’arrête ! » Pour Nadine Prigent, secrétaire confédérale de la CGT, pas de doute : « Le mouvement n’est pas en train de s’essouffler. » La CGT, tous les matins, réunit ses responsables de fédérations. « À l’écoute des initiatives de terrain, et il y en a chaque jour une multitude, on sent une grande détermination et beaucoup d’engagement des salariés », précise la dirigeante cégétiste. « Dans cette période de vacances scolaires, les agents territoriaux continuent de s’inscrire dans l’action, affirme Batiste Talbot, secrétaire de la fédération des services publics de la CGT. On focalise sur une reprise du ramassage des déchets ménagers à Marseille, mais on recensait hier des grèves reconductibles dans 56 collectivités de 44 départements. » « C’est un mouvement profond, les agents chargés du ramassage des ordures veulent se faire entendre sur la pénibilité des horaires décalés, du travail de nuit, des risques en termes d’hygiène. Il s’explique aussi par le nombre important d’agents touchant de petits salaires, d’où de légitimes inquiétudes sur le niveau des pensions. »
Les modalités de la mobilisation des salariés changent
Est-ce à dire que ce mouvement social contre la réforme des retraites continue comme si de rien n’était ? Aucun syndicaliste ne le prétend. Les modalités de la mobilisation sont amenées à changer. « Dans les secteurs où sont engagés, depuis maintenant quatorze jours pour certains, des mouvements de grève reconductibles, les syndicats sont obligés, avec les salariés, de décider de nouvelles formes, assure Éric Aubin, le monsieur Retraite de la CGT. C’est une nouvelle phase dans un mouvement qui s’inscrit dans la durée. » Ainsi à la SNCF où la CGT, dans les assemblées générales, préconise des grèves de 59 minutes ou de 3 h 59 qui pénalisent financièrement moins les salariés (voir article plus loin). Les interventions policières sur les blocages de dépôts de carburant et les points stratégiques, les réquisitions dans les raffineries, qui sont autant d’atteintes au droit de grève, compliquent également la tâche des syndicalistes en les empêchant d’utiliser les formes les plus visibles de l’action.
Le pouvoir et le Medef tentent de s’attaquer à l’unité syndicale
Le pouvoir et le Medef cherchent-ils aujourd’hui à s’attaquer à l’unité syndicale, qui a largement participé à la crédibilité des mobilisations ? « On sort de cette crise en promulguant la loi, et ensuite on propose aux partenaires sociaux d’engager un dialogue sur l’emploi des jeunes et l’emploi des seniors », a affirmé le premier ministre, hier, aux députés de l’UMP. La veille, sur France 2, à François Chérèque, qui demandait « une négociation sur l’emploi des jeunes et des seniors », Laurence Parisot s’était déclarée « d’accord pour une délibération sociale pour voir si on peut, sur ces sujets, commencer à travailler ensemble ». L’échange n’est pas passé inaperçu du côté de la porte de Montreuil. « Nous avons toujours dit que la question de l’emploi est essentielle dans le dossier des retraites. Mais engager un agenda social avec le Medef, ce n’est certainement pas le moment », glisse un responsable. Reste que la CFDT et ses militants sont engagés avec les autres syndicats dans la préparation des manifestations du 28 octobre et du 6 novembre. « Nous ne cherchons pas à battre des records compte tenu des congés, confie Éric Aubin, mais la participation à la manifestation de jeudi sera décisive pour la suite du mouvement. »
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