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07/04/2009

Contre la solidarité transformée en délit, 80 manifestations mercredi

Photo Catherine Gégout/phototheque.org

Un collectif d’associations dont Emmaüs, la Cimade, le Secours catholique et France Terre d’asile appellent à des rassemblements dans 80 villes de France pour demander la suppression du "délit de solidarité" avec les sans-papiers.

Dans l’Humanité de mercredi, quatre d’entre elles, médecin, avocat, ou bénévoles prennent le risque de témoigner à découvert.

Cette mobilisation se traduira à Paris par un rassemblement à la mi-journée place St Michel (5ème), à proximité du Palais de justice.

Pour Nathalie Ferré, membre du bureau du Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) et enseignante-chercheuse en droit privé, « l’aide au séjour irrégulier des étrangers » est utilisée aujourd’hui « pour inquiéter les associations ».

Comme dans le film de Philippe Lioret, Welcome, un homme peut-il être mis en examen pour avoir logé un sans-papiers ?

Nathalie Ferré. Oui, cette histoire est très crédible. Généralement, l’affaire s’arrête après l’interpellation et la mise en garde à vue. Il est rare que la justice aille jusqu’au bout du processus de condamnation. Quand l’affaire va jusqu’au pénal, le plus souvent, le juge reconnaît la condamnation mais dispense de peine. La justice ne veut pas perdre la face : elle considère que le délit est constitué mais qu’il n’est pas utile que cette condamnation s’accompagne de sanctions pénales. Mais, outre ce délit d’aide au séjour L. 622-1 du CESEDA (Code d’entrée et de séjour des étrangers et droit d’asile - NDLR), il y a plein d’autres infractions dans le Code pénal sur la base desquels les personnes solidaires sont inquiétées et condamnées : entrave à la circulation des aéronefs, rébellion, outrage à agent…

Que reprochez-vous à l’article L. 622-1 du CESEDA ?

Nathalie Ferré. Ses éléments constitutifs sont très peu exigeants. En 1945, l’esprit de la loi était de mettre à l’abri les humanitaires. Mais, depuis le milieu des années 1990 et le durcissement de la politique d’immigration, ce délit est sorti des tiroirs pour inquiéter les associations. Même les conjoints, normalement protégés, sont parfois poursuivis à l’occasion de leur projet de mariage. Quelle que soit la façon dont on encadre ce délit, il y aura toujours des dérapages. Notre position est de l’abroger entièrement plutôt que de bricoler autour.

Pourtant le ministre de l’Immigration Éric Besson affirme qu’il en a besoin pour lutter contre les passeurs…

Nathalie Ferré. Des outils existent déjà dans le Code pénal qui permettent de poursuivre et de condamner ceux qui font véritablement commerce de la misère humaine. Des distinctions méritent, du reste, d’être faites sur les passeurs. Si le ministre veut poursuivre ceux qui ont un comportement hautement répréhensible (traite, exploitation, proxénétisme), il peut, par exemple, utiliser l’article 225-1 du Code pénal qui punit la traite des êtres humains de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende. Ensuite, il y a ceux qui organisent des passages pour payer leur propre passage. Peut-être que si les réfugiés pouvaient demander l’asile où ils veulent, ce phénomène n’existerait pas. Ces réfugiés érythréens ou irakiens n’ont pas fui leur pays pour des raisons de confort. Est-ce vraiment répréhensible d’aider quelqu’un à fuir les persécutions ? Même contre une rétribution somme toute proportionnelle à la prise de risque ? Une réflexion pourrait être menée sur ces comportements.

D’après la loi de finances 2009, il existe des quotas d’arrestations des « aidants ». Avez-vous ressenti une pression particulière des forces de l’ordre ?

Nathalie Ferré. Déjà, je remarque que le gouvernement ne dit pas qu’il doit arrêter 5 500 passeurs, mais 5 500 « aidants », ce qui nourrit volontairement une certaine confusion. Car ce terme d’« aidant » n’est pas une notion juridique ; il est associé à un malade ou une famille pour désigner ceux qui accompagnent, entourent, soutiennent… Cela signifie bien qu’on peut poursuivre des personnes qui agissent dans un but humanitaire. D’autre part, il s’agit d’objectifs chiffrés d’arrestations, pas de poursuites. L’objectif est clair : il faut montrer que la police fait son travail.

Vous êtes pour l’abrogation totale de l’article L. 622-1, pourtant vous soutenez les propositions de loi qui proposent son aménagement…

Nathalie Ferré. La proposition de loi socialiste n’abroge pas tout le dispositif juridique. Elle vise à supprimer le délit de solidarité en ajoutant comme élément constitutif à l’infraction « à titre onéreux ». Une pétition des associations soutient cette proposition, qui constitue un moindre mal. Si l’aspect lucratif est ajouté, il est vrai que les associations, les militants, les bénévoles ne seront plus condamnés. Ça ne signifie pas qu’ils seront à l’abri des interpellations…

Y a-t-il des chances que cette proposition de loi aboutisse ?

Nathalie Ferré. Nous surfons sur la vague Welcome. Si on agit de façon coordonnée, la proposition de loi et l’action devant les palais de justice, nous pourrons peut-être créer un courant favorable dans l’opinion publique pour que suffisamment de députés, notamment UMP, acceptent de voter cette proposition de loi. On nous répète depuis des années que ce délit sert à poursuivre les passeurs : pourquoi ne pas l’inscrire dans le texte ?

L'Humanité - 07.04.09

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