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30/04/2009

Les impacts de la crise sur les sans-abri aux Etats-Unis

Aux Etats-Unis, la crise est née du marché immobilier et l’impact de la récession sur les sans-abri peut être très élevé. En France, l’appareil statistique ne permet pas de telles évaluations. Une analyse de Julien Damon, professeur associé à Sciences-po Paris.

Le très sérieux et très rigoureux Center on Budget and Policy Priorities, centre de recherche américain indépendant, a publié une estimation de l’impact potentiel de la crise financière et immobilière sur les sans-abri aux Etats-Unis (lire l’étude). Les données disponibles indiquent déjà une augmentation très substantielle en 2008 du nombre d’individus et de familles à la rue ou dans les centres d’hébergement. Alors que la tendance sur la décennie était à une nette contraction de la population des personnes vivant ces situations, la vive reprise à la hausse est très préoccupante. Et malgré l’inscription d’importants crédits pour le « sans-abrisme » dans les dispositions fédérales relatives à la relance, la croissance du phénomène devrait être encore largement de mise.

A la différence de la France, où les statistiques solides font largement défaut, la plupart des grandes villes américaines disposent de systèmes de collecte de données permettant d’évaluer raisonnablement le nombre de sans-abri (dans les rues et/ou dans les services de prise en charge). L’association américaine des maires, qui réalise annuellement une enquête nationale sur les sans-abri, a fait état fin 2008 d’une aggravation des problèmes des familles. 16 des 22 villes rapportant des données ont signalé une recrudescence et souvent un grossissement très sensible. Louisville, par exemple, signale une amplification de 58 % pour ce qui concerne les familles sans-abri en un an.

Des informations les plus récentes, il ressort une augmentation entre 2007 et 2008 de 40 % du nombre de familles entrant dans les centres d’accueil new-yorkais. Dans l’Etat du Massachusetts l’augmentation, sur la même période, est de 32 %. Dans le Connecticut elle est de 30 % et de 12 % dans le Comté de Los Angeles.

Cet accroissement important pourrait se poursuivre avec la progression du chômage. Les prévisions établies par Goldman Sachs sont d’un taux de chômage à 9 % fin 2009 (contre 5 % fin 2007 et près de 7 % en 2008). Les experts du Center on Budget and Policy Priorities, s’appuyant sur les trois dernières récessions américaines, tablent dans ce contexte sur une fourchette de 8 à 10 millions de pauvres supplémentaires [1]. Toujours sous ces hypothèses, le nombre de personnes en grande pauvreté (avec un revenu inférieur de moitié au seuil de pauvreté) pourrait augmenter de 5 à 6 millions. Au total, c’est environ un million de nouvelles familles avec enfants qui pourraient connaître la grande pauvreté et se trouver face à un risque élevé de « sans-abrisme ».

On peut tirer de ces informations deux remarques pour le cas français. Tout d’abord il faut souligner que c’est d’abord la structure du bilan des institutions financières qui est affectée par les subprimes et non les ménages. En ce sens, la crise n’a pas – comme aux Etats-Unis – une incidence immédiate sur les conditions de logement. En clair, peu de ménages vont perdre leur logement en raison de leur incapacité à rembourser des prêts à taux variables. En outre, dans un contexte où les prix de l’immobilier vont baisser, il sera vraisemblablement, toutes choses égales par ailleurs, plus aisé de se loger. Le chômage va accroître les difficultés d’accès au logement ou de maintien dans le logement, surtout pour les jeunes ménages. Il n’en demeure pas moins que la couverture sociale « à la française » amortira davantage ce choc que dans le cas américain.

La leçon la plus importante n’est cependant pas là. Elle est dans l’appareil statistique et dans la capacité qu’a la France à décrire, apprécier et prévoir les situations des populations qui s’y trouvent. Bien malin qui peut dire quoi que ce soit de vraiment valable sur la décennie passée en matière de sans-abrisme. Bien plus malin encore qui peut dire quoi que ce soit de valablement chiffré sur l’avenir. On peut se méfier du marché des prêts immobiliers aux Etats-Unis. On pourrait grandement s’inspirer de leurs méthodes de collecte et de diffusion des informations statistiques »…

Sur le plan des politiques, le Président Obama se présente très volontariste. Il pourrait même se ranger à l’idée ambitieuse de se fixer un objectif d’extinction du phénomène. Une de ses récentes déclarations va précisément dans ce sens, au moins pour ce qui concerne les familles et les enfants : « Un des changements d’attitude auquel j’aspire ici à Washington et partout aux Etats-Unis est de voir dans la situation des enfants et des familles sans toit quelque chose d’inacceptable dans un pays aussi riche que le nôtre ». Reste que le plan de relance américain ne semble pas (encore ?) contenir de dispositions spécifiques pour atteindre une telle ambition.

Source : Barbara Sard, « Number of Homeless Families Climbing Due To Recession », Center on Budget and Policy Priorities, 8 janvier 2009.

Voir également la note publiée par le Urban Institue de Mary Cunningham, « Preventing and Ending Homelessness—Next Steps », 1er février 2009.

[1] Pour une évaluation de l’impact de la crise sur la pauvreté, voir Sharon Parrott, “Recession Could Cause Large Increases in Poverty and Push Millions Into Deep Poverty,” Center on Budget and Policy Priorities, 24 novembre 2008. www.cbpp.org/11-24-08pov.htm

Observatoires des Inégalités - 30.04.09

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