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07/03/2009

Soyons réalistes, demandons l’esclavage !

Sophie Hancart (26 février 2009) - Basta!

Adieu prétentions salariales et honorables conditions de travail, oubliés qualifications et diplômes. Sans même parler du désir (horreur !) d’exercer tel métier. Au nom de leur « employabilité » et du réalisme face à la crise, les chômeurs sont priés d’abandonner toutes leurs aspirations et envies en poussant la porte du nouveau Pôle emploi.

Avec la crise, les chômeurs sont plus « réalistes », tel est le sentiment de la directrice de la Maison de l’Emploi de Blois (Loir-et-Cher). Ses propos ont été rapportés par la Nouvelle République du Centre Ouest dans un article judicieusement intitulé « Doit-on tout accepter pour sortir du chômage ? » Malgré son explosion, certains secteurs continuent à recruter, qu’ils échappent miraculeusement à la crise ou qu’ils « manquent cruellement de main-d’œuvre ». Quelle que soit la conjoncture, ces derniers (bâtiment, restauration, centres d’appel...) connaissent un turn-over permanent exclusivement lié — on le rappelle — aux non moins cruelles conditions de travail qu’ils imposent à leurs salariés. Le fantasme des 200.000 ou 500.000 « offres non pourvues » vient d’ailleurs en partie de là, prêt à nous être resservi en toute occasion.

Mais cette bonne nouvelle masque, plus que jamais, la question centrale du salaire qui est bel et bien devenu « un gros mot », comme l’a affirmé Jean-Claude Mailly (FO) la semaine dernière au Grand journal de Canal+. Désormais, grâce au chômage de masse, la majorité des rémunérations proposées dépasse rarement le Smic, même pour des postes qualifiés, tant l’idéologie du « c’est toujours mieux que rien » triomphe, profitant ainsi au patronat.

Faut pas rêver !

Dans ce contexte, pour Sylvie Sanchez, nore directrice de la Maison de l’Emploi de Blois, renoncer à ses savoir-faire et prétentions salariales en acceptant un travail peu qualifié pour ne pas s’enliser dans le chômage — c’est-à-dire subir un déclassement afin de ne pas perdre en « employabilité » — est la solution : « C’est un tremplin. On n’est plus coincé à vie dans un métier et on peut parfaitement envisager une évolution de carrière ». Face à un marché de l’emploi inquiétant, les chômeurs s’adaptent de mieux en mieux, estime-t-elle : « Les demandeurs d’emploi sont plus réalistes. Ils sont souvent prêts à mettre leurs rêves de côté. Ils sont alors plus efficaces dans leurs recherches, c’est-à-dire qu’ils sont prêts à chercher là où il y a du travail ». D’où, certainement, l’idée du nouveau système de rapprochement des offres de Pôle Emploi qui incite à élargir sa recherche plus que de raison tandis que les employeurs, eux, durcissent toujours plus leurs critères de sélection.

En clair les chômeurs, résignés par la peur, mettent enfin leurs exigences et rangent leurs « rêves » au placard : mission accomplie ! Le pragmatisme économique est en train de l’emporter sur la dignité humaine, avec l’assentiment — hélas — des principaux intéressés.

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