La série de mesures sécuritaires annoncée ces dernières semaines en France soulignent le virage vers l'extrême-droite opéré par l'establishment politique. Confronté à l'hostilité populaire massive envers sa politique, le gouvernement conservateur du président Nicolas Sarkozy a fait monter d'un cran la promotion du racisme par l'establishment politique dans le but de diviser la classe ouvrière tout en détruisant les droits démocratiques et l'Etat de droit.
Suite aux émeutes de Grenoble et Saint-Aignan, provoquées par la mort de deux hommes entre les mains de la police, le président Nicolas Sarkozy a annoncé des mesures répressives contre les Roms et les immigrés, les stigmatisant comme s'ils étaient des criminels. Il a, entre autres mesures, annoncé le démantèlement de 300 camps de Roms dans les trois prochains mois et la déportation massive de la communauté Rom, principalement vers la Roumanie. (voir aussi: France: La police tire à balles réelles lors d'émeutes provoquées par la mort d'hommes abattus par la police)
Dans un discours officiel à Grenoble le 30 juillet, Sarkozy a dit qu'il serait possible de déchoir de la nationalité française « toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un policier, d'un gendarme ou de toute autre personne dépositaire de l'autorité publique. » Il a ajouté, « Nous allons réévaluer les motifs pouvant donner lieu à la déchéance de la nationalité française. »
Durant ces deux dernières semaines, quelque 50 camps ont été démantelés par les CRS et leurs occupants arrêtés lors de rafles policières massives. Les Roms « évacués » sont confrontés à la déportation. Selon le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux, 700 Roms seront ainsi déportés manu militari d'ici la fin du mois.
Des manifestations reflétant la colère ont eu lieu dans toute la France suite à la répression policière contre les camps. Depuis dimanche quelque 140 familles évacuées ont organisé des manifestations appelant le maire de Bordeaux Alain Juppé à les reloger. Des manifestants qui avaient été expulsés d'un camp de la ville d'Anglet ont utilisé des véhicules pour bloquer l'autoroute près de Bordeaux. Ils essaient d'installer un nouveau camp sur un terrain d'exposition plus près de Bordeaux mais en sont empêchés par la police.
Tout en cherchant à attiser un sentiment anti-immigrés, le gouvernement se donne les moyens juridiques de perpétrer des arrestations massives et d'imposer de fortes amendes aux familles dont les jeunes ont des démêlées avec la police. Selon une loi proposée, les parents seront tenus pour légalement responsables des actes de leur enfant mineur, lorsque celui-ci a été poursuivi ou condamné pour une infraction et qu'il viole les interdictions et les obligations auxquels il est soumis. Ces parents pourraient se voir infliger jusqu'à deux ans de prison et 30 000 euros d'amende.
Le climat politique pernicieux d'où émergent ces mesures a été généré par la campagne gouvernementale d'interdiction de la burqa et de débat sur « l'identité nationale. » La campagne anti-burqa avait été lancée avec le soutien des partis bourgeois de « gauche. »Le mois dernier, l'Assemblée nationale a voté en faveur de la loi anti-burqa avec une seule voix contre. (voir aussi: L'Assemblée nationale française a voté l'interdiction de la burqa : une attaque contre les droits démocratiques)
Au sujet des dernières mesures de Sarkozy, la vice-présidente du Front national (FN) néofasciste, Marine Le Pen a dit que Sarkozy avait confirmé les positions que son parti défend depuis 30 ans.
L'expulsion des Roms et la déchéance de la nationalité française d'immigrés évoquent de sinistres parallèles avec les crimes du gouvernement de Vichy et des nazis à l'encontre des « nomades » et des Juifs durant l'occupation.
La classe dirigeante est consciente de ces similarités. L'ancien premier ministre du Parti socialiste (PS) Michel Rocard a dit dans l'hebdomadaire Marianne, «Quand on va chercher l'électorat au Front national, voilà sur quels scandales on débouche. La loi sur les mineurs délinquants passe de la responsabilité pénale individuelle à la responsabilité collective. On n'avait pas vu ça depuis Vichy, on n'avait pas vu ça depuis les nazis.» Il a appelé cela « une politique de guerre civile. »
Le Post écrit, « On constate que chaque fois que le Régime actuel entend traiter des dossiers relatifs aux questions religieuses, pénales, sociales, familiales, il aborde chaque thème en adoptant les mêmes raisonnements que le législateur de Vichy. »
Malgré de telles inquiétudes, les critiques du PS concernant le gouvernement sont des critiques de droite et défendent la position que les mesures sécuritaires du gouvernement ne sont pas suffisantes pour réprimer l'opposition populaire.
Dans un communiqué daté du 18 août, le PS critique le projet du gouvernement de supprimer 3 500 postes de policiers dans les trois prochaines années. Il écrit, « Jamais il n'y a eu autant de distance entre les paroles et les actes d'un gouvernement. Si le PS critique le gouvernement, ce n'est pas parce qu'il en ferait trop sur la sécurité, c'est, au contraire, parce qu'il n'agit pas réellement. »
Il conclut, « Derrière les mots de M. Sarkozy, il y a une réalité qui est celle de l'affaiblissement de l'Etat et de l'autorité, faute d'une puissance publique capable de faire respecter la loi et d'assurer la tranquillité publique. »
Certains membres de l'UMP critiquent aussi les mesures gouvernementales contre les Roms. Des députés proches de l'ancien premier ministre Dominique de Villepin qui a récemment fondé un nouveau parti « République solidaire » ont comparé les mesures anti-immigrés aux rafles des Juifs durant l'occupation nazie. Mais les forces de Villepin sont elles-mêmes profondément impliquées dans la politique anti-musulmane de Sarkozy: en 2004 elles participaient au gouvernement de l'ancien président Jacques Chirac, qui avait fait voter une interdiction du voile islamique dans les écoles publiques.
En dernière analyse, le consensus au sein de la classe dirigeante en faveur de mesures sécuritaires anti-immigrés est le reflet du caractère réactionnaire de la politique capitaliste européenne. Conséquence de crise économique mondiale, l'establishment politique dans son ensemble considère l'austérité sociale et la guerre pour la défense des intérêts de l'aristocratie financière comme sa politique pour une période illimitée. Il cherche à créer un climat politique droitier afin de promouvoir une restructuration drastique des relations de classes.
Face à l'opposition sociale grandissante, le gouvernement cherche à imposer une réduction des dépenses de 100 milliards d'euros, comprenant des réductions massives des retraites au cours des trois prochaines années afin de satisfaire les banques et les marchés financiers. La situation économique de la classe ouvrière continue de se dégrader. La consommation décline. Le taux de chômage est de 10 pour cent, soit 2,7 millions de chômeurs. En 2009, l'économie française a détruit quelque 337 000 emplois dans le secteur privé, dont 168 000 emplois dans le secteur industriel.
Le vote récent des travailleurs de GM à Strasbourg acceptant une réduction de salaire de 10 pour cent pour garder leur usine ouverte n'est, du point de vue de la classe dirigeante, qu'un acompte pour les baisses de salaire qu'elle exigera encore des travailleurs. Aux Etats-Unis, le gouvernement Obama et les syndicats ont fait le nécessaire pour imposer des baisses de salaire de 50 pour cent aux travailleurs du secteur automobile.
Dans le même temps, le gouvernement Sarkozy défend ouvertement les intérêts de l'aristocratie financière. Le récent scandale Bettencourt a révélé que le parti de Sarkozy recevait des fonds de campagne illégaux de la famille millionnaire Bettencourt, et qu'en retour il leur accordait des baisses d'impôt gigantesques. Liliane Bettencourt s'est fait rembourser 100 millions d'euros en quatre ans au titre du « bouclier fiscal », une concession du gouvernement pour les hauts revenus. L'année dernière, les ultra-riches ont reçu 586 millions d'euros grâce au bouclier fiscal.
Le plongeon de l'économie française encourage la classe dirigeante à accélérer les baisses de salaire et les coupes sociales afin d'être compétitive au niveau international. En même temps, la classe dirigeante envisage de mener des guerres de grande envergure dans la poursuite de ses intérêts stratégiques, ce qui participe d'une coalition impérialiste attaquant non seulement l'Afghanistan mais potentiellement la Turquie, l'Egypte ou même la Chine. (voir aussi: France: les médias demandent que le pays se prépare pour une guerre mondiale)
Les travailleurs sont farouchement opposés à une telle politique. Un récent sondage a révélé que 70 pour cent de la population est contre la participation de la France à la guerre en Afghanistan.
Malgré le battage médiatique derrière la campagne sécuritaire de Sarkozy, un sondage CSA du 11 août a révélé que 69 pour cent de la population ne considéraient pas que la politique sécuritaire de Sarkozy était viable et 51 pour cent étaient contre la déchéance de la nationalité française des immigrés. D'un autre côté, 72 pour cent sont pour que les citoyens français d'origine immigrée soient traités comme des citoyens ordinaires et 73 pour cent considèrent que les inégalités sociales sont la cause des violences urbaines et de la délinquance.
Le fait que l'establishment politique français se tourne vers des mesures fascistes est l'expression de sa profonde faillite historique: cela devient de moins en moins possible de concilier la politique massivement impopulaire exigée par la bourgeoisie avec un régime démocratique. En conséquence, de nouvelles formes d'intimidations dignes d'un Etat policier sont promues dans le but de terroriser et de diviser la classe ouvrière.
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