Connaissez-vous M. Geoffroy Roux de Bézieux ? Il est bien difficile de l’éviter tant il semble avoir micro ouvert dans les chaînes d’informations depuis que Nicolas Sarkozy est aux manettes. Ancien cadre dirigeant chez L’Oréal, reconverti dans la téléphonie mobile, l’homme au look de libéral décomplexé siège dans de nombreux conseils d’administration, dont celui de PSA, modèle d’humanisme en matière de gestion des ressources humaines. Placé à la tête de l’UNEDIC au titre de représentant du MEDEF, il a incarné à merveille cette génération Sarkozy enivrée par sa victoire en 2007 et avide de revanche sociale. Mais voilà, l’ivresse n’a qu’un temps, et à l’heure du dégrisement, les paroles sucrées du communiquant sûr de soi cèdent le terrain à l’injure et à la morgue de classe.
Des ouvriers, qui voient leur vie brisée, leur avenir s’écrouler, parce que des actionnaires ont exigé des profits exorbitants, retiennent pendant quelques heures leur patron pour obtenir des négociations, ou ne peuvent contenir leur colère en s’en prenant au mobilier d’une sous-préfecture, se voient traités d’assassins et de terroristes potentiels. Comment interpréter autrement l’allusion, commise par Roux de Bézieux, au meurtre de l’ancien PDG de Renault le 17 novembre 1986 par le groupe Action directe : « On commence par des séquestrations et puis… on tire sur Georges Besse » ? Est-ce l’effet d’un vent de panique s’emparant du monde des affaires dans une « situation révolutionnaire », que croit discerner Dominique de Villepin ? Ne s’agit-il pas plutôt d’une volonté d’accroître les tensions sociales, dans le perfide espoir d’un recours à la répression contre le mouvement social ?
François Fillon, discret premier ministre, interrogé la semaine dernière au micro de France Inter, avait dû reconnaître que certains patrons « attisent » la colère des salariés. Toute la question est de savoir si la stratégie de la tension n’est le fait que de quelques patrons ou si elle a des adeptes dans les plus hautes sphères de l’État et du grand patronat. Dans une interview au Parisien, Xavier Bertrand, homme lige de Nicolas Sarkozy à la tête de l’UMP, n’a pas trouvé un mot pour évoquer la détresse des salariés licenciés, mais il est fort disert pour menacer les ouvriers des foudres de « l’État de droit ». « Il ne peut y avoir la moindre complaisance avec ceux qui s’écartent. » Cet ancien ministre du Travail, qui a présidé au côté de Nicolas Sarkozy à toutes les remises en cause du modèle social (retraites, temps de travail, heures supplémentaires) menées frénétiquement pendant la première période du quinquennat, ne dirige pas son courroux vers les « golden parachutes » succédant au « golden hello » et autres « retraites chapeaux », mais contre les ouvriers de sa propre région, les Conti.
Ceux-là devraient ravaler leur colère et accepter de revendre leur maison payée sur vingt ans pour permettre à Mme Schläffer de poursuivre sa partie de Monopoly. Ce sont aussi les travailleurs de Caterpillar, dans la région de Grenoble, considérés comme une variable d’ajustement dans un groupe qui place ses propres usines en concurrence les unes contre les autres… Où est donc « la violence sociale », que dénonce Xavier Bertrand, si ce n’est dans les décisions prises dans les conseils d’administration sur la base de projets concoctés dans le secret des rencontres entre complices comme l’Humanité en a révélé un exemple avec la société Molex.
Au bal des hypocrites, MM. Bertrand et Roux de Bézieux se partagent la direction de l’orchestre. Ce qui les agite tant, ce n’est pas la situation de quelques managers « séquestrés », c’est-à-dire contraints de partager une soirée prolongée et des sandwichs avec des militants syndicaux, mais l’unité du monde du travail scellée par toutes les organisations syndicales depuis le mois de janvier. Ce qu’ils craignent, c’est le 1er mai exceptionnel qui approche à grands pas.
L'Humanité - 27.04.09
Sem comentários:
Enviar um comentário