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09/12/2011

Les banques européennes : dérégulation et paris risqués

Daniel Munevar

Ce texte a été rédigé en préparation du séminaire international de formation OID-CADTM intitulé « Pour mieux affronter la crise de la dette publique en Europe » 12 et 13 décembre 2011 au Vertbois à Liège – Belgique. Il fait suite à une première partie publiée sur le site du CADTM

La question qu’il convient de se poser maintenant est : que se passait-il aux niveaux des banques en Europe pendant qu’avaient lieu les transformations du système bancaire décrites dans la première partie ?
La création de l’euro a accéléré le processus d’intégration commencé tout au long des années 1990. En 1999, la Commission européenne a introduit le plan d’action relatif aux services financiers afin d’harmoniser la régulation des services financiers dans l’UE. Ce plan a modifié les exigences de passeport européen pour les institutions financières en octroyant la complète régulation financière aux pays de résidence. Ainsi une banque allemande par exemple pouvait opérer dans tous les pays de l’UE mais la supervision de ses activités demeurait en Allemagne. De plus, l’élimination de toutes les régulations qui restreignaient la captation de ressources de la part d’une banque dans les pays non liés à sa résidence juridique, a facilité la croissance de telles institutions.
En même temps, on a établi le principe d’harmonisation maximale pour empêcher que les régulations nationales ne mettent en question la régulation financière au niveau européen. L’objectif de cette mesure a été la promotion d’un marché financier au niveau continental où les différentes institutions bancaires et financières pourraient bénéficiés de conditions équivalentes de concurrence. Un dernier changement a été l’élimination de ce qui était connu comme règle de concentration. A travers cette procédure, un Etat pouvait obliger les entreprises financières opérant sur son territoire à mener ses opérations sur les produits dérivés et valeurs mobilières via des marchés régulés au niveau national. Avec la dérogation de cette règle les entreprises financières ont pu opérer par le biais de marchés de gré à gré (Over the Counter - OTC) où elles pouvaient mener leurs transactions sur les produits financiers sans aucun type de contrôle de la part de leurs régulateurs respectifs. Ces mesures ont été ultérieurement confirmées et approfondies par la directive des instruments financiers de marché (MiFD) émise par la Commission européenne en 2004.
Graphique 4 - Indicateur de rentabilité des entités bancaires

Source : FMI (2010)
Pendant la période au cours de laquelle ces changements ont eu lieu, les banques européennes ont eu à faire face à un autre défi sérieux. La consolidation d’un marché financier global a augmenté la pression pour des bénéfices plus élevés. Au fur et à mesure que les régulations limitant la participation des entités financières étrangères sur les marchés nationaux ont été réduites, l’incapacité pour des entités de faire face à cette nouvelle concurrence a entraîné leur disparition par le biais de rachats. Le graphique 4 montre l’ampleur de la concurrence internationale au travers d’indicateurs de rentabilité. On peut y voir comment la rentabilité du système bancaire américain au cours de la période 2000-2008 dépasse de loin la rentabilité bancaire de la zone euro dans son ensemble. Rétrospectivement, on peut signaler que la différence de rentabilité entre les deux systèmes était due fondamentalement à l’utilisation de structures de financement hautement frauduleuses qui ont fini par s’effondrer en 2008. Néanmoins au cours de cette période, la pression sur les entités bancaires européennes pour qu’elles atteignent le niveau de leurs homologues américaines a été un facteur déterminant dans la prise de décision d’investissement dans un contexte caractérisé par des taux d’intérêt faibles au niveau global.
La réponse au besoin d’augmenter les marges de rentabilité de la part des institutions bancaires européennes s’est faite à travers le levier financier. Le terme levier concerne le rapport entre le capital et les passifs de l’entreprise. Plus l’effet de levier est élevé, plus les niveaux de passif sont élevés par rapport au capital, plus le rendement est élevé. Pour comprendre cette situation on peut avoir recours à un exemple pratique. On suppose qu’il existe une opportunité d’investissement avec une rentabilité de 10%. Au départ, la banque ne dispose que d’un capital propre de 100 euros. Si la banque n’investit que son capital elle dispose d’un bénéfice de 10 euros. Dans un scénario avec l’effet de levier, la banque emprunte 900 euros et les investit avec son capital dans le projet d’investissement en question. Avec une mise de départ de 1000 euros, les bénéfices s’élèvent alors à 100 euros. Une fois le projet d’investissement terminé, la banque rend les 900 euros et termine avec un bénéfice total de 100.
Il ressort de cette analyse que la croissance des niveaux d’effet de levier permet d’augmenter de manière exponentielle les bénéfices obtenus à partir d’un capital de base. Le risque associé à un effet de levier élevé est relatif avec le faible niveau de capital propre dans le schéma d’investissement. Dans cet exemple, la banque opérerait avec un effet de levier de 9 étant donné que les ressources prêtées représentent 9 fois le capital propre. Si le prix de l’actif chute de plus de 10%, cela implique que la banque a perdu son capital si les premières pertes devaient être compensées par du capital propre. Plus l’effet de levier est élevé, plus la capacité du modèle d’investissement d’assumer des pertes se réduit progressivement car la participation du capital propre est chaque fois moindre. Néanmoins à condition que le prix des actifs ne diminue pas sensiblement, l’effet de levier permet d’augmenter significativement les bénéfices par rapport au capital initial.
Le graphique 5 montre la relation entre les dépôts et les crédits octroyés par des entités financières en Europe entre 1997 et 2009. Cet indicateur est une bonne mesure du niveau de levier pendant ce temps. A l’exception de l’Allemagne, on peut observer comment l’effet de levier a augmenté de manière importante tout particulièrement pour les banques britanniques, irlandaises et espagnoles. Dans leur ensemble, les crédits et actifs bancaires ont augmenté à des taux annuels deux à trois fois supérieurs à la croissance du PIB européen |1|.
Graphique 5 - Relation Crédits/Dépôts en Europe

Source : Onado (2011)
Les changements intervenus dans la régulation financière au niveau de l’Union Européenne ont entraîné un changement dans le modèle commercial en suivant le modèle de "Création et Distribution". Les limitations encore existantes pour la création de dérivés financiers du niveau de complexité et d’opacité des entités financières étasuniennes impliquaient que le schéma financier utilisé en Europe était légèrement différent. Du point de vue du financement, les banques européennes ont procédé à un usage extensif de ce qui est appelé wholesale funding. Ce financement se réfère à l’utilisation de ressources d’entités municipales, de fonds de pension, de fonds publics d’investissement, de dépôts externes et d’autres investisseurs institutionnels, ressources obtenues à travers les marchés interbancaires à court terme et l’émission de titres. Ces ressources permettent de compléter la base des dépôts publics des banques, en augmentant ainsi le niveau d’effet de levier. L’avantage de ce type de financement est qu’il permet d’exploiter des opportunités d’investissement sans être limité aux dépôts locaux. Le risque est que ceux qu’on nomme investisseurs sophistiqués peuvent retirer rapidement leurs ressources ce qui peut donner lieu à des hémorragies de capitaux et de là entraîner de sérieux problèmes de liquidités pour la signature à des moments déterminés |2|.
Graphique 6 - Modèle de "Création et Distribution" en Europe

Note : Graphique de gauche : Emissions de titres par les grandes banques de l’UE
Graphique du milieu : Crédits interbancaires à court terme
Graphique de droite : Croissance des émissions de produits financiers structurés
Source : BCE (2009)

Le graphique 6 montre les caractéristiques les plus pertinentes du modèle bancaire de "Création et Distribution" en Europe. Sur les graphiques de gauche et du centre, on peut observer la croissance rapide du wholesale funding de la part des banques européennes. Ainsi, l’émission de titres par les grandes banques de l’Union européenne a été multipliée par trois au cours de la période 1999-2008 pour atteindre un maximum d’émissions annuelles se montant à 250 milliards d’euros juste avant l’éclatement de la crise. En même temps, l’utilisation des marchés interbancaires à court terme a connu une expansion rapide avec des taux de croissance annuels supérieurs à 14%. Cela a fait en termes pratiques qu’entre 2003 et 2008 le volume des crédits interbancaires européens à court terme est passé d’environ 7 milliards d’euros à 12 milliards d’euros. L’émission de titres et le fait de contracter des crédits interbancaires à court terme ont eu pour effet que les banques ont obtenu rapidement les ressources qui ont facilité leur expansion rapide au cours des premières années de l’Euro.
Alors que les banques se dédient à augmenter leur captation de ressources sur les marchés financiers à court terme, elles ont parallèlement augmenté leur recherche d’opportunités rentables d’investissements sur le long terme. Une première partie de la réponse à cette recherche a été l’augmentation par les grandes banques de la part des produits financiers structurés comme les ABS dans l’élaboration des portefeuilles de valeurs proposé à leur clientèle. La partie droite du graphique 6 montre la croissance de ce marché passé de 200 milliards d’euros à 700 milliards d’euros au cours de la période 2003-2008.

La seconde partie de la réponse réside dans l’achat à grande échelle de produits financiers structurés ayant leur origine aux Etats-Unis sous la forme d’ABS et de CDO. Avec la promesse de hauts rendements et de risque minimums sous la forme de notation du risque AAA, ce type d’investissement est devenu une option attractive d’investissement pour les banques européennes. De fait, les institutions financières européennes ont été les principaux demandeurs des formes les plus "exotiques" de produits dérivés comme les CDO synthétiques |3| et les CDO au carrées |4| vus comme une manière sûre d’augmenter leur rentabilité à court terme |5|. En ce sens, le manque de vigilance des directions des banques pour se renseigner sur les risques de ce type d’instrument financier a fini par être un facteur clé de la transmission de la crise au niveau global.
Au manque de vigilance, il faut ajouter la prise de risques excessifs associés à la croissance rapide de l’effet de levier et à l’exposition aux marchés financiers et aux marchés des changes à court terme. Le présupposé du modèle commercial bancaire qui s’est étendu au cours de la dernière décennie a été la capacité des banques à augmenter leur effet de levier sur les marchés à court terme pour ensuite investir dans des dérivés financiers à long terme avec des rendements plus importants. Les faibles niveaux de volatilité sur les marchés financiers au niveau international ont créé un effet trompeur : les banques pouvaient supporter sans aucun problème le décalage entre le financement à court terme et les actifs à long terme. A cela il faut ajouter le décalage sur le marché des changes. Chaque fois que les actifs sous la forme de CDS étaient libellés en dollars, les banques devaient trouver des moyens de transformer leurs dépôts en euros en dollars pour pouvoir acquérir lesdits actifs. Elles ont ainsi commencé à multiplier leurs expositions dans les comptes de bilans par le biais de swaps de change, lesquels sont restés dans l’ombre tant que les conditions demeuraient stables sur les marchés financiers.
Graphique 7 - Schéma du modèle bancaire européen avant la crise

Le graphique 8 montre les transformations dans les comptes de bilan européen. Le résultat de l’effet de levier entraîne une réduction significative de la participation en capital propre. La contrepartie résulte de l’augmentation du wholesale funding sous la forme d’émission de titres et de crédit interbancaire. Ces positions financent l’achat de dérivés financiers sous la forme d’ABS et de CDO qui se sont multipliés dans les actifs des banques. Une partie importante des produits dérivés étant libellée en dollars, les banques doivent recourir à des swaps et au Money Market Funding pour acquérir les dollars nécessaires à l’opération.
Le graphique 9 montre la forme fondamentale de la structure de financement. Les banques utilisent des ressources à court terme libellées en euros et des swaps pour obtenir les dollars nécessaires à l’achat de CDO. La différence dans la rentabilité entre le coût des ressources nécessaires pour financer cette position et celle des CDO permet d’expliquer le côté attractif du point de vue de ce type de schéma. Le grand risque est celui des liquidités. Etant donné que tant le financement que les swaps utilisés sont à court terme, les banques doivent recourir régulièrement aux marchés financiers pour refinancer leur position. Des changements subits dans les conditions de marché, comme un blocage du marché interbancaire, empêchent les banques de mener à bien leur opération de refinancement. Dans l’impossibilité de trouver les liquidités nécessaires pour financer leur position, les banques peuvent être obligées de liquider ces actifs - dans le cas présent les CDO en dessous de leur valeur de marché en augmentant les pertes devant être assumées par l’entité financière à un moment de panique financière.
Graphique 8 - Schéma de financement des CDO

Néanmoins au début de l’année 2007, très peu de ces risques ont été reconnus par les principales banques européennes. En dépit de la chute du prix des biens immobiliers sur le marché américain à partir du second semestre 2006, les effets sur le marché des hypothèques et des dérivés financiers n’a commencé à se faire sentir qu’à partir du second semestre 2007 lorsque BNP Paribas a annoncé le blocage de trois fonds d’investissements dédiés au marché des CDO, marché qui avait été crée aux Etats-Unis. Bien que jusqu’à ce moment l’indice ABX |6| n’avait chuté que de 8%, cela a été plus qu’assez pour éliminer le capital des fonds d’investissement de BNP Paribas et d’induire de fortes pertes pour les investisseurs institutionnels qui y prenaient part. Cet incident a mis l’accent sur le fait que dans le nouveau contexte, caractérisé par une augmentation rapide et constante de la volatilité, les banques avaient à faire face à un sérieux risque d’une chute significative de la valeur et du rendement des actifs auparavant considérés comme dénués de risque.
Face à cette situation, l’utilisation des CDS a gagné en popularité au cours de l’année 2007 comme mécanisme destiné à protéger les comptes de bilan de la détérioration de valeur des CDO. Avec l’augmentation du taux de défaut des CDO, les banques ont alors procédé à l’augmentation de leurs réserves en capital pour se prémunir contre les pertes. Beaucoup de banques ne l’ont pas fait directement par la réduction de leurs crédits et la liquidation de leurs CDO mais indirectement par l’achat de CDS. La possibilité pour de tels instruments de transférer le risque de défaut à l’entité d’assurance a poussé les banques à affirmer la maîtrise de leur exposition aux risques des subprime.
Néanmoins, ce risque perdurait étant donné que les banques avaient maintenu les CDO dans leurs comptes de bilan et la possibilité de réduction des pertes était seulement liée à la capacité de l’entité d’assurance de pouvoir payer au moment où le CDO entrerait en défaut. Le problème alors est que tout le risque se trouvait concentré dans les comptes de bilan de AIG FG, une entité dédiée à la vente de CDS basée à Londres et appartenant au groupe international d’assurance AIG. Comme à la différence d’une assurance traditionnelle, les CDS n’exigent pas une réserve en capital en cas de problème, AIG FG ne pouvait être prête pour répondre à l’ampleur des réparations à payer une fois que les CDO ont commencé à éprouver des problèmes à grande échelle au cours du second semestre 2008. Après la chute de Lehman Brothers en septembre 2008, la FED de New York a procédé au sauvetage d’AIG pour que celle-ci paie les CDS que des entités comme Goldman Sachs et Deutsche Bank avaient contractés pour se protéger |7|.
Le graphique 10 montre les pertes des banques au niveau international comme produit de la débâcle des subprime. Dans leur ensemble, les pertes des banques américaines et européennes dépassent 1500 milliards de dollars pour la période 2007-2010. La raison pour laquelle les banques européennes ont connu des pertes aussi élevées est due comme mentionné auparavant à leur participation active à la demande de produits financiers structurés. Alors que les prix des logements aux Etats-Unis augmentaient rapidement et avec eux les gains associés à la création de CDO, très peu de personnes ont pris la peine de vérifier que derrière cette affaire de milliards de dollars se trouvait une structure peu sophistiquée de fraude financière opérant à grande échelle. Depuis la remise d’hypothèques à travers des documents falsifiés en passant par la structuration de dérivés financiers pour tromper les agences de notation et la collusion de celles-ci avec les grandes banques d’investissement jusqu’à l’achat par des investisseurs européens qui ne se sont jamais préoccupés de demander l’origine des CDO qu’ils étaient en train d’acquérir, tous ont participé à cette fraude.
Graphique 9 - Pertes des banques par région

Source : FMI (2010)
Bien que la crise financière de 2008 aurait pu être utilisée pour résoudre les sérieux problèmes de la structure financière internationale, les principales banques centrales du monde ont agi de manière concertée pour protéger cette structure et ses principaux acteurs à travers une série de mécanismes peu transparents. Premièrement, elles ont tout d’abord introduit des changements dans les standards comptables pour permettre aux banques de diminuer artificiellement les pertes enregistrées. Elles ont ainsi réduit les exigences de transférer des actifs du registre commercial au registre bancaire. Alors que dans le registre commercial, les banques ont été obligées de réduire les prix des CDO et autres dérivés pour refléter les conditions du marché, dans le registre bancaire, elles ont pu continuer à utiliser leur modèle interne d’évaluation pour enregistrer le prix des actifs. A ce moment, la justification utilisée pour ces modifications a été que la haute volatilité des prix du marché empêchait l’évaluation correcte des dérivés financiers. D’où la nécessité de protéger les banques alors que les marchés se stabilisaient. En réalité, cela a permis aux banques tant américaines qu’européennes de manipuler leurs comptes de bilan pour dissimuler les pertes réelles enregistrées au cours des dernières années.
La seconde mesure a été le résultat de la fermeture effective des marchés interbancaires à court terme. Face au danger réel d’effondrement possible à n’importe quel moment des contreparties bancaires, il n’existait plus aucune certitude quant aux pertes réelles supportées par les différentes entités financières. Cela a eu pour conséquence la quasi disparition des marchés de crédit à court terme au second semestre 2008. Les banques qui utilisaient de manière extensive le wholesale funding ont été mises face au choix de devoir liquider leurs actifs dans des conditions défavorables ne pouvant plus refinancer leurs positions. En devant mener à bien cette liquidation de manière forcée les banques en difficulté verraient non seulement l’augmentation de leurs pertes mais aussi, avec la chute du prix des actifs, la transmission de la crise au reste du secteur. Pour éviter cette situation, les Banques centrales ont concédé un accès illimité à des crédits à court terme avec des taux de 0% aux banques en difficulté. C’est ainsi que la FED, la BCE et la Banque d’Angleterre ont intégré à leurs comptes de bilan le risque présent sur les marchés financiers à court terme que le reste des agents privés refusait d’assumer.
Graphique 10 - Mise à disposition de liquidités et garanties bancaires

Nota : Graphique de gauche : Composition des garanties présentées par les banques à la BCE
Graphique de droite : Emissions de titres bancaires garanties par les autorités publiques
Source : BCE (2009), BCE (2010)

Le graphique 11 montre la réalisation du transfert de risque du secteur bancaire européen à la BCE. Jusqu’à la crise de 2008, les banques centrales, pour leur prêter, exigeaient la présentation de garanties dénuées de risque sous la forme de titres de la dette publique et de titres garantis par les banques. A partir de 2008, dans ses efforts pour fournir des liquidités, la BCE a commencé à accepter toutes sortes de garanties. Il n’est donc pas surprenant d’observer sur le graphique de gauche la croissance rapide de l’utilisation d’ABS et de titres sans garanties de la part des banques pour l’obtention de crédits de la part de la BCE. En faisant cela, la BCE a permis que les banques lui remettent les portefeuilles d’investissement pour réduire leurs exigences de régulation de capital et ainsi leurs coûts d’endettement. En complément à cette mesure, la BCE et les gouvernements nationaux ont également organisé la protection des titres émis par les banques comme le montre le graphique de droite. Par le biais de cette protection, en cas de défaut de la banque, la dette doit être assumée par la BCE et les Etats, on a cherché à assurer l’accès des banques à un financement à bas coût pour leur permettre de maintenir le modèle d’ "Origine et Distribution".
Néanmoins, alors que la BCE pouvait fournir des liquidités illimitées en euros aux banques européennes, elle n’était pas à même de le faire avec des dollars. Cette seconde mesure ne résolvait donc que la moitié du problème chaque fois que la BCE assumait le rôle des marchés interbancaires à court terme. Même ainsi il était nécessaire de garantir l’accès des banques européennes à des dollars pour éviter l’effondrement du système. Selon la Banque des règlements internationaux, au moment de la crise les besoins de refinancement en dollars des entités bancaires européennes étaient compris dans une échelle entre 1 et 5 milliards de dollars |8|. Pour faciliter l’accès à ces sommes, on a procédé à l’établissement de lignes de swaps entre les principales Banques centrales du monde et la FED. Via ces swaps, la FED a pu offrir un accès illimité à un financement à court terme en dollars pour empêcher que les entreprises étrangères qui avaient pris des positions significatives sur le marché financier américain ne se voient dans l’obligation de les liquider et d’aggraver ainsi les problèmes de ce pays. Par cette action, la Réserve fédérale est de fait devenue le prêteur en dernier ressort du système financier global.
En raison de l’ampleur des pertes, ces trois mesures n’ont pas été suffisantes pour maintenir la structure établie du système financier international. On a pour cela recouru à la recapitalisation directe des entités bancaires utilisant les ressources des gouvernements nationaux. Entre 2007 et 2010, les autorités publiques de l’Union Européenne ont utilisé 254 milliards d’euros pour recapitaliser les institutions bancaires en difficulté |9|. C’est-à-dire que conjointement la BCE, la Commission européenne et les gouvernements nationaux n’ont pas seulement créé les conditions pour le maintien du même modèle commercial qui a mené les banques européennes à leur insolvabilité mais ils ont de plus engagé des ressources publiques pour maintenir la même structure de propriété et de direction responsables de ladite situation.
Après la période de forte volatilité qu’ont traversé les marchés financiers internationaux entre le 2ème semestre 2008 et le 1er semestre 2009, les conditions se sont relativement stabilisées. Les mesures adoptées par les Banques centrales et les gouvernements ont stoppé les pertes massives des principales institutions financières des deux côtés de l’Atlantique. En fait, les ressources publiques allouées au sauvetage des banques ont permis à certaines d’entre elles d’engranger des bénéfices à partir du dernier trimestre de 2009. Après une chute sensible en 2008, les stock-options et les bonus accordés aux traders et aux cadres du secteur ont été revus à la hausse en 2009, jusqu’à atteindre un nouveau record historique en 2010.
Les volumes massifs de liquidités libérés par les Banques centrales et le fait que les gouvernements américain et européens se portent garants des institutions financières considérées “trop grosses pour faire faillite” (too big to fail) ont permis à ces dernières de réinvestir les marchés interbancaires à court terme. Bien que la valeur des actifs ait chuté considérablement et que les plus toxiques aient été transférés à la banque centrale ou au registre bancaire afin d’éviter un examen public des pertes, les banques devaient encore refinancer leurs positions. Dans certains cas, elles ont saisi cette opportunité pour réduire leur dépendance aux marchés financiers à court terme et augmenter leurs réserves de capitaux, de sorte qu’il est possible d’évaluer la portée des pertes subies suite à la crise de 2008.
Le graphique 11 montre cette situation, en mettant en évidence l’évolution de la part du capital-actions et de la dépendance au financement à court terme entre 2007 et 2010. L’axe de droite correspond à la part du capital-actions au sein des principaux systèmes bancaires tandis que l’axe inférieur indique la part du wholesale funding dans le financement total des banques. On voit que les banques étasuniennes et du Royaume-Uni ont le mieux réussi à réduire l’effet de levier et le recours à des sources de financement à court terme. Par ailleurs, le graphique révèle que les banques françaises et belges sont les plus vulnérables face aux problèmes sur les marchés de financement à court terme, étant donné qu’elles sont les plus dépendantes de ce type de ressources. De ce fait, on peut affirmer que les mesures adoptées ont seulement permis de prolonger artificiellement le modèle commercial rendu caduque à partir de la crise de 2008.
Graphique 11 - Capital bancaire et Wholesale Funding

Source : FMI (2011)

Malgré la gravité de la crise, les banques européennes devaient continuer à chercher des opportunités d’investissements pour parvenir à surmonter les impacts des pertes sur leurs portefeuilles. A côté des marchés de produits financiers structurés, le secteur d’activité au plus fort taux de croissance avant la crise a été le crédit au secteur privé des pays méditerranéens. Tandis que la dette publique en pourcentage du PIB au sein de l’UE était restée stable entre 2000 et 2008, la dette du secteur privé était elle, passée de 90% du PIB à plus de 120%. Dans les cas de l’Espagne, du Portugal, de la Grèce, de l’Italie et de l’Irlande, la dette privée a augmenté de près de 90, 60, 40, 30 et 85 points de PIB |
10|. Les niveaux d’endettement élevés du secteur privé lors de l’éclatement de la crise en 2008 ont limité la capacité de ce secteur à maintenir la croissance du crédit et, avec elle, les dépenses affectées à ce groupe d’économies. Du fait de la clôture effective du crédit au secteur privé, les économies de la périphérie de l’Europe ont traversé une forte récession, qui a eu pour effet d’augmenter le déficit budgétaire et par conséquent l’émission de dette publique.
Graphique 12 - Evolution de la dette publique et privée en Europe

Source : Wray (2011)
Le graphique 12 montre l’évolution de la dette publique et privée en Europe après la crise financière. Comme on peut l’observer, la dette privée dans les pays européens est restée stable, à des niveaux élevés en pourcentage du PIB, excepté en Irlande où elle a continué à augmenter. Dans un même temps, la dette publique a augmenté dans tous les pays, et de manière particulièrement rapide en Irlande, en Grèce, au Portugal et en Espagne. Au début de la crise financière en 2009, la dette publique de ces pays est devenue un marché attractif étant donné que la zone Euro a créé l’illusion que toute la dette publique libellée en euros jouissait des mêmes garanties et présentait un risque minime, indépendamment du pays d’émission.
Au fil des mois, on a pu remarquer qu’en l’absence d’une entité budgétaire centrale européenne, les titres de dette publique émis par les pays de l’UE variaient les uns les autres. Lentement mais sûrement, les taux d’intérêt des titres émis par les pays avec une dette publique élevée ont commencé à se distinguer des autres. La Grèce, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne et récemment l’Italie ont subi des hausses sensibles du coût de leur dette par rapport à l’Allemagne. L’augmentation de la charge des intérêts à payer sur la dette a accru les problèmes de financement. Dans la mesure où des ressources destinées à financer l’activité productive l’ont été au paiement de la dette dans le cadre de programmes d’austérité sévères, la croissance économique s’est progressivement détériorée à partir du second trimestre 2010. L’affaiblissement de la croissance conjuguée à l’augmentation de la charge de la dette a détérioré encore davantage les perspectives de ce groupe d’économies, créant un cercle vicieux dans la mesure où les investisseurs ont commencé à se dessaisir des titres de la dette publique.
Face à cette situation, la Commission européenne, le FMI et la BCE ont décidé ensemble d’une série de mesures pour soi-disant éviter que les coûts de financement public entrent dans une spirale hors de contrôle, mettant ainsi en question la viabilité de la zone euro. Bien que les chiffres montrent clairement que la dette publique est restée stable au sein de la zone euro au cours des années qui ont précédé la crise, ces institutions ont commencé à pointer la soi-disant mauvaise gestion des finances publiques comme étant responsable des problèmes économiques auxquels devait faire face l’UE. Fort de ce diagnostic, elles ont impulsé la mise en oeuvre de plans d’ajustement qui d’emblée visaient à garantir le paiement de la dette publique à travers la réduction des salaires, des emplois publics, de l’investissement productif et à travers des coupes dans les programmes de protection sociale.
On a annoncé publiquement que les plans d’austérité et le paiement de la dette étaient le seul mécanisme disponible afin de sauver le projet d’intégration européen. Il suffit cependant de parcourir les chiffres pour comprendre que l’urgence dans la mise en place de ces mesures n’a peu ou rien à voir avec le fait de garantir la soutenabilité des finances publiques, et répond plutôt à l’objectif spécifique de protéger les banques européennes de la faillite. Comme en dernière instance la solvabilité des banques dépend de la capacité des Etats à garantir leurs bilans, « protéger » les finances publiques est devenu le cheval de bataille des banques. Les graphiques 13 et 14 permettent d’expliquer cette situation.

Graphique 13 - Composition des marchés de la dette publique en Europe

Source : FMI
Graphique 14 - Dette publique et dette des banques en % du capital des banques

Source : FMI (2011b)
Le graphique 13 montre la composition du marché des titres de la dette publique de l’UE et met l’accent sur la rapidité avec laquelle la crise s’est répandue à différents pays par le biais du différentiel des taux des CDS sur la dette publique souveraine. C’est utile pour mesurer la perception du risque qu’ont les marchés financiers quant à la possibilité de défaut d’un pays. Plus les différentiels sont élevés, plus la possibilité de défaut est grande. Tandis qu’on relevait en avril 2010 un différentiel de 2% ou plus entre les CDS sur la Grèce et ceux sur l’Allemagne, en août 2011 était également le cas pour les CDS sur le Portugal, l’Irlande, l’Espagne, l’Italie et la Belgique. Ainsi, alors qu’on considérait en 2010 que seul 5% du marché total des titres publics de l’UE présentait un certain risque, un an plus tard ce chiffre est passé à 48%. Cela revient à dire qu’un peu plus de 3000 milliards d’euros, sur les 6500 milliards de la dette publique européenne, représente une nouvelle source de risque pour les banques.
Le graphique 14 propose une mesure utile pour comprendre l’impact de cette situation sur la solvabilité des banques. Elle compare la dette publique et la dette des banques au capital des banques sur la période 2009-2011, ce qui permet d’analyser la capacité réelle de ces institutions à éviter l’insolvabilité suite à un défaut. A gauche, on voit la dette publique et la dette des banques en Grèce, en Irlande, au Portugal, en pourcentage du capital des banques créancières du reste des pays de l’UE, des Etats-Unis et du Japon. A droite, on reproduit le même exercice, en considérant cette fois la dette publique et des banques en Espagne et en Italie. Dans le cas du 1er groupe de pays, les dettes représentent près de 20% du capital des banques créancières, leur permettant ainsi une certaine marge de manoeuvre afin d’assumer les pertes, à la différence de l’Espagne et de l’Italie. En effet, la dette de ces deux pays représente un peu moins de 150% du capital des banques allemandes, plus de 100% du capital des banques françaises et un peu moins de 80% du capital des banques d’Autriche, de Belgique, d’Irlande et des Pays-Bas.
Dès lors, un défaut, même partiel, rendrait insolvable une grande partie du système financier européen. Un scénario de ce type impliquerait la nationalisation des pertes de la part des Etats, et la crise de la dette des pays de la périphérie européenne, via les banques insolvables, pourrait à termes contaminer les finances publiques de pays comme l’Allemagne et la France. Pour comprendre cette réalité, il faut tenir compte de l’empressement de ces pays à prendre sans grand succès le contrôle des opérations pour éviter la contagion de la crise. Dans la mesure où l’on réussit à réduire au maximum les pertes des banques, via la mise en place, dans la périphérie européenne, de plans d’austérité privilégiant le paiement de la dette, la recapitalisation par les pays créanciers de leurs systèmes bancaires sera moins importante.
Pour le moment, il est important de mettre en évidence un second élément issu de ce graphique 14 : l’évolution de l’exposition des banques à la dette des pays considérés à risque entre 2009 et 2011. Dans tous les cas, on peut observer que la relation entre dette et capital s’est réduite sur cette période. Un élément important qui permet d’expliquer cette situation est la réduction des portefeuilles de titres de dette publique. Cependant, comme lors de la crise des subprime, les banques ont eu recours à des artifices comptables afin de masquer l’image de leur véritable exposition. Ainsi, près de 40% des titres de la dette publique aux mains du système bancaire demeurent aujourd’hui dans le registre bancaire. Dès lors, les banques n’ont pas l’obligation de reporter les pertes associées à la chute de la valeur des titres de la dette publique qui s’est produite au cours de l’année écoulée |11|. Cette mesure a permis de retarder la déclaration d’insolvabilité d’un grand nombre de banques, particulièrement en Grèce, car dans le cas des banques grecques la valeur des titres de la dette publique, qui représentaient un peu plus de 170% de leur capital, a chuté de près de 40% (avant la restructuration du 26 octobre).
Les CDS ont été le second mécanisme utilisé par les banques pour faire mine de réduire leur exposition à la dette publique des pays de l’UE. Comme les CDS transfèrent le risque de défaut à la société d’assurance, Bâle II et III prévoient que les banques n’ont pas besoin de maintenir des réserves pour faire face aux pertes associées au crédit ou à l’actif liés aux CDS qu’elles ont acquis. De cette façon, un titre de dette publique lié à un CDS dans le bilan d’une banque n’apparaît pas dans son exposition puisque le risque a été vendu à une entité tiers. Cet élément permet d’expliquer pourquoi les principales entités financières européennes ont annoncé que leur exposition aux problèmes de la dette publique s’est réduite ces derniers mois. Ce qui se passe en réalité, c’est que le risque est transféré à une tierce partie (la société d’assurance) et la capacité réelle de minimiser les pertes dépend entièrement de la capacité de l’assurance à honorer le contrat du CDS. On a donc recours au même principe que celui qui a été utilisé lors de la période antérieure à la crise des subprime et qui a mené à la faillite de Lehman Brothers et au sauvetage de AIG.
Graphique 15 - Marché Global des CDS souverains

Source : FMI (2011)
Le graphique 15 présente la composition globale du marché des CDS relatif à la dette souveraine pour le mois d’août 2011. Au total, ce marché représente 2600 milliards de dollars parmi lesquels les pays européens représentent les principaux segments de ce marché. Ainsi le groupe composé par la Grèce, le Portugal, l’Irlande, l’Espagne, l’Italie et la Belgique représente un total de 750 milliards de dollars. Pour mettre ce chiffre en perspective, la chute de Lehman Brothers a activé des CDS pour une valeur de 100 milliards de dollars et a été en grande partie responsable de la perturbation ultérieure des marchés. Le principal problème est du à l’absence de transparence sur les marchés de gré à gré. L’information sur les entités responsables de la vente de CDS associés à des crédits souverains est très limitée, d’où la difficulté d’avoir une vision d’ensemble relative au risque de défaut. Si on se réfère à ce qui s’est passé antérieurement, il est très probable que le risque soit concentré sur un nombre réduit d’entités, ce qui augmente la probabilité d’un effondrement de celles-ci dans le cas d’un défaut comme ça avait été le cas avec AIG. Cela révèle que la protection supposée des titres de la dette publique par le biais des CDS est illusoire et ne fera qu’amplifier la crise une fois le moment venu de reconnaître les pertes.
Ainsi en dépit de ce qui avait été signalé antérieurement que l’objectif des actions des autorités européennes avait été de protéger les banques de l’insolvabilité, les mesures récemment prises dans le cas de la Grèce ont augmenté le potentiel de déstabilisation à court terme pour deux raisons. Premièrement, en conférant le caractère senior aux prêts de la troïka, les pertes se concentrent complètement chez les acteurs privés. Lors d’une restructuration, une réduction de 50% du total de la dette signifie pour les acteurs privés des pertes de plus de 70%. Si cela s’étend au reste de la zone Euro, cela impliquerait un risque sérieux pour la solvabilité des systèmes bancaires nationaux étant donné la relation étroite entre les titres de la dette publique et le capital. Deuxièmement, la restructuration a été réalisée de telle manière à éviter d’activer les CDS sur la dette grecque mettant en question la capacité de cet outil pour protéger une entité des pertes associées au défaut de paiement. Dans leur ensemble, ces mesures peuvent accélérer la vente de titres de la dette publique de pays de la périphérie européenne, en augmentant significativement les pertes sur le court terme et donc les problèmes des banques comme des gouvernements de la zone euro.
Les marchés ont petit à petit reconnu ces problèmes et la manière dont leur multiplication constitue un tableau véritablement préoccupant.
1. Les banques européennes ont des réserves en capital trop limitées pour faire face aux pertes potentielles qui augmentent. Lorsque l’on prend en compte les niveaux d’effet de levier des banques européennes, ceux-ci dépassent 20 contre 1 |12|. C’est-à-dire que des pertes équivalentes à 5% des actifs seraient plus qu’assez pour rendre le système bancaire continental insolvable.
2. Les institutions financières européennes ont une base de financement extrêmement fragile car dépendant excessivement des marchés à court terme. Au fur et à mesure des tensions, les investisseurs institutionnels qui prennent part à ces marchés retirent leurs avoirs et laissent les banques faire face à une possibilité sérieuse d’hémorragie de capitaux.
3. L’ampleur des pertes enregistrées au cours de la crise des subprime n’a jamais été pleinement reconnue. D’où le besoin des banques européennes de maintenir des lignes de financement en dollars sans lesquelles elles se verraient acculées à liquider leurs actifs et finalement reconnaître leurs pertes. Au cours des derniers mois, les marchés de financement à court terme en dollars ont été virtuellement gelés. Cela explique les mesures prises par les principales Banques centrales du monde pour offrir des dollars de manière illimitée en endossant ainsi le rôle que les marchés financiers privés refusent.
4. Aux pertes précédemment mentionnées, il faut ajouter les problèmes des titres de la dette publique européenne. Comme signalé, l’accord de Bâle considère ces titres comme exempts de risques ce qui fait que les banques n’ont pas l’obligation de provisionner des pertes. Cependant, il est de plus en plus clair qu’elles doivent se préparer à des pertes significatives, particulièrement en cas de défaut du pays dans lequel elles sont domiciliées. Le problème est que pour l’instant les banques n’ont pas le moyen d’augmenter leurs réserves en capital étant donné l’absence d’actifs exempts de risques.
5. L’utilisation des CDS augmente le potentiel de risque d’une crise financière globale étant donné la multiplication des pertes associées à un éventuel défaut. Bien qu’il n’existe pas d’information précise concernent les entités les plus actives dans la vente des CDS, on sait à l’évidence que des entités comme Morgan Stanley (banque d’investissement acquise par la Bank of America durant la crise de 2008) ont une exposition significative à travers ce type d’instruments. Un événement de crédit en Europe qui activerait massivement les instruments de CDS paralyserait de fait le système financier international, laissant sans protection réelle les entités qui y ont eu recours pour réduire leur exposition.

Le graphique 16 montre comment les différents problèmes affectent les comptes de bilan des banques européennes. A mesure que le financement à court terme diminue, les banques sont mises sous pression pour liquider leurs positions. Or, la vente des actifs équivaut à la reconnaissance de pertes et la réduction des prix sur les marchés étendent les problèmes à d’autres banques. Cette dynamique donne lieu à une spirale qui se termine par l’insolvabilité des banques.
Graphique 16 - Schéma du modèle bancaire européen 2011

Le peu de connaissance de la véritable dimension des problèmes que connaissent les banques européennes à quoi il faut ajouter l’absence de volonté de la Commission européenne d’examiner à fond les comptes de bilan de celles-ci a créé une situation de méfiance totale entre les différentes banques. Le graphique 17 montre deux expressions de cette méfiance. A gauche, on voit l’évolution de l’indice de risque des banques qui a été élaboré à partir de l’évolution des coûts des CDS entre 2007 et 2011. On peut observer comment après une chute en 2009 suivie d’une certaine stabilisation on assiste à une augmentation pratiquement ininterrompue du risque associé aux entités bancaires européennes pour atteindre le niveau maximal où il se trouve actuellement. La partie droite montre les émissions de titres destinés à financer les banques européennes au cours de la dernière année. Il est clair que comme il s’agit d’une mesure qui a augmenté le risque, elle a en même temps diminué la capacité des banques à obtenir un financement à court terme. Cela est du à ce que personne ne sait avec certitude quelles banques continueront à fonctionner le lendemain. Il s’agit des mêmes conditions qui ont précédé l’effondrement de Lehman Brothers en 2008.
Graphique 17 - Schéma du modèle bancaire européen 2011

Source FMI (2011) Salomon (2011)
Il est en ce sens intéressant de signaler que le moment de vérité peut être plus proche que ce qui est reconnu. D’un côté, les sommes que les banques placent à la BCE plutôt que de le prêter à d’autres banques atteint des niveaux historiques : 290 milliards d’euros. D’autre part, les retraits de dépôts de pays en difficulté comme la Grèce et le Portugal ont connu une accélération dramatique de plus de 15% entre 2009 et 2011. Cela signifie que les investisseurs perdent rapidement confiance dans la capacité de ces pays à se maintenir dans la zone euro et enfin celles des banques à rémunérer les dépôts de leur clientèle.
Lorsqu’on analyse l’ensemble de la situation, les perspectives des banques européennes et avec elles de la survie de la monnaie commune sont assez négatives. Il est probable qu’une analyse sérieuse des comptes de bilan des banques révélerait que la majorité des institutions financières sont de fait insolvables. En partant de ce constat, il est clair que les mesures prises par la BCE pour augmenter les niveaux de liquidités du système et ainsi dissimuler les problèmes de solvabilité n’ont fait qu’empirer le problème. Une banque insolvable avec un accès illimité à des liquidités est évidemment incitée à augmenter son profil de risque en espérant augmenter ses bénéfices et de cette manière échapper à son insolvabilité. Le problème est que plus les niveaux de risque sont élevés, plus l’est également le coût d’un sauvetage potentiel de ces institutions. Face à ce panorama, il est nécessaire d’ouvrir un débat sur les possibilités de restructurer le système financier sous des principes différentes. La section suivante apporte quelques éléments à ce débat.
4. Perspectives du système bancaire européen
Depuis le début du développement des marchés financiers, les cycles du crédit ont joué un rôle très important. Des innovations dans l’usage de nouveaux instruments financiers augmentent la liquidité du système, ce qui à son tour entraîne une réduction des normes de risque et de contrôle du crédit. L’augmentation du crédit entraîne des hausses du prix des actifs, ce qui valide dans un premier temps les attentes et les flux dans les bilans. Cependant, une fois que les prix des actifs chutent, les banques coupent les crédits et subitement un nombre important d’agents se retrouvent dans l’incapacité de refinancer leurs positions. La dernière phase consiste en un processus tendu et compliqué d’annulation/répudiation des dettes étant donné que la chute de la valeur des actifs et des recettes entrave la possibilité de valider les attentes initiales sur la rentabilité du crédit. Un tel processus met en présence les créanciers et les débiteurs afin de déterminer qui assumera les pertes des crédits impayables.
Depuis le début du XIXème siècle, l’économie capitaliste au niveau international a connu 4 effondrements cycliques de ce type : de 1830 à 1840 ; de 1870 à 1885 ; au XXe siècle : la période de l’entre deux guerres et la grande dépression ; la crise de la dette de 1980. Tout semble indiquer que la crise financière actuelle marque la clôture d’un cinquième cycle global du capital. Historiquement, la distribution des pertes se définit en fonction des rapports de forces entre créanciers et débiteurs. Dès lors, bien que les cycles de crédit répondent à une logique économique, l’annulation/répudiation de la dette répond à des luttes politiques. Ainsi, les tensions et les conflits associés à la prise de conscience croissante de la nécessité de répudier les dettes entre créanciers et débiteurs sont clairement palpables tout au long de l’année écoulée, particulièrement en Europe. En ce sens, la question n’est pas de savoir si l’on répudiera les dettes et crédits insoutenables - ce qui est inévitable et fait structurellement partie d’un cycle de crédit -, mais quelle forme prendra ce processus.
Lorsqu’on regarde dans un contexte plus large, la restructuration à grande échelle des bilans tant du secteur privé que public dans les économies développées sera menée dans un environnement semé d’embuches. En effet, suite à la chute généralisée de la part des salaires dans le PIB depuis les années 80 au niveau international, le crédit est devenu le moteur principal de la croissance de l’économie mondiale. Dans la mesure où la résolution structurelle des problèmes actuels passe par une réduction des dettes, en particulier dans le secteur privé, le rôle du secteur financier et les niveaux de crédit doivent diminuer. Face à l’absence de mesures afin d’augmenter les recettes du secteur privé, la chute du crédit aura un effet négatif sur la croissance économique. D’où l’importance d’un schéma qui protège les débiteurs, car plus l’on postpose la reconnaissance des pertes, plus l’on retarde le début de la récupération économique.
Malheureusement, dans le cas européen, les mesures prises au cours de la dernière période sont clairement en faveur des créanciers. Les ressources publiques mises à disposition par les Etats, qui s’élèvent déjà à plus de 1 000 milliards de euros (qui comprennent des injections de capitaux et des garanties octroyées aux banques), ont été utilisées pour maintenir les structures administratives et de propriété responsables de la crise. Les mesures destinées à augmenter la liquidité des banques centrales afin de repousser la reconnaissance des problèmes d’insolvabilité, ont été utilisées afin de mettre des ressources directement à disposition des banques, en créant des bénéfices comptables de façon artificielle |13|. Dans un même temps, afin de permettre aux banques une récupération maximale de ressources, on met en oeuvre des plans d’ajustement dans les pays européens débiteurs, qui entraînent une forte réduction des niveaux de vie de la population. La détérioration constante de la situation économique en Grèce, en Espagne, au Portugal et en Italie, et les fortes protestations qui se déroulent dans ces pays, sont la preuve évidente du fait que la façon actuelle d’aborder le problème n’est viable ni économiquement, ni politiquement, ni socialement. C’est évident, il faut des alternatives.
Comme bon point de départ, il faut mener une réforme du système financier, du fait de sa responsabilité centrale dans les problèmes actuels. Malgré les mesures et les efforts des autorités pour maintenir l’actuel modèle commercial des entités financières, et avec lui les privilèges de ses cadres et propriétaires, ce modèle ne fonctionne plus du tout désormais. Les banques qui font face à une situation d’insolvabilité et qui ont un accès illimité au crédit par le biais des banques centrales font valoir l’apparition de cas soi-disant isolés de trader qui s’engagent dans des positions extrêmement risquées, qui à terme coûtent très chers aux banques. On les appelle les rogue trader. Cependant, ce ne sont pas des cas isolés mais plutôt le résultat de mesures destinées à accroître toujours plus les profits, afin de recouvrer la solvabilité, mais qui à la longue finissent par augmenter significativement le profil à risque des institutions financières dans leur ensemble. C’est un exemple parmi d’autres de l’effet négatif du maintien d’un système bancaire zombie. Pas complètement mort, mais maintenu de manière artificielle et au détriment des ressources publiques.
Il faut donc partir de la base. Comme on l’a signalé dans la première partie du texte, les banques opèrent par le biais de l’administration de ressources publiques qu’elles utilisent pour arbitrer le risque et financer des projets les plus rentables. Ces institutions jouent un rôle fondamental dans la promotion et l’accélération du processus d’accumulation du capital autour duquel gravitent les économies modernes. Ainsi, une économie moderne ne peut pas fonctionner de manière efficiente sans banques. La question clef réside dans le fait que les banques devraient être considérées comme des services publics, du fait, précisément, de leur importance, et de l’effet dévastateur que leur mauvaise gestion peut avoir sur l’économie. Comme elle utilise de l’argent public, bénéficie de garanties de la part de l’Etat et rend un service de base fondamental à la société, une banque diffère très peu d’une compagnie d’eau ou d’énergie. Il faut donc revenir à une fonction basique et hautement régulée sous le contrôle direct des Etats.
Dès lors, il y a deux options possibles pour sortir de la crise en faveur des peuples, la seconde plus radicale que la première :
1. Imposer un contrôle strict de l’Etat (sous contrôle citoyen) sur le secteur financier privé, en réduisant radicalement sa taille, avec comme objectif explicite de faire supporter le coût aux responsables de la crise. Dans un même temps, il convient d’imposer une régulation claire et stricte afin d’éviter la répétition de nouvelles crises. Globalement, ces mesures impliquent de maintenir un secteur bancaire privé limité à sa plus simple expression, ou de l’éliminer, et de construire à son côté un secteur public de crédit, d’épargne et d’investissement. De façon parallèle et non exclusive, il faut encourager le développement du secteur coopératif d’épargne et d’investissement.
2. Procéder à l’expropriation des banques privées insolvables sans indemniser ses actionnaires actuels. Le coût du sauvetage doit être récupéré sur leur patrimoine global. Il s’agit comme dans la première option d’encourager le développement du secteur coopératif de crédit, d’épargne et d’investissement.

Dans le contexte actuel, voici ce que pourrait donner la première option. Le premier pas dans cette direction consiste à mener un audit sérieux et complet des institutions financières européennes, qui rende compte avec exactitude de leur véritable situation financière. Dans les cas des ABS, CDO et autres produits financiers structurés, l’audit doit permettre de mettre en évidence leur processus de création afin de déceler des éléments de fraude. Si tel est le cas, les institutions financières ou autres (par exemple les collectivités locales) en possession de dérivés financiers frauduleux peuvent poursuivre en justice les banques étasuniennes et européennes qui les ont structurés afin d’obtenir une compensation économique pour le dommage subi. Les portefeuilles de crédit privé doivent être évalués au prix du marché, en incluant les actifs du registre bancaire et du registre commercial. Dans le cas des portefeuilles de dette publique, il faut accepter la possibilité de coupes significatives de leur valeur, résultant du processus de moratoire et de répudiation suite aux audits de la dette publique.
Un audit complet de ce type révèlerait probablement que la majorité des principales institutions financières en Europe se trouvent dans une situation d’insolvabilité. Cependant, contrairement à ce que l’on a fait jusqu’à présent, les institutions qui se trouvent dans cette situation ne seraient pas recapitalisées avec de l’argent public, et la structure de gestion et de propriété ne serait pas maintenue intacte. D’abord, il faudrait reconnaître la perte du capital des propriétaires de l’institution, et avec elle leur retrait immédiat et effectif de la prise de décisions de la banque. Il faut mener une opération similaire au sein de la structure d’administration de la banque insolvable, responsable dans une grande mesure d’une telle situation. Dans la mesure où l’insolvabilité implique un montant insuffisant d’actifs pour couvrir les passifs présents dans les bilans, il faudrait avoir recours à un schéma alternatif de subordination de paiements pour la distribution des ressources, où l’on donne la priorité au paiement de dettes de l’Etat, des épargnants, suivis des fonds de pension publics, avec en bout de liste les contreparties des dérivés financiers. C’est-à-dire que les pertes seraient marginales pour les premiers, tandis que le second groupe composé de banques et d’investisseurs institutionnels essuieraient des pertes de près 100%.
Parallèlement, il faudrait avancer dans la réalisation d’audits de la dette publique afin de trouver des preuves de fraude et de mauvaise gestion des ressources publiques. Le moratoire qui va de pair avec l’audit, et la répudiation des dettes dont on aura décelé des éléments d’illégalité ou d’illégitimité, augmenteront de façon significative les pertes des banques. Face à cette situation, l’Etat n’a aucune obligation légale de sauver le reste des créanciers des banques. Au cours du processus de résolution avec une institution bancaire insolvable, l’Etat doit se limiter à s’acquitter des garanties pour les dépôts des épargnants et ne pas étendre les garanties au reste des passifs des entités contrôlées, comme ce fut le cas en Irlande. Cela implique une socialisation directe des pertes dont les entités financières sont responsables et doit être évité à tout prix.
Ce processus, spécifiquement destiné à protéger l’Etat et les petits épargnants, aurait comme effet la fermeture effective des marchés de crédit pendant une période considérable. Les gouvernements devraient se tenir prêts à prendre les mesures requises, en termes d’expansion des dépenses et de provision du crédit par le biais d’entités publiques, avec comme objectif prioritaire la protection de l’emploi et de la production. En ce sens il convient de signaler que la fermeture des marchés de crédit aura un effet plus faible sur l’activité économique que ce à quoi l’on pourrait s’attendre, car au cours de l’année 2011 le système financier européen a réduit progressivement le crédit au secteur privé. La résolution adéquate et efficiente du problème des banques insolvables permettrait justement de récupérer l’accès au financement requis pour un processus de réactivation économique.
Dans le cas européen, il existe une complication additionnelle liée à la BCE et à l’euro. Pour que de telles mesures soient prises dans le cadre de la monnaie commune, la BCE doit jouer un rôle central dans le versement de liquidités aux entités publiques qui se chargeraient de fournir le crédit dans le cadre du processus de résolution. Si BCE s’y refuse, l’unique possibilité des pays qui décideraient de se lancer dans un processus de ce type serait de se retirer de la zone euro. Ils pourraient dés lors rétablir une banque centrale nationale qui agirait en collaboration avec le gouvernement afin de créer la liquidité nécessaire à la restructuration du système financier.
Sur le plan pratique, la première option développée plus haut fait partie d’une proposition de réforme du système financier en général et des banques en particulier, pour une sortie qui vise à protéger l’intérêt et le bien-être de la population. Elle pourrait se résumer ainsi : Imposer un contrôle strict de l’Etat (sous contrôle citoyen) sur le secteur financier privé, en réduisant radicalement sa taille, avec comme objectif explicite de faire supporter le coût aux responsables de la crise. Dans un même temps, il convient d’imposer une régulation claire et stricte afin d’éviter la répétition de nouvelles crises. On procèdera à l’expropriation des banques privées insolvables sans indemniser ses actionnaires actuels. Le coût du sauvetage doit être récupéré sur leur patrimoine global. Globalement, ces mesures impliquent de maintenir un secteur bancaire privé limité à sa plus simple expression. A côté, les pouvoirs publics renforceront ou reconstitueront un secteur public de crédit, d’épargne et d’investissement. De façon parallèle et non exclusive, ils encourageront également le développement du secteur coopératif d’épargne et d’investissement.
La deuxième option est plus radicale car elle implique l’élimination du secteur bancaire capitaliste privé : tant dans le crédit et l’épargne (banques de dépôt) que dans le domaine de l’investissement (banques d’affaire ou d’investissement). Dans cette option, il ne resterait que deux types de banques : des banques publiques avec un statut de service public et des banques coopératives.
La possibilité d’opter pour le premier choix ou pour le second dépendra du rapport de force, du débat politique et des choix que feront démocratiquement, et donc consciemment, les peuples.

Si nous revenons à la première option, une question reste en suspens : comment établir les limites entre la banque commerciale et la banque d’investissement ? Comme nous l’avons signalé dans la seconde section de ce travail, l’origine des problèmes que nous rencontrons actuellement réside dans la possibilité offerte par les produits financiers structurés de réduire les coûts de financement au dessous de ceux offerts par la banque traditionnelle. A défaut d’une interdiction directe d’user de ce type d’instruments financiers de façon généralisée, un mécanisme optionnel serait l’utilisation d’impôts financiers spécialement destinés à augmenter leurs coûts, et, en parallèle, l’établissement de procédures standards pour leur commercialisation. Tandis que les banques commerciales avec des garanties de l’Etat ne seraient pas autorisées à prendre part à ce marché, les banques d’investissement qui demeureraient pourraient le faire en étant sujettes à des limites strictes sur leur effet de levier, à des comptes-rendus clairs et transparents sur l’usage de dérivés financiers par le biais de bourses d’échanges destinées à cette fin, et au paiement d’un impôt significatif afin de réduire les incitants à l’innovation et aux transactions financières.
Bien qu’il soit difficile d’indiquer avec exactitude le moment inévitable où le système financier européen devra reconnaître la caducité de son modèle commercial actuel et la nécessité de restructurer ses bilans, il est clair que ce moment s’approche à grands pas. Comme nous l’avons signalé auparavant, la répudiation des dettes a été centrale dans l’histoire de l’activité financière et la crise actuelle ne sera pas une exception. En ce sens les crises aboutissent à un changement de conceptions quant à ce qui est possible et acceptable. Le changement opère en répondant à des dynamiques politiques et sociales qui influent et font évoluer ces conceptions. En ayant cela en tête, quelle que soit l’issue de la crise, il évident que cette dernière aura eu un coût économique et social très élevé et la sortie progressiste ne pourra être assurée que dans la mesure où les différents éléments de la société se rendent compte que la dette n’est rien d’autre qu’un contrat social et les banques une institution de plus. Enfin, on ne peut pas perdre de vue que les entreprises financières doivent être soumises aux mêmes limitations et responsabilités que le reste des institutions sociales.
Le thème central est donc qui paiera la facture de l’assainissement du système financier : les grands actionnaires privés, comme nous le proposons, ou les peuples comme le souhaitent actuellement les gouvernements, la Commission européenne, la BCE, le FMI et les propriétaires des entreprises financières privées ? Le présent article a tenté de montrer comment, au cours des dernières années, ces institutions ont été responsables de l’éclatement de la crise économique la plus sévère depuis la Grande Dépression, et il est maintenant temps qu’elles assument leurs responsabilités. Les peuples d’Europe et du monde n’ont aucune obligation politique ou économique à assumer la dette du secteur financier. De Liberty Square à New York, en passant par Sol à Madrid, jusqu’à la place Syntagma à Athènes, indépendamment de la langue, il n’y a qu’un seul mot d’ordre :

NOUS NE PAYERONS PAS LEUR CRISE

Réferences
ECB (2009), ¨EU Banks Funding Structures and Policies¨, ECB : Frankfurt.
(2010), ¨European Banking Sector Stability¨, ECB : Frankfurt.

IMF (2010), ¨Global Financial Stability Report April 2010”, IMF : Washington D.C.
(2011), ¨Global Financial Stability Report September 2011”, IMF : Washington D.C.
(2011b), ¨Global Financial Stability Report April 2011”, IMF : Washington D.C.

Onado, M. (2011), “Restructuring European Banking Systems”, VOX EU Article, : http://www.voxeu.org/index.php?q=no...
Salmon, F. (2011), ¨Europe Liquidity Crisis¨, : http://blogs.reuters.com/felix-salm...
Wray, R. y Papadimitrou, D., (2011), ¨Confusion in Euroland¨, Levy Institute of Economics, One Page No. 20.
La traduction de l’espagnol vers le français a été réalisée par Cécile Lamarque et Virginie de Romanet

Notes

|1| Onado, M. (2011), “Restructuring European Banking Systems”, VOX EU, http://www.voxeu.org/index.php?q=no...
|2| Huang, R. y Latnovsky, L. (2010), ¨The Dark Side of Bank Wholesale Funding¨, ECB : Frankfurt.
|3| Les CDS furent utilisés pour créer des Collateralized-Debt Obligations (CDO) synthétiques. Au lieu d’être constitués, comme les CDO proprement dits, de tranches d’Asset-Backed Securities (ABS) regroupées en un seul instrument, les CDO synthétiques étaient des CDS mimant le comportement des CDO (Blog de Paul Jorion) (NdT).
|4| Les CDO au carré ou CDO de CDO dans lesquels les actifs titrisés étaient eux-mêmes des CDO http://fr.wikipedia.org/wiki/Titrisation (NdT).
|5| Prontu (2009), “Every Man Guide to the Financial Crisis”, Prism Group LLC.
|6| Aux Etats-Unis, l’indice ABX a été utilisé comme indicateur pour mesurer artificiellement le prix d’un CDO structuré avec des hypothèques subprime.
|7| L’ampleur réelle de ce sauvetage financier qui a eu lieu en coulisses a été révélée par l’audit de la FED dont le sénateur Bernie Sanders était à l’origine. On estime au total que par ce sauvetage et d’autres mécanismes la FED a mis à la disposition des banques américaines et européennes plus de 13.000 milliards de dollars pour empêcher leur effondrement au cours de la crise de 2008.
|8| BIS (2010) ¨European banks US dollar funding pressures¨, BIS Quarterly May 2010.
|9| ECFIN (2011), ¨European Financial Stability and Integration Report 2010¨, European Commission : Brussels.
|10| Voir Nomura Investment Bank (2011),¨Europe will work¨, Tokio.
|11| En effet, les “stress tests” du système financier menés par l’UE n’ont pas tenu compte d’un scénario de défaut sur la dette publique et ont seulement analysé le trading book, laissant de côté le banking book. Voir, EBA (2011), ¨European Banking Authority 2011 EU Wide Stress Test Report¨, http://stress-test.eba.europa.eu/pd...
|12| FMI (2011), ¨Global Financial Stability Report September 2011”, IMF : Washington D.C.
|13| L’audit de la FED a révélé que les plus de 13 000 milliards de dollars remis aux banques par le biais de programmes destinés à fournir de la liquidité au système financier international ont permis aux grandes institutions financières européennes et étasuniennes de réaliser des profits supérieurs à ces 13 000 milliards de dollars entre 2009 y 2010. Une bonne partie de ces ressources A fini par être utilisée pour le paiement de titres et de bénéfices aux cadres de ces institutions. Voir : Secret Fed Loans Gave Banks $13 Billion, disponible en : http://www.bloomberg.com/news/2011-...

http://www.cadtm.org/Les-banques-europeennes 

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