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30/04/2009

Demain, les "supervirus" de la guerre biologique

L’hypothèse d’une manipulation malveillante des souches virales et autres pathogènes, notamment à des fins militaires et terroristes, ne peut être écartée.

Avec l’épidémie de grippe porcine (H1N1) qui vient de se déclarer au Mexique et dans le sud des Etats-Unis, ce sont les pires scénarios catastrophe d’une pandémie à l’échelle planétaire qui réapparaissent au cœur des débats.

Bien que des informations plus précises doivent encore parvenir avant que les experts de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ne puissent se prononcer définitivement sur les mesures à adopter (on évoque, entre autres, la restriction des échanges, la fermeture de frontières), le "potentiel pandémique" du virus a d’ores et déjà été confirmé. Dans l’état actuel des connaissances relatives à la transmission du virus H1N1 dont il est question, il apparaît que l’infection résulte d’un processus de développement naturel de la maladie dont l’une des caractéristiques les plus notables réside dans la combinaison des souches humaines, porcines et aviaires du virus.

Et si demain, la nature était aidée ? L’hypothèse d’une manipulation malveillante des souches virales et autres pathogènes, notamment à des fins militaires et terroristes, ne peut, en effet, être écartée. Tout au long du XXe siècle, les avancées scientifiques intervenues dans le domaine de la microbiologie, si elles ont considérablement amélioré les conditions de vie sanitaire de nos sociétés, ont également donné naissance à des applications conduites intentionnellement contre certains Etats dans le cadre de visées d’expansion géostratégique ou d’épuration de populations.

A l’avenir, les progrès - certainement considérables - qui seront accumulés dans les secteurs de la génomique et de la protéomique ne seront pas exclusivement dirigés au seul bénéfice de l’Humanité. Nombre d’experts (1) s’accordent à penser que les percées scientifiques à venir, associant biotechnologies, nanotechnologies et informatique moléculaire, conduiront à une nouvelle génération d’armes biologiques et chimiques. Leur prolifération, si elle n’est pas contrôlée, pourrait être de nature à altérer en profondeur les équilibres militaires existants. Ils pourraient, de même, remettre en cause l’efficacité - déjà discutée - des traités et conventions qui visent à bannir l’usage des toxines de nature microbienne et autres agents biologiques.

Certes, les disciplines qui viennent d’être mentionnées permettront, à l’avenir, le développement de nouvelles formes de vaccins et d’antidotes, mieux ciblés, plus efficaces. Ils aboutiront aussi à la mise au point de traitements jusque-là inespérés. On ne peut, cependant, écarter que des variantes militaires seront, à l’avenir, développées par des Etats ou des acteurs internationaux parvenus à maîtriser les technologies avancées constitutives de ces domaines de recherche. Et les possibilités d’application pourraient s’avérer, dans ce cas, sans limite.

Ainsi, l’emploi de toxines par un agresseur biologique pourrait être destiné à générer une paralysie de l’ensemble du système immunitaire des individus d’une population. La décimation de cette dernière étant confiée à la nature qui se chargerait de développer les infections opportunistes. On songe, par ailleurs, à la manipulation de toxines en vue de diriger les protéines constitutives vers des tissus précis du corps humain - le cerveau, par exemple -, pour y causer des lésions irrémédiables. De même, l’emploi de molécules "programmées", afin qu’elles se lient à des récepteurs précis du corps humain, permettrait l’annihilation, sinon la dérégulation, des réponses immunitaires du corps humain (2).

Plusieurs inconvénients et effets non-désirés liés à l’emploi d’un armement biologique/chimique ont, par le passé, dissuadé nombre d’agresseurs potentiels à déclencher de telles attaques. Parmi ceux-ci on citera l’extrême volatilité des agents et toxines déversés, susceptibles d’infecter la population ou l’environnement (territoires, villes, récoltes) de l’agresseur ou encore les difficultés liées à l’intégration des agents toxiques au sein de vecteurs militaires (missiles). Or, les technologies de vectorisation de tels agents devraient, à l’avenir, bénéficier des apports futurs des sciences et des technologies et, plus précisément, de la biologie synthétique (aussi désignée "Nouvelle biologie") pour, peut-être, permettre à un agresseur potentiel de s’affranchir des systèmes de missiles dont les installations de développement se révèlent des cibles faciles pour les senseurs (satellites).

A l’horizon des vingt prochaines années, la conception - éventuellement appuyée par la nanotechnologie - de pathogènes furtifs capables d’esquiver les réponses immunitaires et les diverses formes d’examen diagnostique placera nos politiques et états-majors devant des défis d’une ampleur inédite. Pire : il pourrait être possible de rendre de tels agents capables de rester dans un état de latence prolongé pour être ensuite rendus opérants au moment opportun avant de retourner dans un état d’inactivité et de furtivité parfait.

En conséquence, il s’avérera illusoire de, non seulement, prévenir une attaque biologique mais il sera, plus encore, impossible d’en identifier l’agresseur; ce qui rendra par là même inopérante toute forme de dissuasion d’un attaquant potentiel. Les prouesses attendues dans les techniques de furtivité des pathogènes pourraient, en outre, permettre à un agresseur biologique de répandre une infection latente parmi une population en décalant l’activation effective par la diffusion, en temps voulu, d’une seconde infection dite "de déclenchement" (Trigger).

L’épidémie virale du H1N1 ravive parmi les individus et les politiques la peur primale des pires scénarios de dévastation. Celle-ci est le résultat des multiples expériences d’infections vécues par l’Humanité, désormais inscrites dans l’inconscient collectif des populations. L’effroi, qui génère souvent la paralysie ou l’inaction, doit être dépassé. Un véritable intérêt de l’opinion publique et des décideurs autour des moyens nouveaux que pourraient, demain, rendre possibles certaines applications perverties des solutions qu’offrira la science reste entièrement à construire. Les traités et conventions qui régissent aujourd’hui les volets stratégiques et militaires de ces dérives, même s’ils ne se révèlent pas, pour l’heure, totalement inadaptés aux enjeux, devront sans plus attendre intégrer les avancées auxquelles aboutira la convergence technologique en devenir (3).

*Les propos exprimés par l’auteur n’engagent pas les institutions.

(1) Mark Wheelis, "Will the New Biology Lead to New Weapons ?", Arms Control Today, Arms Control Association, July/August 2004, http://www.armscontrol.org/act/2004_07-08/Wheelis.

(2) Kathryn Nixdorff, "A l’attaque du système immunitaire", Forum du désarmement (La science, la technologie et les conventions sur les armes chimiques et biologiques), 2005, numéro 1, pp. 29 - 40.

(3) Jonathan B. Tucker, "Preventing Terrorist Access to Dangerous Pathogens : The Need for International Biosecurity Standards", Disarmament Diplomacy, September 2002, pp. 8 - 12.

La Libre Belgique - 28.04.09

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