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07/09/2010

Frontex Airlines, la compagnie high-cost qui n’offre que des allers simples

Les étrangers en situation irrégulière vont à nouveau bénéficier du nec plus ultra technologique pour regagner leurs pays d’origine. Déjà une armada de systèmes biométriques et de bases de données les soigne au plus près, qu’ils soient demandeurs d’asile, titulaires d’un visa de séjour ou simples réfugiés en détresse. Ce nouveau fichier sera géré directement par FRONTEX, l’agence européenne des «frontières extérieures». Objectif: organiser des charters groupés et communs entre plusieurs pays de l’Union. En euro-novlangue, ça se nomme «opérations conjointes de retour par voie aérienne», ou JRO pour Joint Return Operations.

A priori, cet instrument concerne surtout les citoyens de pays tiers (hors UE) et n’est donc pas destiné aux Rroms que l’on expulse en masse de France — des Roumais et Bulgares en majorité, donc des citoyens de l’UE. Mais ça pourrait très vite le devenir, grâce à une Sainte alliance entre la France et l’Italie.

Ces derniers temps, on reparle beaucoup d’OSCAR, le dernier né des fichiers d’étrangers made in France (il doit bientôt intégrer des empreintes digitales — un recours devant le Conseil d’Etat est déposé depuis presque un an). OSCAR concerne les personnes qui « bénéficient » de «l’aide au retour volontaire» (reconduits dans leur pays en échange d’une aide financière). C’est le cas des Rroms d’origine roumaine ou bulgare, malgré la levée de boucliers et les nombreuses entorses au droit communautaire de ces «rafles officielles».

Les populations tsiganes, discriminés dans toute l’Europe (plus de 12 millions d’individus — dont 9 sont citoyens de l’UE!), seront sans doute les premières à bénéficier d’un aller-simple dans un de ces avions cargo. Avec des escales, par exemple, à Frankfort et à Naples, avant de rejoindre Sofia ou Bucarest. Et pour que ces vols groupés aient une apparence légale, il faut que cette base JRO soit opérationnelle.

Brochure de l'UE sur les technologies de contrôle des frontières

Dans un avis du 26 avril 2010 (document.pdf), le Contrôleur européen à la protection des données (CEPD), instance dirigée par le néerlandais Peter Hustinx, lève un coin de voile sur ce projet de fichier JRO. Il vise à connaître «le nombre et l’identité exacte [des expulsés], fournir une liste à la compagnie, identifier les risques liés à chaque personne, savoir si des mineurs sont présents» et, comble d’humanisme, quel est «l’état de santé de chacun»… «pour leur apporter une aide médicale adéquate»:

The purpose of the processing is the preparation and realization of JROs assisted by FRONTEX under the FRONTEX Regulation in order to:

  • have exact knowledge of number and identification of returnees taking part in the JRO;
  • provide airlines with a passengers list;
  • know the risks linked to the returnees and for the security of the JRO;
  • know the health state of returnees in order to secure appropriate medical assistance during the JRO;
  • know if any minors take part in the JRO.

Les remarques du «contrôleur» sont nombreuses. Les données sur l’état de santé font tiquer le CEPD, même s’il note qu’en aucun cas des dossiers médicaux doivent être enregistrés. «FRONTEX ne sera autorisée à traiter seulement la réponse à la question « ce passager est-il en bonne santé? – oui/non».

Plus loin, on apprend que l’agence a juste oublié de garantir aux personnes fichées leurs droits fondamentaux. «FRONTEX n’a jusqu’ici pas détaillé de procédures spécifiques pour garantir le droit de ces personnes» (droit à l’information, droit d’accès, de rectification et d’opposition), répète le Contrôleur européen dans on avis. Frontex a également oublié de considérer l’extrême fragilité des personnes prises en charge. Le CEPD le rappelle à l’ordre — on tremble:

«Dans la majeure partie des cas, leur langue natale ne sera pas celle d’un des Etats membres et seront de plus en situation de grande détresse. [Il faut donc que] l’information fournie leur soit compréhensible (…). [Pour] les personnes illettrées un agent devra pouvoir les informer par oral. Les notices d’informations devront être rédigées dans un langage clair et simple en évitant des terminologies juridiques (…)».

Une idée made in France qui inspire l’Italie

C’est en juillet 2005 à Evian que les ministres de l’Intérieur du G5 de l’Union européenne (Allemagne, Espagne, Italie, France et GB) ont, pour la première fois, envisagé cette belle idée: des charters groupés qui feraient escale dans plusieurs Etats membres pour raccompagner chez eux des clandestins de même origine. Devinez qui présidait ce mini-sommet européen d’Evian? Gagné. Pour lui, cette solution radicale permet, disait-il, «de mutualiser notre effort financier et politique» (coût d’un retour forcé: 21.000 euros environ — chiffre 2009 tiré d’une commission du Sénat). Le premier charter franco-britannique s’envolera finalement le 26 juillet 2005, après les vaines protestations des ONG européennes (lire un document du Gisti qui résume ces événements).

L’année d’après, un accord similaire interviendra au sein de l’ensemble de l’Union européenne. L’argument économique emporte le morceau:

Compte tenu de ce qui précède, le Conseil invite à accroître encore le recours à des vols communs pour témoigner de la détermination de l’UE à mener des actions de retour conjointes, ce qui permettra de faire un usage plus rationnel des ressources et d’augmenter ainsi le niveau des retours à partir des États membres.»

A notre connaissance, il faudra attendre quatre ans, entre octobre et décembre 2009, pour que d’autres vols de ce type soit organisés — ce sera avec les mêmes « partenaires », les Britanniques; et avec la même « cargaison », à savoir des réfugiés Afghans interpellés dans la région de Calais et renvoyés chez eux dans un pays en pleine guerre civile. Tout était bon pour arriver à ses fins: la France a même fourni a ces indigents de vrai-faux papiers, comme l’a rapporté le JDD à l’époque.

Maroni (à gauche) et le Président du Conseil

Les charters de Frontex n’ont donc pas encore vocation à «raccompagner» chez eux des Rroms s’ils sont citoyens de l’UE. En Italie, pourtant, on en rêve. «Sarkozy a raison», clame son ministre de l’intérieur, Roberto Maroni (Ligue du Nord), évoquant la chasse anti-roms qui sévit en France. La vérité, c’est que l’Italie milite depuis deux ans pour des «expulsions automatiques», sous forme de double peine, soit infligée aux citoyens de l’UE «qui ne respectent pas certains critères» (surtout économiques), visant directement les tziganes. Maroni compte proposer à ses collègues européens, lors d’un prochain Conseil Justice et Affaires intérieures (en octobre), de légiférer sur la question au niveau intra-communautaire. Hortefeux-Maroni, une équipe qui gagne!

Si l’Italie n’a pas encore pu mettre en musique ces mesures « automatiques », elle s’est tout de même lancée en 2008 dans le fichage biométrique des populations tsiganes, mineurs compris. En France récemment, une opération de recensement «d’enfants du voyage» défrayait la chronique. Pendant ce temps, fin juillet, dans l’indifférence générale, Thomas Hammarberg, commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, donnait une belle leçon de politique migratoire aux Etats européens. «Les Etats qui dépensent actuellement des sommes considérables pour renvoyer les Roms dans leur pays d’origine feraient un meilleur usage de cet argent en finançant des mesures d’insertion sociale de ces personnes.»

http://numerolambda.wordpress.com/2010/09/01/frontex-airlines-la-compagnie-high-cost-qui-ne-vend-que-des-allers-simples/#more-3836

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