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07/04/2009

La gouvernance mondiale est un mythe

Si l’on examine le G 20, le nez collé à l’évènement et l’esprit saturé de bruits médiatiques, le constat s’impose de lui-même avec les belles photos de chefs d’Etat hilares que les quotidiens ont mis en une : Le G 20 a été un formidable succès, de nature à donner un choc de confiance aux marchés, et d’ailleurs les bourses ne s’y sont pas trompées en saluant les conclusion du sommet par des envolées brutales de tous les indices.

Comment eut-il pu d’ailleurs en être autrement ? On ne pouvait pas raisonnablement imaginer un échec en forme de remake de la conférence de Londres de 1933 qui aurait ajouté le désespoir à la dépression. Le G20 était avant tout une grande messe médiatique destinée à traiter la dimension psychologique de la crise. De ce point de vue, ses résultats réels importent moins que le fait que la réunion ait eu lieu et se soit conclue par un accord, aussi creux et aussi partiel soit-il.

En revanche, la portée historique de l’évènement est plus délicate à percevoir. On peut tout aussi bien y voir comme Nicolas Baverez l’avènement d’un « nouvel ordre mondial » caractérisé par une nouvelle mondialisation, désormais politique et multipolaire, ou comme Pierre Antoine Delhommais le triomphe de la mondialisation néolibérale qui annonce un nouveau monde qui sera la copie conforme de l’ancien, avec les mêmes fragilités et les mêmes travers.

Fondamentalement la question est de savoir si le rêve de Jacques Attali d’un gouvernement mondial qui pourrait équilibrer les forces du marché qui s’expriment désormais au niveau planétaire est en train de prendre forme ou si la mondialisation est par essence sauvage et non régulable. La conjonction de ces deux propositions contradictoires ouvre alors la voie à une troisième hypothèse : le début d’une déglobalisation du monde.

Un embryon de gouvernement mondial

L’ordre du jour de ce G 20 était incontestablement celui d’un gouvernement économique mondial. Les Américains voulaient accentuer les programmes de relance. Les Européens, moraliser le capitalisme et en finir avec les paradis fiscaux. Les Russes et les Chinois, jeter les bases d’une monnaie de réserve supranationale. Le FMI, augmenter ses moyens d’intervention et nettoyer les bilans des banques.

Même si aucun de ces objectifs n’a été pleinement atteint, plusieurs annonces laissent clairement entrevoir le début d’une gouvernance mondiale du capitalisme : création du conseil de stabilité financière, contrôle des hedge funds présentant un risque systémique, assouplissement des normes comptables, soutien au commerce mondial ect … Sans discuter le caractère suffisant ou approprié de ces mesures, constatons une intention claire de réguler collectivement le capitalisme mondialisé. Si cette tendance se confirmait, on pourrait alors envisager un traité mondial, une constitution économique chère à Paul Jorion, un conseil exécutif adossé à l’ONU et une assemblée représentant les peuples qui aurait la tutelle sur toutes les institutions multilatérales participant l’encadrement de l’économie mondiale : OMC, FMI, Banque mondiale, OIT...

L’hypothèse d’une gouvernance économique mondiale est pourtant une chimère. Les piètres résultats du G 20 au regard des ambitions initiaux attestent des limites de cet exercice.

L’impossible démocratie mondiale

La première des limites est inhérente à tous les systèmes démocratiques. Pour que des normes communes s’imposent à tous, il est nécessaire qu’un intérêt général puisse s’imposer sur les intérêts particuliers, ou pour le dire autrement, que les acteurs aient le sentiment d’appartenir à un même Tout, uni par des liens de solidarité naturels et intangibles. La démocratie qui est (était ?) possible au niveau des nations n’est pas aussi aisément transposable au niveau infra ou supra national, et a fortiori au niveau planétaire.

Les intérêts des grandes puissances ne sont pas naturellement pas ceux que recommande la viabilité du système économique global. Les Chinois ont un intérêt immédiat à continuer à concentrer l’essentiel de l’appareil productif mondial pour exporter toujours plus, quitte à financer le déficit commercial des Etats-Unis. Les Américains ont intérêt à consommer plus qu’ils ne produisent et à drainer l’essentiel de l’épargne mondiale. Et pourtant, il est évident qu’un système qui produit de tels déséquilibres croissants n’est pas tenable sur le long terme…

La somme des intérêts particuliers de court terme est souvent contraire à l’intérêt général à long terme. L’exemple serait encore plus frappant avec la perspective de l’épuisement des ressources fossiles et la problématique du réchauffement climatique. Tous ont intérêt à consommer toujours plus quand l’intérêt général commanderait de se montrer enfin économe.

Un système post-politique par essence sauvage

La deuxième limite est inhérente à la logique du système économique lui-même. La mondialisation n’est pas, contrairement à ce ses dévots prétendent, un fait naturel et historique qui résulterait d’une évolution des techniques, de la disparition des régimes communistes ou d’un pas avant dans la progression de l’Humanité vers une conscience planétaire.

La mondialisation est une construction politique fondée sur une idéologie concurrentialiste proche du darwinisme. Elle a été créée par les acteurs planétaires dans leur propre intérêt : les entreprises multinationales et les élites mondialisées, parmi lesquels figurent naturellement les dirigeants politiques actuels. Ceux-ci trouvent très valorisant de se battre à la plus grande des échelles, et tout naturel de retirer tout le profit possible de leur domination, interprétée comme un signe de mérite et de leur compétence. Le système est conçu pour maximiser les profits des gagnants dans la grande compétition planétaire. J’ajouterai pour faire plaisir à ceux qui croient encore aux principes libéraux classiques tout en éliminant toute notion risque et de responsabilité en cas d’échec.

Il est donc parfaitement logique que la mondialisation aille de pair avec les paradis fiscaux, la concurrence fiscale qui minimise l’imposition sur les plus riches, les rémunérations extravagantes des leaders mondiaux, des formes de travail qui confinent à l’esclavage moderne à force de compression des coûts, des zones de production qui se transforment en poubelles planétaires… Toutes les règles qui pourraient avoir pour effet de réduire les profits potentiels des acteurs dominants sont contraires aux principes mêmes de la mondialisation

Pour rechercher cette optimisation des profits, la mondialisation s’est attachée à désarmer les Etats en les mettant en concurrence les uns avec les autres dans un système où gagnant est toujours le plus laxiste. La mondialisation est une construction clairement post-politique dans le sens où elle a voulu échapper au politique. Elle a progressé à chaque fois que les Etats ont libéralisé, dérégulé ou encouragé la circulation des hommes, des capitaux et des entreprises au niveau mondial. La mondialisation qui a prospéré sur l’absence de normes au niveau étatique ne va pas spontanément se soumettre à des normes au niveau mondial. Si le système appelle aujourd’hui un besoin de normes, on verra très vite que ces normes auront plus de chances d’être édictées sur les anciens espaces étatiques de souveraineté ou sur de nouveaux espaces continentaux intégrés.

Vers la « déglobalisation »

Tous les commentateurs ont souligné que le fait majeur du G 20 était qu’il est eu lieu. Tous ont également souligné la modestie, presque l’humilité, de l’administration américaine. C’en est définitivement fini de l’unilatéralisme et de l’impérialisme américain. Et tous s’en sont réjouis. Vive la mondialisation multipolaire et démocratique ! L’idée d’une mondialisation multipolaire est séduisante. On comprend très bien les cris de joie de Nicolas Baverez. Le Dieu américain est mort, mais reste sa créature.

Il y a cependant une contradiction entre ces deux termes, presque imperceptible avec le vocable français qui renvoie à l’idée d’interconnexion des cultures et des civilisations, plus évidente avec le terme anglo-saxon de globalisation qui renvoie à l’idée de l’adoption d’un seul et même système politique, économique, idéologique et culturel par toute la planète.

La globalisation c’est le triomphe d’un système sur tous les autres. Cette notion est indissociable de l’idée de domination et d’’impérialisme. Elle suppose l’idée d’un centre, un centre financier (Wall Street et la City), un centre politique (Washington), un centre culturel (Hollywood), quelques pôles productifs archi-spécialisés (la Chine côtière pour l’industrie manufacturière, la Japon pour le High tech, l’Allemagne pour les machines-outils, la Russie pour le Gaz, le Moyen-Orient pour le pétrole… La globalisation pousse à la concentration et à la spécialisation. Elle est rigoureusement incompatible avec l’idée d’égalité des droits et des légitimités. Le mot d’ordre de la globalisation c’est « the winner take all ». En aucun cas, « un homme, une voix » Elle fonctionne sur le mode du rapport de force où la loi du plus puissant s’impose par l’évidence de sa domination. Non pas par le compromis fondé sur la délibération et la raison.

De ce point de vue, l’émergence au niveau mondial d’une gouvernance, plus ou moins démocratique, est incompatible avec son principe darwinien. Que se passera t-il lorsque des intérêts divergents mais néanmoins tous légitimes, s’exprimeront avec une voix forte dans ces sommets mondiaux ? Lorsque la Chine et de la Russie demanderont vraiment d’en finir avec le dollar comme seule et unique monnaie de réserve. Lorsque l’Europe voudra vraiment en finir avec le primat de la spéculation ou les paradis fiscaux. Lorsque la dépression globale fera apparaître la nécessité de soutenir son propre marché intérieur ?

La mondialisation se fragmentera en différents ensemble continentaux où les nouvelles puissances définiront souverainement les règles applicables à leur marché intérieur. Ca en sera fini du terrain de jeu mondial, de la totale liberté de circulation des capitaux, des marchandises et des entreprises et de la domination des forces du marché sur le pouvoir politique. Il y aura toujours des échanges entre ces grandes zones continentales et un besoin de normes pour les organiser. On sera donc toujours dans un système mondialisé mais ce ne sera plus la mondialisation.

Marianne2 - 07 Avril 2009

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