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25/01/2010

La santé, thermomètre des inégalités sociales

Elie Arié - Médecin

La santé se définit par le nombre d’années de vie sans handicap. Autrement dit, la santé, ce sont deux choses : de la quantité et de la qualité de vie en plus.

Cette définition (plus pratique que celle de l’Organisation Mondiale de la Santé, trop utopiste, et qui se confond avec celle du bonheur absolu : « un état complet de bien-être physique, psychique et social ») a le mérite d’être mesurable , pour un pays comme pour un individu :
  • le nombre d’années de vie , pour un pays, s’exprime par l’espérance de vie moyenne de la population,
  • le handicap se mesure grâce à des échelles de qualité de vie, prenant en compte des éléments objectifs ( la diminution des performances physiques ou psychiques) et des éléments subjectifs ( vous sentez que « ça va » ou que « ça ne va pas », même si aucun médecin n’arrive à formuler un diagnostic précis sur votre cas)

La santé ne se résume pas à la médecine et au curatif

On voit donc bien que la santé ne se résume pas à la médecine et au curatif. Si on considère l’état de santé des Français, il est tout à fait comparable à celui des autres pays développés (mais nettement meilleur pour les femmes que pour les hommes), avec, cependant deux points faibles :
  • une surmortalité des hommes avant 65 ans, essentiellement liée à l’alcool, au tabac, et aux morts violentes (accidents et suicides) : il s’agit donc de causes de mortalité théoriquement « évitables » ;
  • des inégalités trop profondes entre les classes sociales : la différence d'espérance de vie à l'âge de 35 ans entre un manœuvre et un cadre supérieur est de plus de neuf années, et, malgré l’extension progressive de l’ Assurance-Maladie à toute la population en un demi-siècle, cette différence va en s’accroissant (ce qui prouve bien que la santé ne dépend pas que de l’accès à la médecine, mais aussi de bien d’autres facteurs)
L’état de santé d’un pays dépend de la qualité et de l’accessibilité de son système de soins (la médecine), mais aussi de beaucoup d’autres facteurs : les conditions de logement, de travail et de chômage, le niveau d’éducation et d’information, les modes de vie, l’alimentation, l’environnement au sens large du terme, etc. en dehors des facteurs génétiques héréditaires personnels, sur lesquels il est inutile de s’attarder, puisque nous sommes (pour l’instant ?) incapables d’agir sur eux.

Tout ne dépend pas du système de soins

Dans les pays développés, le système de soins est responsable d’environ 15% à 20 % de l’état de santé d’une population (c’est déjà beaucoup, et ce n’était certainement pas le cas au début du XXème siècle) ; or, dans ces mêmes pays, 80% des dépenses affectées à la santé sont consacrées au système de soins.

Ceci explique qu’au-delà d’un certain seuil, il n’y a pas de relation entre les dépenses affectées au système de soins et l’état de santé d’un pays : le Japon, qui consacre 7 % de son PIB (c’est - à - dire de sa richesse nationale) à son système de soins a de meilleurs indicateurs de santé que les Etats-Unis(1) , qui affectent 14% de leur PIB au système de soins.

En médecine, au-delà d’un certain stade, plus n’est plus synonyme de mieux. Il faut des dépenses supplémentaires énormes pour des résultats à peine mesurables (et des effets négatifs, eux, très mesurables mais rarement mis en avant : pensons aux conséquences de la surconsommation de médicaments).

En réalité, c’est quelque chose que nous savons,mais sans en avoir conscience ; en France, c’est en Haute-Garonne que l’espérance de vie est la plus élevée : si nous pensions que c’est grâce à la médecine, nous irions tous nous faire soigner à Toulouse en attendant que les médecins de Paris et de Lille se mettent à niveau ; mais nous sentons bien que l’explication n’est pas là.

Il faut aussi agir sur le chômage, les conditions de travail...

Ce qui est clair, en tous cas, c’est que, si un pays comme la France, qui consacre 11,5 % de son PIB à son système de soins (seuls au monde les Etats-Unis et la Suisse lui consacrent davantage, respectivement 14% et 13%), voulait améliorer l’état de santé de sa population, elle devrait investir de l’argent dans les autres déterminants de l’état de santé beaucoup moins dotés : chômage(2), conditions de travail, environnement, éducation, alimentation, modes de vie.

Ainsi, si l’espérance de vie est passée en France de 35 ans en 1800 à 56 ans en 1936, année où la médecine était encore très peu efficace, c’est essentiellement à cause de l’amélioration générale des conditions de vie, et, en particulier, de la quasi - généralisation de l’eau potable.

On sait aujourd’hui qu'en modifiant le mode de vie ou l'environnement physique et social, on arriverait probablement à améliorer davantage la santé que si l'on investissait plus d'argent dans les systèmes existants de prestation de soins.

L’état général de santé d’un pays constitue certainement un des meilleurs indicateurs de son niveau de développement global, économique et social .

  1. En particulier la plus grande espérance de vie au monde, tant pour les hommes que pour les femmes.
  2. L’état de santé est altéré par les contrats précaires et la durée du chômage
http://www.marianne2.fr/La-sante,-thermometre-des-inegalites-sociales_a183594.html

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