Les électeurs suisses ont donc accepté, avec 57,5% de oui, l’initiative [1] du parti nauséabond leur proposant d’interdire la construction de minarets en Suisse. La honte ! Le pays comptant pour l’heure 4 minarets en tout et pour tout, on sent bien que le problème est ailleurs. Le véritable enjeu de cette votation n’a leurré personne, ni les pour ni les contre. Bien que les initiants s’en défendent, les électeurs ont bien compris qu’il s’agissait de se prononcer sur des questions bien plus vastes, qu’il est difficile de formuler directement, car elles touchent à l’acceptation des musulmans, à leur intégration, à leur rejet. De ne pas objectiver ces questions, permet aussi de donner libre cours à tout un fatras d’idées fausses, de fantasmes et de pressentiments non résolus, enfouis au plus profond de la conscience du commun des mortels, bref de placer l’émotionnel bien au-dessus du raisonnable. Les stratèges du parti qui pue ont donc ressorti les habituelles et efficaces recettes basées sur de vieilles peurs, réchauffées par un radicalisme musulman dont on n’a pour l’instant pas vu le premier verset dans nos paisibles vallées.
Pour sa campagne, le parti qui schlingue a donc édité une affiche dont l’illustration représente des minarets qui, tels des missiles, transpercent un drapeau suisse. Au premier plan (en grand, ce qui montre bien que ce ne sont pas les minarets qui posent problème) on voit un personnage voilé. J’utilise à dessein le terme de personnage, car il est volontairement peu typé pour que le spectateur puisse l’investir de ses propres peurs : femme voilée, terroriste masqué, vague bédouin, etc. L’économie de couleurs n’est pas fortuite (le parti a largement les moyens de se payer une hexachromie avec dorure à la feuille en gaufrage, s’il le faut !). Les gros aplats noirs convoquent le mystère, la mort, la terreur, le rouge se chargeant du sang, mais aussi de la véhémence, de l’urgence. L’illustration touche au degré zéro de la métaphore. [2] Pas de second degré ici, il faut que tout le monde puisse comprendre en un quart de seconde.
Par calcul, avec une parfaite connaissance du comportement des médias et des responsables politiques, cette affiche a été voulue scandaleuse. La manoeuvre a fonctionné au-delà de toute attente. Très vite, dès qu’elle a été divulguée (et pas encore affichée) des protestations ont fusé de partout pour s’opposer à son affichage, alors que pour certains, également opposés à l’affiche, il fallait se montrer tolérant au nom de la liberté d’expression. Les initiants ne manquaient pas de se victimiser en jetant l’anathème contre ces bien-pensants qui réclament une censure. De nombreuses municipalités ont dû se déterminer pour ou contre cet affichage. On arriva même à des situations ubuesques quand une commune [3] interdisait l’affichage alors que les CFF [4], sous administration fédérale, l’autorisaient dans l’enceinte de la gare ! Ce bal a duré plusieurs semaines : pas un jour ne s’est écoulé sans que la presse écrite, parlée ou télévisée ne nous relate une nouvelle interdiction ou permission d’affichage et mette en scène des débats aussi vains que figés. Quel que soit son avis sur l’initiative, chacun a dû prendre position et défendre un point de vue sur l’affichage, assurant ainsi un buzz incroyable à l’initiative.
On a ainsi perdu beaucoup de temps en se cristallisant sur l’affiche et en n’abordant pas les questions de fond. Quand elle s’est réveillée, l’opposition à l’initiative a été faible et peu structurée. Tous les milieux politiques et les partis - à l’exception du parti qui fouette - sont opposés à l’initiative, mais peinent toujours à s’entendre et à se coordonner pour lutter efficacement contre un ennemi bien circonscrit et qui fait bloc. De plus, le monde politique s’est senti un peu trop sûr de lui, convaincu de détenir une vérité partagée par une bonne majorité des citoyens. Cette naïveté était confortée par les sondages [5], mais avec le temps, nos politiciens devraient commencer à savoir que sur des questions portant sur des sentiments peu avouables, les instituts de sondage ne sont pas fiables. (Et sur ce point, ce ne sont pas nos amis français, qui ont vu leur parti nauséabond passer au premier tour des présidentielles de 2002, qui nous contrediront.) En plus du naufrage de certains idéaux humanistes, ce dimanche marque aussi la grande défaite d’une classe politique naïve et dilettante. (J’entends en ce moment leurs propos lénifiants à la radio... il est foncièrement impossible pour un politicien de reconnaître une défaite.)
On peut remarquer que dans 2 cantons (Genève, Bâle-Ville) abritant une forte communauté de musulmans, l’initiative a été rejetée. Les petits cantons montagnards (de « Suisse primitive », terme officiel qu’on peut bien sûr interpréter à sa guise ;-) acceptent le plus massivement cette initiative, alors que la plupart de leurs habitants n’ont jamais vu un musulman ailleurs qu’à la TV. Étonnant, non ?
Notes:
[1] L’initiative n’est pas à confondre avec le référendum, comme on le fait le fait sur les ondes de France Inter !
[2] genre le marteau qui écrase les prix !
[3] Lausanne
[4] Chemins de Fer Fédéraux
[5] Le dernier sondage indiquait 37% de oui
http://motsdimages.ch/Les-suisses-rameutes-par-une-image.html - 29.11.09
Sem comentários:
Enviar um comentário