Le recul de l’âge minimum de départ à la retraite (voir encadré) de 60 à 62 ans va principalement concerner ceux qui ont commencé à travailler tôt – parfois à 16 ou 17 ans – et qui sont, pour la plupart, peu qualifiés. À 60 ans, ces salariés sont, soit encore en emploi, soit au chômage. Soit ils ont "sur-cotisé" à l’assurance vieillesse puisqu’ils disposent largement de la durée de cotisation requise pour le taux plein. Soit, sans emploi, ils n’ont que de très faibles opportunités de retrouver un travail. Dans les deux cas, il semble particulièrement injuste de repousser l’âge auquel ils pourraient prendre leur retraite.
De même, le recul de l’âge du taux plein (voir encadré) de 65 à 67 ans va concerner majoritairement des femmes peu qualifiées qui se sont engagées très jeunes dans la vie active, qui ont interrompu leur carrière pour s’occuper de leurs enfants et qui attendent l’âge du taux plein pour faire valoir leurs droits à la retraite. Ce taux plein ne leur permet cependant pas d’obtenir des pensions mirobolantes. « Taux plein » ne signifie pas « pension maximale » : ces dernières restent calculées en fonction de la durée de cotisation.
Relever ces deux âges légaux est encore plus injuste quand on prend en considération que cette réforme concerne des salariés dont la durée de vie est en général, du fait de leurs conditions de travail, plus faible que la moyenne.
La Caisse nationale d’assurance vieillesse a cherché à mieux connaître la situation de ses cotisants l’année qui précède leur départ à la retraite. En 2006, 57 % des hommes et 42 % des femmes ont pu valider au moins un trimestre de cotisation au titre d’une activité ; 34 % des hommes et 31 % des femmes ont pu valider au moins un trimestre à un autre titre (chômage, invalidité, maladie…). Mais 19 % des hommes et 36 % des femmes ne valident aucun trimestre pour la retraite. On voit ainsi grossir une population âgée, exclue de l’emploi et frappée, à des degrés variés, par la pauvreté. Près d’un homme sur cinq serait dans cette situation, bénéficiant du soutien de son conjoint, de sa famille ou d’un minimum social comme le RSA. Le recul de deux ans des deux âges légaux de 60 à 62 ans et de 65 à 67 ans va participer, à côté de la crise économique, au développement d’une nouvelle figure de l’exclusion économique et sociale : celle des seniors en fin de droits maintenus dans la pauvreté par incapacité d’obtenir la liquidation de leur retraite.
Ceux qui partent aujourd’hui à la retraite ont commencé à travailler, pour la plupart, à l’âge de 18 ans : c’est environ à cet âge que la génération née en 1950 finissait ses études. Ceux qui partiront à la retraite dans quinze ans ont commencé à travailler, pour la plupart, à l’âge de 20 ans avec le mouvement d’allongement des études et les difficultés d’insertion professionnelle des jeunes à partir de 1980. Si la durée requise de cotisation passe à 42 ans, ils n’obtiendront donc le taux plein qu’à l’âge de 62 ans (20+42). L’âge de départ à la retraite est ainsi appelé, nécessairement, à fortement reculer. Il est inutile de recourir à cette mesure particulièrement contestable que constituerait le relèvement de l’âge minimum de 60 à 62 ans. Ainsi par exemple, si l’on ne modifiait pas cet âge minimum, ceux qui ont commencé à travailler avant 18 ans, souvent dans des métiers pénibles, pourraient continuer à partir à 60 ans.
Le déficit des retraites tient principalement à trois raisons : l’allongement de l’espérance de vie (les pensions sont versées plus longtemps), le passage à la retraite des classes pleines de baby-boomers (les pensions sont versées à davantage de personnes) et la crise économique (les cotisations manquent). Ce n’est pas aux seuls actifs d’aujourd’hui de supporter la charge financière induite par les deux dernières raisons. Le gouvernement est en passe de rendre le système excessivement injuste ; la cohésion entre les générations sur laquelle repose la répartition pourrait en être affaiblie. Il convient bien d’élargir, tant que persiste le déséquilibre démographique engendré par le baby-boom, le financement des retraites. Pour cela, il n’est pas illégitime de demander aux plus grosses retraites d’aujourd’hui de prendre une part du fardeau.
Au total, la réforme des retraites proposée par le gouvernement est profondément injuste pour les Français qui ont commencé à travailler tôt à la fin des années soixante ou au début des années soixante-dix. Le relèvement des âges légaux de départ ne s’impose en rien.
François Legendre, professeur d’économie à l’université Paris-Est Créteil. Voir sa page personnelle.
Ce texte est adapté d’un article paru sur le site www.lemonde.fr.
Comment fonctionne le système de retraite ? |
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La pension de retraite est calculée en fonction de deux paramètres : un taux appliqué à votre salaire annuel moyen et une durée de cotisation. Pour le secteur privé et dans un cas général par exemple, la pension maximale de base vaut 50 % (le taux plein) du salaire annuel moyen des 25 meilleures années. Aujourd’hui, vous avez le droit de partir à la retraite à 60 ans, c’est l’âge légal. Si vous avez cotisé 40 ans (on compte en trimestres, soit 160), vous touchez alors votre retraite à taux plein. Si vous n’avez pas cotisé assez longtemps, alors votre taux sera réduit. A 65 ans, quelle que soit votre durée de cotisation, votre retraite vous sera versée à taux plein. Mais elle reste proportionnelle à votre durée de cotisation. En simplifiant, une personne ayant cotisé 10 ans de 55 à 65 ans touchera un quart (10 ans / 40 ans) d’une retraite à taux plein (50 % de son salaire annuel moyen). |
Voir aussi notre article : Les inégalités face aux retraites.
http://www.inegalites.fr/spip.php?article1317
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