Laurent Mucchielli
Dans les quartiers populaires, la prévention spécialisée se trouve aujourd’hui prise entre le marteau (de l’idéologie moralo-sécuritaire et des politiques répressives qui en découlent) et l’enclume (de l’exclusion et de ses conséquences, notamment en termes de délinquances juvéniles). La situation de beaucoup de familles dans les quartiers populaires (a fortiori dans les zones urbaines sensibles) est de plus en plus difficile tant sur le plan matériel (la précarité, l’isolement) que psychologique (le sentiment de chute sociale, l’angoisse de l’avenir, l’impuissance et le fatalisme). Les besoins d’aide éducative, d’écoute, de soutien et d’accompagnement face aux dispositifs institutionnels sont très grands. Les jeunes en ont besoin et, bien souvent, leurs parents en auraient besoin aussi. Face à cette situation, la prévention spécialisée est exsangue. Les éducateurs demeurent numériquement très peu nombreux, sur le terrain ils évitent souvent une partie des publics (les plus difficiles) qui aurait pourtant besoin d’eux, ils reçoivent « d’en haut » des consignes de plus en plus strictes (sur l’âge du public que leur action doit viser, sur des thèmes prioritaires d’action) qui orientent leur travail vers la prévention de la délinquance, ils se sentent menacés dans leur identité professionnelle et dans leur déontologie par les nouvelles politiques de sécurité, et souvent surveillés par des procédures d’évaluation et des comptabilités de plus en plus tatillonnes. La société française a pourtant plus que jamais besoin de la prévention spécialisée, dans des conditions générales que l’on essayera de clarifier. - Texte
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