Le géant de la grande distribution vient de lancer une nouvelle campagne. Anodine en apparence, elle participe en fait à une pensée qui se généralise parmi nos dirigeants: pour sortir de la crise, l'action ne rime à rien. Seuls comptent les mots et les incantations...
«Le positif est de retour ». Ce n’est ni Lorie, ni Jean-Pierre Raffarin, les deux célèbres théoriciens de la « positive attitude », qui l’affirment. Ni même l’indécrottable Christine Lagarde. Mais un interlocuteur dont l’analyse économique est tout aussi fine et crédible : le groupe Carrefour. Le géant de la grande distribution a décidé de surfer sur la crise avec une nouvelle campagne de communication qui se résume en une phrase : « Mais-vous-allez-être-optimistes-et-consommer-oui-ou-merde » !
« Nous allons devenir le commerçant préféré » des consommateurs ? Car bien sûr, ce n’est pas au consommateur — trop décérébré qu’il est — de choisir. Comme ce n’est pas à lui, non plus, de décider s’il faut être « positif » face à la crise ou pas. Puisque Carrefour vous le dit, croyez-le. Et si vous n’y croyez pas, vu le matraquage, vous finirez par culpabiliser de ne pas l’être. C’est que l’enseigne a décidé de mettre le paquet : spots télé, annonces dans les médias « papier », difficile de ne pas échapper à la méthode Coué version Carrefour.
«Le positif est de retour. Ça peut sembler un peu naïf, voire franchement inconscient!»
Dans le seul exemplaire du Monde daté d'aujourd'hui, le groupe de grande distribution s’est offert pas moins de sept encarts publicitaires, tous plus intelligents les uns que les autres : « Pourquoi voir le Caddie à moitié vide quand on peut voir le Caddie à moitié plein ? », « Reprise sur le marché de la bonne humeur », « Négatif : un mot bientôt rayé du dictionnaire ». On touche au sublime en dernière page : « Le positif est de retour. Dit comme ça, ça peut sembler un peu naïf (sic), voire franchement inconscient (re sic). Le quotidien est difficile et l’avenir incertain. Justement. C’est dans ces moments que nous devons redoubler d’efforts. Que nous devons faire preuve d’initiative et apporter des solutions nouvelles qui améliorent la qualité de vie de tous nos clients. » Suivent toute une série de mesures « positives » prises par Carrefour à destination des consommateurs.
Cette nouvelle campagne a l’air bien anodine. Certains diront même qu’il n’y a pas lieu de s’en indigner. Si ce n’est qu’elle participe d’un mouvement généralisé. Celui qui consiste à croire qu'à trop parler de la crise, on l'aggrave. Celui qui consiste à penser qu’à force de réclamer une reprise — comme les enfants réclament des sucreries dans les allées des supermarchés — elle finira bien par arriver. Ce discours naïvement optimiste, c’est aussi celui que servent la plupart des hommes politiques et des commentateurs. Ces derniers temps, dans un aveuglement déconcertant, ils interprètent le moindre frémissement comme un début de reprise. Alors qu’en tout état de cause, elle ne se trouve pas au coin de la rue. Alors qu’en tout état de cause, en se contentant d’incantations du genre de celles de Carrefour, on ne fait finalement qu'en repousser la date.
C’est d’ailleurs le même Lars Olofsson qui clame aujourd’hui que « le positif est de retour » et qui, en juin dernier, lorsqu’un petit actionnaire de Carrefour lui jetait au visage toutes les absurdités de la grande distribution, avec un bon sens ahurissant, ne trouvait pas grand-chose à lui répondre. A part le large sourire de celui qui n'a rien compris...
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