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07/03/2009

Grève à Lindsey (Grande-Bretagne) : la presse « jaune » à l’œuvre

Rob Sewell (Vice-président du Syndicat National des Journalistes)

Les syndicalistes britanniques sont habitués à l’hostilité des médias. Les travailleurs en grève sont constamment présentés comme des « preneurs d’otages » et des saboteurs de l’économie nationale. L’objectif de cette propagande est d’isoler et de démoraliser les grévistes. Les ouvriers du bâtiment travaillant sur le site de la raffinerie pétrolière de Lindsey ne pouvaient donc pas compter sur le soutien de la presse « jaune », dans leur lutte pour défendre leur convention collective et leurs conditions de travail. Mais cette fois-ci, les tabloïds à scandale et les chaînes de télévision sont descendus plus bas que jamais, dans la manipulation de l’opinion publique. En effet, ils ont sciemment cherché à présenter la grève comme ayant une connotation raciste, comme une lutte contre des travailleurs étrangers et pour la défense des emplois « britanniques ».

Lors des rassemblements et manifestations, des journalistes de cette presse jaune ont proposé des drapeaux britanniques aux grévistes. Ces journalistes sans scrupules étaient à l’affût de photos et de déclarations – réelles ou inventées – témoignant de l’hostilité des grévistes à l’égard des travailleurs étrangers qui auraient « volé des emplois britanniques ».

La grève, victorieuse, a arraché un accord portant sur les conditions de travail de tous les salariés, indépendamment de leur nationalité. Les revendications des grévistes visaient à empêcher la raffinerie de travailler avec des sous-traitants qui refusent de payer les salariés au même tarif que les autres travailleurs. Cette démarche n’avait strictement rien de raciste. Elle visait simplement à empêcher les employeurs de jouer les travailleurs les uns contre les autres, pour remettre en cause la convention collective.

Sur internet, on peut trouver des exemples de la façon dont la télévision, y compris la BBC, a monté des interviews tronquées de travailleurs, de façon à déformer le sens de ce qu’ils disaient. L’un de ces reportages [1] est passé au journal télévisé News at Ten. Il montre un travailleur qui semble dire qu’il ne veut pas travailler à côté de travailleurs portugais ou italiens. Cependant, dans la version non-tronquée de cette même interview, diffusée sur Newsnight, il est évident que le travailleur explique qu’il ne peut pas travailler avec eux du fait de la politique de ségrégation pratiquée dans l’entreprise italienne chargée de la construction de nouvelles installations sur le site de la raffinerie.

Le rôle des médias était calculé pour diviser les travailleurs. Le journal The Sun, comme le Daily Star, a publié des affiches clamant : « British Jobs for British Workers » – « des emplois britanniques pour des travailleurs britanniques ». Sur la manifestation et le piquet de grève d’un autre site, celui de l’Ile de Grain, un journaliste a sorti des affiches de ce genre de sa poche, et a demandé aux grévistes de les brandir, pour une photo.

Un photographe italien, présent au rassemblement devant le siège du syndicat UNITE (2 millions d’adhérents), a adopté une stratégie similaire. Il a apporté un drapeau britannique – l’Union Jack – et a cherché à convaincre un travailleur de se laisser photographier en le brandissant. La photo devait alors paraître en Italie pour « prouver » aux travailleurs italiens qu’ils étaient l’objet de ressentiment raciste, de la part des grévistes britanniques. Heureusement, flairant la manœuvre, les délégués syndicaux sont intervenus pour l’empêcher. Un travailleur témoin de la scène a bien résumé le véritable état d’esprit des manifestants : « J’ai plus de choses en commun avec un travailleur en Lettonie, en Pologne ou en Italie qu’avec n’importe quel patron britannique ». Il n’y avait pas un seul drapeau national sur la manifestation des salariés de l’Isle of Grain, ni une seule affiche évoquant des « emplois britanniques ». Les bannières étaient celles des syndicats, et les mots d’ordre étaient pour l’unité – une unité de classe, indépendamment de la nationalité.

Les délégués syndicaux ont refusé de s’associer à la campagne raciste de la presse jaune. Mais scandaleusement, le Secrétaire Général du syndicat UNITE, Derek Simpson, a accepté de poser dans le Daily Star entouré de deux jeunes femmes portant des T-Shirts à l’effigie du journal et tenant à la main des affiches : « British jobs for British workers » (photo). Le même jour, des photographes du Daily Star et les femmes en question étaient allés sur le piquet de grève. Mais les grévistes leur ont fait comprendre qu’ils n’étaient pas les bienvenus.

La Riposte - 01.03.09

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