À procura de textos e pretextos, e dos seus contextos.

09/09/2010

« Pas là pour ça ! » - Retour sur une manifestation contre le r

Leila Belkacem

Faisant partie du Collectif Générations spontanées, luttant contre le racisme et l’islamophobie, je pensais qu’on aurait notre place dans la manifestation organisée par la Ligue des Droits Humains contre la politique du pilori et la xénophobie, ce samedi 4 septembre. J’aurais dû être ravie de voir autant d’organisations, d’associations, de syndicats et de partis participer à cette manifestation qui coïncidait avec le 140ème anniversaire de la République dont les maîtres mots sont égalité, fraternité et liberté. Voir des centaines de gens unis pour crier non au racisme, à l’exclusion et à la stigmatisation de certaines communautés était assez rassérénant. Mais lorsqu’un membre de notre collectif a pris la parole pour dire non à l’islamophobie et aux lois d’exclusion qui touchent les musulman-e-s, de nombreuses personnes ont instantanément réagi pour dire qu’elles n’étaient « pas là pour ça »

Effectivement, ces personnes étaient là pour défendre les Roms, les « gens du voyage », les immigrés, les enfants d’immigrés… mais pas les musulmanes. C’est à se demander où est leur place dans cette société française. De fait, l’acharnement permanent contre les filles voilées, et plus récemment contre les femmes porteuses du voile intégral, ne fait bouger personne, même si beaucoup comprennent qu’il s’agit, à chaque fois, d’une diversion du gouvernement. Point de rassemblement, point de manifestation, point de pétition pour ces voilées soumises qui la valent bien, cette indifférence générale. Parler de la loi Stasi et de la prochaine loi contre le voile intégral dans une manifestation contre le racisme et la xénophobie semblait incongru, alors qu’il s’agit bel et bien de lois d’exclusion [1].

S’entendre dire qu’on n’est « pas là pour ça », qu’il s’agit d’un « autre débat », est assez étourdissant. Apparemment, il y aurait des gens à défendre et d’autres pas... Du coup, on peut se demander s’il n’ y aurait pas une certaine xénophobie à la française – comme il existe une laïcité à la française ? – à laquelle l’islamophobie n’appartiendrait pas.

Autre remarque sur notre intervention : le fait que ce soit un homme qui ait pris la parole au milieu de femmes voilées. Il nous a valu, comme de bien entendu, l’éternel argument fallacieux de la femme soumise à l’homme. Mais pour info, la prise de parole à la fin de la manifestation a aussi été faite par un homme, sans que cela ne dérange personne !

Autre remarque : une dame nous a appelé au respect de la sacro-sainte laïcité, en disant qu’elle était athée, que c’était son choix et qu’elle ne porterait pas le voile. Étrange réaction : qui a jamais insinué qu’on obligeait les femmes à porter le voile ?

Mais le « meilleur » était à venir : durant le déplacement vers la préfecture une femme nous a demandé de ne pas passer devant elle car il lui était impossible de « suivre » une femme voilée brandissant une banderole portant l’inscription « Non à l’islamophobie ». Participer à une manifestation luttant contre la xénophobie et le racisme et les subir au même moment : l’expérience est plutôt déstabilisante !

Cette gentille dame nous a dit texto qu’elle ne pouvait suivre des femmes portant un signe de soumission ! Mais si les femmes voilées étaient si soumises, ma chère dame, elles ne seraient pas là pour protester mais sagement cloîtrées chez elles à s’occuper de leur logis et de leur époux sûrement polygame, comme toute femme soumise qui se respecte ! Cette sempiternelle insulte faite à notre intelligence par des gens qui ne nous connaissant ni d’Adam ni d’Eve est en vérité, à la longue, fatigante. Et comme l’a si pertinemment fait remarquer un membre du Collectif, qui nous dit que les femmes qui nous font cette remarque ne sont pas elles-mêmes soumises à un idéal, un homme, un parti ou que sais-je encore ?

Et quand bien même nous serions soumises : est-ce que la soumission est un crime pour lequel on peut être jeté-e en pâture, sous l’oeil indifférent du peuple ?

Pour couronner cette journée, il y eut enfin des insultes obscènes, que je ne rapporterais pas, adressées à une autre membre du Collectif, qui s’était voilée par solidarité.

De cette manifestation, censée rappeler avec force l’article premier de la Constitution qui « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion », je suis sortie avec cette citation de Louis Veillot en tête : « Liberté, égalité, fraternité ! Paroles vaines, funestes même, depuis qu’elles sont devenues politiques ; car la politique en a fait trois mensonges » – et je rajouterais : pas seulement la politique...

P.-S.

Un rassemblement contre la loi anti-burqa, auquel se joint le Collectif Les mots sont importants, aura lieu lundi 13 septembre 2010 à Paris.

http://lmsi.net/Pas-la-pour-ca

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