Six mois après la mise en place de l'agence mixte, un employé sur sept du Pôle emploi d'Argenteuil est soit arrêté pour dépression, soit consommateur régulier d'anxiolytiques ou antidépresseurs, rapporte Christophe Ribeiro, leur élu au comité d'hygiène. Pourquoi ?
« La précipitation de la fusion », il y a six mois
Le 21 janvier, ils étaient 70 à entrer dans leurs locaux. Mais dix ne venaient pas pour travailler. Ils « en avaient marre », répondaient à l'appel national des syndicats de la fonction publique et faisaient la grève en occupant les locaux. Rejoints par le double d'employés d'autres Pôles emploi d'Ile-de-France, ils étaient néanmoins peu nombreux. Eparpillés entre les trois files d'usagers du hall de l'agence, drapeaux au bras, tracts à la main, ces salariés expliquaient ce qui n'allait pas :
« Cette fusion ANPE-Assedic est un échec total. La direction communique en disant que tout va bien mais c'est faux, on ne s'en sort plus ici. On déprime. »
Sylvie, élue au comité d'entreprise, en grève aujourd'hui, dit « qu'elle va mal ». Elle travaillait depuis 5 ans à l'ANPE et l'été dernier, elle a assisté à la transition pour le Pôle emploi actuel :
« Avant, à l'ANPE, certaines choses n'allaient pas. Mais aujourd'hui, rien ne va : au quotidien, c'est pas soutenable.
Notre site est mixte, ce qui veut dire que l'on doit être compétent sur les dossiers indemnisations et les dossiers placement des chômeurs. Très bien, mais a t-on été formé pour ça ? Moi, j'ai eu trois jours de formation il y a cinq mois. C'est insuffisant. »
Laurent Chevalier, délégué syndical Ile-de-France, dit que lui, « comme beaucoup d'autres », n'a toujours pas eu la formation promise, et poursuit :
« La précipitation de cette fusion donne lieu à des situations humaines catastrophiques. On est passé très rapidement d'un collectif de travail habité par l'esprit de service public à un fonctionnement qui privilégie la quantité sur la qualité.
Et au jour le jour, on est coincé entre une direction qui nous met devant le fait accompli et des usagers qui, souvent à raison, s'énervent contre nous. »
« Pas de moyens matériels ni humains »
La fusion des services de l'ANPE et des Assedic a impliqué une réorganisation des procédures. La surcharge de travail à Argenteuil a, explique t-on, joué en la défaveur de certains services. Jean-Michel, conseiller placement depuis 2007, « polyvalent » depuis l'été, rapporte :
« Nous n'avons plus assez de personnel ni de temps pour la recherche des offres d'emplois. Avant, c'était quelque chose que nous assurions. Aujourd'hui, on ne reçoit même plus les offres du Parisien, parce qu'ils ont coupé le budget presse. »
In situ, qu'est-ce qui coince ? Il montre un des trois guichets du doigt :
« Ce guichet est potiche parce que son ordinateur a le logiciel de l'ancienne ANPE, alors que les deux autres guichets sont sur nouveaux logiciels. Plusieurs fois par jour, les usagers qui ne voient personne derrière cette borne inutile se mettent en colère.
Nous n'y pouvons rien, l'administration ne fait rien et ça fait des mois. Sur nous, c'est donc beaucoup de pression, on nous demande l'impossible. »
Sylvie, la trentaine et employée depuis trois ans, vient appuyer son collègue :
« Pareil : ces téléphones ont été installés il y a deux mois. Ils devaient servir aux usagers pour qu'ils appellent gratuitement les employeurs, ce qui est le minimum de service qu'on devrait pouvoir leur offrir. Sauf qu'il y a les postes, oui, mais pas de ligne téléphonique ! »
Pendant ce temps, les usagers défilent : selon la borne qui les enregistre à leur arrivée, ils étaient 2 600 la semaine précédente. Selon une guichetière :
« On nous dit qu'on doit voir au maximum 60 personnes par jour en agence. On en reçoit plutôt 500. »
Pour les employés qui témoignent, le mode de supervision est difficilement supportable et la communication avec le personnel de direction compliquée. Jean-Michel prend un exemple :
« Quand on travaille sur la plateforme téléphonique, maintenant si on quitte l'ordinateur pendant un certain temps -et parfois pour travailler-, une fenêtre de tchat apparaît et un superviseur qui se trouve à Rosny nous signale que notre temps de pause est dépassé.
On ne peut pas travailler pas dans cette ambiance fliquée, ce n'est tout simplement pas dans notre culture de travail. »
Le témoignage des employés… face à une direction silencieuse
Quand on demande comment la direction réagit avec les employés face à ces dysfonctionnements, Sylvie nous invite à écouter « un très bon exemple » :
« On était en face du téléphone sans ligne et je demande à une personne de la direction pourquoi ce téléphone est là, s'il ne marche pas. Elle m'a répondu : “Je crois que jamais l'intention n'a été qu'il fonctionne.”
Entre les usagers, les guichetiers debout affairés à faire des allers-retours entre les bornes et cette fraction du personnel en grève, le directeur adjoint déambule en silence. “Monsieur, pouvez-vous commenter cette grève dans votre agence ? ” :
“J'ai une consigne de la direction régionale : je n'ai pas le droit de m'exprimer. Vous pouvez les joindre par téléphone.”
Jointe par téléphone, cette même direction régionale reçoit notre appel, prend nos questions mais “nous rappellera pour les réponses”. Après deux jours de relances, on nous invite à renouveler notre appel “dans la semaine à venir”. Nous n'aurons donc pas pour aujourd'hui la version officielle d'une direction dont un employé d'Argenteuil disait jeudi :
“De toute façon, maintenant qu'on est devenu Pôle emploi, tout le personnel en haut a changé et avec la direction, ce n'est que de l'information descendante.”
http://www.rue89.com/2010/01/23/deprime-et-dysfonctionnements-a-pole-emploi-135010
Sem comentários:
Enviar um comentário