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26/04/2009

«L’accès à la vie adulte est retardé»

Olivier Galland, directeur de recherches au CNRS, analyse le malaise d’une génération

Le sociologue Olivier Galland, directeur de recherches au CNRS, vient de publier De quoi les jeunes Français ont-ils peur ? (Armand Colin). Il explique à Libération les raisons de leur pessimisme.

Les jeunes Français ont peur de l’avenir : pourquoi ?

Ils sont inquiets, plus que les autres Européens : 60% des jeunes Danois considèrent l’avenir avec un grand optimisme contre 20 % pour les jeunes Français… Depuis vingt à trente ans, le chômage des jeunes est de deux fois, deux fois et demi plus élevé que celui des adultes. La précarité de l’emploi se concentre sur eux, et ce de plus en plus. Mais il ne faut pas noircir à l’excès : 90 % des jeunes entre 25 et 30 ans accèdent à un CDI. Il y a en France un retard dans l’entrée dans la vie adulte. Cette «stabilisation» est longue, risquée et facteur d’incertitudes. Les jeunes sont en outre mal représentés dans les corps intermédiaires (syndicats, associations, partis). Ils n’ont pas d’expression légitime, incontestable. Il y a ainsi une coupure entre eux et la société, culturelle aussi. Il suffit de voir le fossé qui s’est creusé entre la culture des jeunes et celle de l’école. Troisième aspect, moins évoqué : le système méritocratique français, l’élitisme républicain. Il ne fonctionne plus dans une école de masse. L’obsession du classement scolaire sépare vainqueurs et vaincus. Cela provoque beaucoup de découragement, de doutes, d’échecs.

En quoi la crise aggrave-t-elle ce tableau ?

L’emploi des jeunes surréagit à la conjoncture. Quand elle se détériore, ils sont les plus touchés. Quand il y a une reprise, ils sont les premiers à en profiter.

Le diplôme protège-t-il contre le chômage ?

L’écart entre les chances d’insertion d’un diplômé et celles d’un non-diplômé demeure. Il s’accroît même avec la crise. Mais, c’est vrai, le diplôme n’est plus une aussi bonne protection. Il ne faut toutefois pas exagérer sa dévalorisation. Un bac + 4 ou + 5 protège efficacement contre le chômage. Mais certaines filières sont dévalorisées.

Quelle politique mener ?

Les politiques publiques n’ont pas pris assez en compte les transformations de cette période de la vie. C’est devenu une phase de transition longue, entre la fin des études et la stabilisation professionnelle et familiale. Avant, cela se faisait rapidement : les jeunes reproduisaient le statut de leurs parents. Avec la démocratisation, c’est plus complexe, plus risqué, les jeunes tâtonnent. On a besoin d’une politique d’accompagnement public. Il faut notamment améliorer le système d’orientation. Il est très opaque, avec une grande iniquité entre les jeunes qui ont les bons réseaux et peuvent choisir les bonnes filières, et les autres. Il y a aussi des trous dans la protection sociale. Faut-il des aides pour toute la jeunesse ou seulement pour certaines catégories ? Le débat est ouvert.

Le pouvoir a peur, aussi, des jeunes…

Les politiques ont toujours peur des jeunes. C’est souvent à l’origine de l’échec des réformes, comme récemment sur le lycée. Car les politiques essaient de les faire passer à la sauvette, subrepticement. Le ministre de l’Education, Xavier Darcos, avait une vision plus ambitieuse que de modifier la seconde. Il n’a pas voulu l’afficher. Il a présenté sa réforme a minima. Mais, très vite, les interlocuteurs s’en sont rendu compte… On retrouve ce cercle vicieux, avec une grande défiance des jeunes à l’égard des politiques, une grande peur des politiques à l’égard des jeunes. La priorité doit être de rétablir la confiance et d’agir dans la transparence.

Libération - 24.04.09

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