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07/03/2009

Belgique - Dénoncer le capitalisme, ensemble !

Par Rédaction (5 mars 2009) - Basta!

Initiative originale pour un syndicat, la FGTB (Fédération générale du travail de Belgique), deuxième confédération belge, lance un appel à la construction « d’autres mondes possibles » dans le cadre d’une nouvelle campagne, « Le capitalisme nuit gravement à la santé ». Le syndicat appelle à la « convergence à gauche des expertises de chacun » - acteurs individuels, associatifs, syndicaux, publics – pour pallier l’absence de réponse de la gauche gouvernementale. Voici leur appel.

Voir le site de la campagne de la FGTB wallonne.

Une crise exprime le moment d’une rupture, le renversement d’un équilibre ou une période de souffrance. La planète et les sociétés qui la peuplent sont confrontées à une crise globale (financière, économique, sociale, énergétique, climatique, alimentaire, idéologique, morale…) dont les différentes facettes renvoient toutes au modèle de développement économique dominant : le capitalisme. Cette crise est l’occasion d’exiger le retour à une répartition équitable des richesses produites entre le capital et le travail. Depuis 30 ans, le premier s’est progressivement accaparé les fruits de la croissance aux dépens du second. Il est donc légitime de récupérer la part qui revient aux travailleurs. Le refinancement des salaires, de la protection sociale, des services publics, la réduction collective du temps de travail, … sont autant d’outils qui permettent d’enclencher ce partage équitable et durable.

Loin de générer le progrès social, le capitalisme exploite et épuise les êtres humains et leur environnement tout en se nourrissant des modèles de domination les plus archaïques : domination du capital sur le travail, du Nord sur le Sud, des hommes sur les femmes (qui, partout dans le monde, cumulent les oppressions économiques et sexistes)… reléguant au second plan tout objectif d’égalité et de démocratie. Jouir d’une vie digne et de l’exercice des droits et libertés fondamentaux devient un luxe réservé à la classe sociale qui en a les moyens. Le sens unique dans lequel nous poussent tous les libéraux est bel et bien une voie mortifère et sans issue… La soif de profits immédiats et la croyance aveugle en l’autorégulation du marché ont engendré cette crise. Le triomphe de l’idéologie libérale a lavé les cerveaux et un matraquage systémique a chevillé dans les têtes la conviction que toute alternative serait irréaliste et à discréditer. Pourtant, la mise en compétition d’appétits individuels n’a absolument pas œuvré, comme annoncé, à l’intérêt du plus grand nombre. Les politiques de libéralisation et de dérégulation opérées aux quatre coins du monde ont peu à peu confisqué les contrôles publics permettant une certaine stabilité en cas de crise. Ironie du sort, c’est pourtant l’Etat, et ce qu’il reste d’institutions publiques, que les libéraux appellent aujourd’hui au secours pour sauver les banques et socialiser les pertes. Institutions publiques que, hier encore, ils voulaient réduire, détruire ou privatiser sous prétexte qu’elles étaient « ringardes », « inefficaces », « d’un autre âge », « des freins au marché libre »…. Cette crise doit donc rendre toute sa légitimité au pouvoir public, contrôlé démocratiquement, en tant que seul garant possible du bien commun

Aujourd’hui, l’échec du capitalisme fait apparaître au grand jour ses gigantesques contradictions. Mais il ne fera pas surgir spontanément les alternatives. Le risque est grand de voir le système reprendre le chemin de la prochaine bulle financière qui provoquera une autre crise économique et sociale et un énième sauvetage du capitalisme par les Etats. Capitalisme qui pourra asseoir plus encore son hégémonie et, avec elle, l’injustice, la pauvreté, l’écrasement des plus faibles, l’exploitation du plus grand nombre.

Maintenant ou jamais !

La combinaison de la crise économique et de la crise climatique/énergétique donne à cette situation un caractère sans précédent. C’est un choix de civilisation qui est posé. Il s’agit de réduire radicalement notre consommation d’énergie tout en améliorant les conditions d’existence du plus grand nombre : donner à chacun un emploi, un revenu, un logement, une protection sociale de qualité, un bon enseignement, une alimentation saine, une retraite digne.

En l’absence d’une réponse radicale de la gauche gouvernementale, les acteurs individuels, associatifs, syndicaux, publics doivent se fédérer pour construire d’autres mondes possibles. L’affaiblissement du système nous offre une occasion à ne pas manquer. C’est maintenant qu’il faut, ensemble, « penser l’impensable [1] » et donner du poids à nos propositions qui, il y a peu, paraissaient utopiques. La reconquête des idées exige de l’audace, une volonté politique mais aussi un rapport de force… et donc une indispensable convergence à gauche des expertises de chacun.

Une transformation fondamentale du modèle de développement économique et social passe notamment par :

- 1. La réduction massive et collective du temps de travail sans perte de salaire, avec embauche compensatoire.
- 2. La mondialisation du travail décent.
- 3. Un rapport de force accru des travailleurs dans les organes de concertation (tant au niveau international que dans l’entreprise) ; la défense du droit de grève ; la revendication du contrôle ouvrier.
- 4. L’instauration d’une cotisation sociale généralisée qui fasse participer des revenus autres que ceux du travail à la couverture sociale.
- 5. La perception d’une fiscalité touchant l’ensemble des revenus mobiliers et patrimoniaux (notamment la levée du secret bancaire et l’établissement d’un cadastre des fortunes). - 6. La mise sur pied d’autres indicateurs que le PIB pour mesurer la création de richesses.
- 7. La nationalisation de certains secteurs stratégiques (comme l’énergie) qui permette un réel contrôle des prix pour les biens de première nécessité.
- 8. L’harmonisation sociale et fiscale européenne et la création d’un Eurogroupe formel doté de moyens budgétaires suffisants.
- 9. L’instauration d’une éco-fiscalité européenne, modulable en fonction de la consommation et/ou des revenus, qui finance l’économie d’énergie et qui n’accentue pas les inégalités sociales.
- 10. Le financement de médias publics d’information et d’investigation.
- 11. L’annulation inconditionnelle de la dette des pays du tiers-monde.
- 12. La « traçabilité » des flux financiers internationaux, afin de savoir qui fait quoi et pour quoi faire.
- 13. Le démantèlement des paradis fiscaux.
- 14. Le renforcement des règles prudentielles des banques et le passage à un système de régulation publique des institutions financières privées.
- 15. La création d’un pôle bancaire public avec un organe de gestion et de contrôle qui évite les nominations de partis politiques.
- 16. Le retour à une spécialisation des banques et la séparation entre l’activité des banques et celle des compagnies d’assurance.
- 17. Le renforcement du pouvoir des conseils d’administration des banques.
- 18. La régulation de tous les opérateurs financiers (dont les hedge funds et autres véhicules spéciaux hors bilan), de tous les marchés (dont les marchés dérivés de gré à gré) et de tous les produits (dont les produits titrisés).
- 19. Le contrôle des publicités mensongères à propos des produits financiers, ce qui pose la question du rôle des organisations de consommateurs.
- 20. L’encadrement strict des rémunérations des dirigeants de firmes.
- 21. La création d’agences de notation indépendantes du système financier, aux pouvoirs limités.
- 22. La taxation des transactions financières internationales et la mise en œuvre d’un fonds de crise systémique et les politiques de développement durable.
- 23. La limitation de la rémunération des actionnaires (Slam [2]).

Des voies et moyens d’une reprise en main de l’économie et de la qualité de vie des femmes et des hommes existent. Derrière les échecs du capitalisme, au-delà des écrans de fumée du libéralisme, existent les horizons d’une autre organisation de la société fondée sur des valeurs plus justes, durables et solidaires.

Notes

[1] « Pendant les décennies keynésiennes, la droite libérale a pensé l’impensable et profité d’une grande crise pour l’imposer », Serge HALIMI in Le Monde Diplomatique, novembre 2008.

[2] Slam : shareholder limited authorized margin, marge actionnariale limite autorisée.

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