Dans son discours sur la fin des missions de combat en Irak, Obama a bel et bien confirmé l’importance du pouvoir impérial armé. Les néo-conservateurs applaudissent.
Un président des États-Unis qui réquisitionne toutes les chaînes de télévision pour s’adresser à la nation, c’est censé être pour une occasion importante : Barack Obama l’a fait le soir du 31 août en prime time, pour la deuxième fois seulement de son mandat.
Mais le discours sur la fin des missions de combat en Irak a fait un flop - sauf chez les faucons néoconservateurs, qui l’ont couvert de louanges.
Selon l’important ténor des néoconservateurs John Podhoretz, chef éditorialiste au New York Post du baron de presse Rupert Murdoch, le discours présidentiel a incarné "un défi nationaliste au monde" quand Obama a dit que l’événement "devait faire passer au monde le message que les États-Unis ont l’intention de maintenir et renforcer [leur] leadership dans ce jeune siècle". Encore "plus frappant", écrivait Podhoretz dans sa chronique titrée Barack le néo-con, "est le fait qu’Obama a présenté l’engagement américain en Irak comme un exemple de ce que l’Amérique peut faire quand elle le veut" car le président a affirmé que "cette étape doit servir à rappeler aux Américains que nous avons à déterminer l’avenir". Pour Podhoretz, Obama "ressemblait à Bush" quand il a semblé bénir la guerre en Irak en déclarant qu’avec elle l’Amérique avait "assumé ses responsabilités".
Même son de cloche chez William Kristol, rédacteur-en-chef de la Bible des néoconservateurs, le Weekly Standard, qui a écrit que le discours d’Obama était "louable", particulièrement quand le président a proclamé sur un ton guerrier que "nos soldats sont l’acier dans le navire de l’État… Ils nous donnent confiance dans la justesse de notre chemin, et qu’au-delà de la nuit qui précède l’aube, des jours meilleurs sont devant nous". Une "déclaration pas mauvaise sur l’importance et la nécessité d’un pouvoir fort", conclut Kristol.
Autrement dit, Obama a bel et bien confirmé l’importance du pouvoir impérial armé. C’est dire si la gauche a été très déçue par le discours présidentiel. Car quand Obama a fait l’éloge "d’une ligne de héros ininterrompue de Khe Sanh à Kandahar", cette référence à la fameuse base militaire américaine au Vietnam Sud a fait froid dans le dos, comme un parallèle avec cette autre guerre interminable voici quatre décennies. Dans son discours depuis le Bureau Ovale, Obama a ainsi proclamé que toute guerre américaine, aussi mensongère ou horrible soit-elle, est digne de vénération.
Et comme l’a si bien écrit le centriste iconoclaste Roger Simon, le chroniqueur vedette du magazine Politico (le must de la classe politique washingtonienne), Obama "a parlé pendant 18 minutes mais a évité de poser, et d’autant moins y répondre, les questions essentielles sur la guerre en Irak : est-ce qu’elle a donné à l’Amérique plus de sécurité ? En valait-elle la peine ?" La réponse est bien sûr "non" à ces deux questions.
Obama n’a pas eu un seul mot pour les civils irakiens, au moins 650.000 et peut-être même plus d’un million morts a cause de la guerre. Il n’a pas eu une pensée pour les plus de quatre millions d’Irakiens chassés de chez eux par la guerre et qui croupissent dans la misère dans des pays voisins, sans papiers, sans pouvoir travailler, et sans pouvoir retourner dans leurs maisons détruites ou par peur des violences sectaires des intégristes. Obama a passé sous silence les souffrances de ces victimes d’une guerre illégale contre un pays qui ne nous a rien fait de mal. Au lieu de quoi, le président a souligné qu’il fallait "tourner la page" sur cette guerre. Parce qu’il n’ose pas regarder ce qui est écrit sur cette page !
Par contre, Obama n’a eu de cesse dans son discours de couvrir nos soldats d’éloges. Mais, comme l’a écrit le chroniqueur centriste du Washington Post Roger Cohen, "L’amour de nos troupes est devenu le trope abrutissant de notre temps. Il écrase la pensée et la raison. Et si nos troupes méritent d’être soutenues, la meilleure manière de les soutenir est sûrement d’assurer qu’elles sont utilisés avec sagesse. Ce n’était pas le cas en Irak, et mardi le président n’a pas convaincu que c’est le cas aujourd’hui en Afghanistan. C’était un mauvais discours, et le mieux qu’on puisse dire c’est qu’il ressemble à la guerre en Irak : il n’aurait pas dû être entrepris". Bien vu.
La magie du verbe évaporée
A noter aussi que les téléspectateurs désertent de plus en plus leur président quand il parle. Ce discours d’Obama sur l’Irak n’a été regardé que par 29,2 millions d’entre eux, selon Nielsen Media Research, l’Audimat américain. Comparez ce chiffre au nombre de téléspectateurs qui ont regardé en juin son discours sur la fuite de pétrole de BP dans le Golfe du Mexique (32,1 millions), son discours sur Afghanistan en décembre dernier (40,8 millions), ou son discours au début de l’année sur le "State of the Union" (48 millions).
Le déclin est constant et le verdict des téléspectateurs est sévère : la magie du verbe d’Obama s’est évaporée, car il ne parle pas de leurs préoccupations honnêtement mais avec un blabla politicien creux. Ils ont voté avec leurs télécommandes. C’est pourquoi les membres de la Chambre des Représentants démocrates, pour la plupart, ne veulent pas être vus à côté de leur président, de plus en plus impopulaire, avant les élections législatives de novembre, où l’on s’attend à une défaite annoncée pour leur parti. Le camouflet pour le président sera énorme.
http://www.bakchich.info/Obama-enchante-les-faucons-neo,11774.html
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