Le processus de Bologne, engagé en 1999 pour créer, d’ici à 2010, un espace européen de l’enseignement supérieur aura au moins créé un espace européen de luttes. Mardi dernier, des manifestations se sont tenues dans les villes allemandes et italiennes. Leur slogan ? « Education is not for sale », l’éducation n’est pas à vendre. Comme leurs camarades finlandais, français, espagnols, ces deux dernières années, les manifestants remettent en question une politique européenne qui, sous couvert de permettre aux systèmes éducatifs de mieux communiquer entre eux (niveaux de diplômes communs, systèmes de crédits, mobilité étudiante, etc.), vise à soumettre l’éducation aux besoins du marché.
Les étudiants allemands protestent ainsi contre le nouveau système de diplômes, inspiré par la réforme européenne licence-master-doctorat. Pointant, par exemple, le nouveau bachelor (licence), au faible niveau, qui viserait une insertion rapide sur le marché du travail, au terme de trois années chargées en examens. « Les têtes pleines acquiescent plus facilement », ironisait une pancarte. Les étudiants s’en prennent également aux manques d’investissements qui conduisent à réduire la durée des études. Selon l’Office fédéral de statistique, 40 % des diplômés du bachelor ne parviennent pas à s’inscrire en master, particulièrement dans les filières de lettres et sciences humaines.
Ces manifestations s’inspirent de la mobilisation qui secoue l’Autriche depuis le mois d’octobre. Alors dans l’opposition, les sociaux-démocrates (SPÖ) avaient promis la gratuité des frais d’inscription. Ce qu’ils ont mis en place une fois revenus au pouvoir, mais en limitant le nombre de places. Les Autrichiens se plaignent d’un enseignement trop professionnalisant. Il faut dire que le processus de Bologne fixe aux États des objectifs explicites concernant l’enseignement en sciences. Les lettres et les sciences humaines, qui développent l’esprit critique, ne sont pas encouragées. « Les comportements et les références culturelles se forment dès le plus jeune âge », peut-on lire dans un document de la Commission européenne. Qui en tire cette conclusion : « L’enseignement peut contribuer de manière déterminante à la réussite du défi entrepreneurial. »
C’est une question qui relève bien d’un projet de société, a admis, cette semaine, la ministre italienne de l’Éducation, Mariastella Gelmini. Selon elle, les manifestations qui ont regroupé plus de 150 000 étudiants mardi dernier sont le fait d’une « minorité idéologisée et remuante ». Pourtant, dans le quotidien communiste Liberazione, un étudiant affirmait ne pas « demander la lune » : « Nous sommes ici pour revendiquer un droit plein et gratuit à l’éducation, comme l’indique notre Constitution ».
L'Humanité - 24.11.09
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