Ainsi en matière de lutte contre l'immigration clandestine. Selon le pouvoir en place, les filières clandestines faisant leur beurre de la détresse universelle seraient la cible prioritaire. Dans les faits, les policiers constatent le contraire. Les primes sont versées en fonction du nombre d'interpellations d'ESI 'étranger en situation irrégulière). Selon les effectifs d'un service de police, il y a un objectif à atteindre pour décrocher la prime. Depuis, être muté à Modane est devenu une aubaine. Il est plus facile d'y attraper le pékin tentant sa chance sans filière. Parfois, on arrête aussi celui qui quitte sans papiers le territoire, pour gonfler les chiffres. "En revanche, les services de police aux frontières qui travaillent sur des filières et font un travail de fond ne sont pas considérés comme suffisamment méritants, dénonce Alain Chizat. Le démantèlement d'une filière ne permet pas d'arrêter suffisamment de gens pour remplir les objectifs assignés."
En matière de stupéfiants, même constat. Depuis quelques années, les policiers racontent que l'on privilégie la quantité et les interpellations faciles. Un fumeur de pétard devient une aubaine, statistiquement parlant. En lui tombant dessus, on comptabilise un fait constaté, et dans le même temps un fait élucidé. Cela ne fait une qu'une "crotte de shit", mais la police parait plus efficace si l'on ne regarde que les chiffres. A l'inverse, un long investissement pour essayer de faire tomber un réseau de trafiquants coûte cher en temps et en hommes, sans être valorisant du point de vue statistique.
Pour compléter les effets désastreux de cette application à la police de la gestion statistique, les agents racontent que dans les commissariats, les plaignants sont de plus en plus souvent encouragés à déposer des mains courantes plutôt que des plaintes, afin de ne surtout pas faire augmenter la délinquance aux yeux de la hiérarchie centrale, et de l'opinion publique. Les travailleurs sociaux qui accompagnent par exemple les femmes victimes de violences conjugales confirment qu'il est devenu plus difficile de porter plainte dans certains commissariats.
A la fin des années 90, la police de proximité imaginée par Jean-Pierre Chevènement, et théorisée au moment du colloque de Villepinte en 1997, avait produit l'effet inverse. Pour resserrer le lien avec la population, lutter contre le sentiment d'insécurité, les commissariats avaient reçu l'ordre de prendre toutes les plaintes. Il s'en était suivi une hausse (partiellement) artificielle de la délinquance. Que la gauche a payé en 2002. Derrière les effets de manche et de menton qui ont suivi, la politique mise en place par Nicolas Sarkozy a produit l'effet inverse selon une partie des policiers. La délinquance a connu une baisse (partiellement) artificielle.
Selon les syndicalistes d'Unité police, cette politique rejaillit également sur le moral des troupes. "Les chefs de service n'hésitent plus à envoyer des mails pour dire que le nombre de timbres amende est insuffisant et qu'il faut se ressaisir, raconte Alain Chizat. Les policiers se sentent de plus en plus menacés, insultés sur la voie publique, et de moins en moins respectés par leur hiérarchie parce qu'il faut toujours faire plus pour répondre aux ratios et aux quotas."
A cette violence croissante s'ajoutent des moyens décroissants. Les effectifs baissent les véhicules mettraient de plus en plus de temps à se faire réparer. Unité police appelle à un arrêt de la politique du chiffre, pour retravailler le lien à la population. Elle demande aussi une "reconnaissance indicière" de ce métier, "aussi peu reconnu désormais que celui des instituteurs et des métiers de la santé".
Olivier BERTRAND
http://www.libelyon.fr/info/2009/12/manifestations-polici%C3%A8res-contre-la-polique-du-chiffre.html
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