Ce n'est qu'un projet de texte final, mais il a visiblement des propriétés incandescentes. Ce n'est qu'une esquisse mise en musique par le Danemark, qui préside la conférence de l'ONU sur le climat à Copenhague, mais elle a semé le trouble ou la colère.
«Les tactiques de négociations en coulisses sous la présidence danoise se sont centrées sur la volonté de complaire aux pays riches et puissants, plutôt que de servir la majorité des Etats qui réclament une solution équitable et ambitieuse», flingue ainsi Kim Carstensen, du WWF. «Ce texte n'est rien. Du vide. On ne signera pas un deal inéquitable qui condamne 80% de la population à la souffrance et à l'injustice», torpille de son côté Stanislaus-Kaw Di-Aping, l'ambassadeur du Soudan aux Nations unies.
Où est Kyoto?
Que dit ce projet, façon coquille vide? Il se borne à reprendre l'ambition largement partagée de limiter le réchauffement à +2°C. Et, pour y parvenir, vise une réduction de moitié des émissions mondiales d'ici 2050 par rapport à 1990 - ou de 58 % par rapport à leur niveau de 2005. Il recommande un «pic» pour les émissions des pays en développement - lui aussi laissé en blanc - au-delà duquel celles-ci devront commencer à baisser. Idée contre laquelle feraillent la Chine, l'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud.
Problème: il ne fait à aucun moment référence au Protocole de Kyoto, seul instrument juridique existant de lutte contre l'effet de serre, qui engage les pays industrialisés pour l'instant jusqu'en 2012. Il évoque le financement de la lutte contre l'effet de serre et de l'aide à l'adaptation des pays en développement - point dur des négociations - et relate une aide immédiate de 10 milliards de dollars par an jusqu'en 2012. Di-Ping a réglé son compte au «texte» dans une conférence de presse à rallonge, qui s'est terminée à 20h30 mardi soir.
«10 milliards? Une aumone!»
«Bon, c'est le Soudan, faut pas s'énerver. On connaît leur CV en matière de droits de l'homme et d'injustice», relativise un diplomate. Peut-être. Mais le Soudan et Di-Aping ont un rôle clé dans la négociation. Ce sont eux qui pilotent le G77, groupe de 133 pays en développement. Et ils donnent un peu du «la» du concert des discussions.
Mais Di-Aping a envoyé le son. «Les pays riches sont capables de sortir 1.100 milliards pour sauver le système financier en trois semaines? Ils nous lâchent 10 milliards. Une aumône. Et encore, si on la voit.» Puis: «Combien faut-il de temps à Bill Gates pour trouver 10 milliards? Trois coups de fils.» Ou enfin, un long plaidoyer sur «le manque absolu de leadership des pays riches» qui condamnerait «l'Afrique à une mort certaine». Sans parler d'un réquisitoire au vitriol, et plutôt étayé, contre la Banque mondiale et le FMI. «J'ose croire qu'ils cesseront de faire passer leurs intérêts économiques nationaux avant le salut de l'humanité», conclut le Soudanais.
«Prendre le pouls»
Reste à voir si tous les pays en développement vont suivre son credo. Ou faire un pas de côté pour ne pas risquer de torpiller d'entrée les négociations. Car ce texte n'a rien de vraiment nouveau. «Il circule depuis quelque temps entre les chancelleries, note un expert des négociations. Histoire de prendre le pouls, de mesurer l'état des rapports de force.»
Les Danois eux-mêmes avaient tenté de se prémunir de toute interprétation enflammée. «Nous menons des consultations depuis des semaines et des mois, c'est notre boulot», expliquait lundi, à l'ouverture des travaux, la co-présidente du sommet, Connie Hedegaard. Un boulot visiblement plutôt mal ficelé, à en croire ONG et pays en développement.
http://www.liberation.fr/terre/0101607559-ca-commence-deja-a-chauffer-entre-pays-du-sud-et-du-nord
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