Une affiche haletante, une mise en scène époustouflante, des acteurs ébouriffants, une campagne de presse imparable... tout y est : la bande-annonce du film sur la taxation des bonus des banquiers fait un carton. Tout ce ramdam pour un court métrage dont le scénario n'est pas encore achevé...
Hier, la presse était sens dessus-dessous. De Canal+ à France-Info, en passant par Le Monde et Le Figaro, les critiques cinéma journalistes se bousculaient pour fêter l'avènement d'une nouvelle ère. Les promesses de moralisation du capitalisme allaient enfin se concrétiser. Curieux... on pensait que c'était déjà le cas.
Mercredi, Gordon Brown a annoncé son intention d'instaurer une taxe exceptionnelle de 50% sur les bonus des banquiers supérieurs à 27 000 euros et acquis au titre de la saison 2 de la crise financière. Il faut dire que les chiffres qui viennent de la City font froid dans le dos : environ 7 milliards d'euros de rémunérations variables ont été provisionnés par les 23 grands établissements financiers, en augmentation de 50% par rapport à l'année 2008. Bien loin du record absolu établi par les Etats-Unis, qui verront cette année 30 milliards de dollars de bonus attribués aux salariés de... seulement trois banques (Morgan Stanley, Goldman Sachs et JP Morgan Chase). Rien que ça.
Flash Gordon Brown prend les devants
Il faut dire - aussi - que le premier ministre britannique est à la ramasse dans les sondages, à quelques mois des élections législatives. Si en France, nos maîtres-chanteurs ministres-chanteurs ont choisi de braquer les projecteurs sur les immigrés l'identité nationale, comme un os à ronger lancé en pâture à l'opinion publique, la Grande-Bretagne a opté pour la fessée publique aux banquiers. Et la claque a touché sa cible : les tauliers de la City se sont mis à hurler en choeur, démultipliant l'impact politique attendu. Gordon Brown s'installe désormais comme le leader mondial de la "moralisation du capitalisme", ridiculisant gentiment au passage notre héros national, qui n'a de cesse depuis une bonne année d'appeler à ce genre de mesure, mais sans jamais rien concrétiser. Du coup, l'Elysée n'a d'autre solution que de suivre le mouvement. Avec quelques bémols, tout de même : en France, les bonus ne seraient taxés qu'à hauteur de 40%, grand maximum. De plus, une condition sera certainement ajoutée : que la mesure soit auparavant approuvée par le G20. A voir.
Un coup d'épée dans l'eau ?
Il est étonnant de constater qu'aucune banque française ne se soit encore réellement rebellée. Il est encore plus étonnant de voir que personne, pour l'instant, ne s'en inquiète. Pauvres banquiers, totalement laissés pour compte... A moins qu'en réalité, ils ne s'en contrefichent ? Il semblerait qu'un petit détail ait été oublié : si la loi est présentée au parlement début 2010, elle ne pourra pas être appliquée avant fin février, au plus tôt. Ce qui laisse deux bons mois aux banques françaises pour signer les piles de chèques en or à leurs salariés, hors taxe. Et comme la mesure est prévue pour être "one-off", donc unique, temporaire et non renouvelable, elle ne servirait à rien, tout simplement. Oui mais... les banques ne sont-elles pas tenues d'étaler le versement des bonus sur deux ou trois années (ce qui limiterait d'autant les paiements de janvier) ? Il parait... c'est en tout cas l'objet du décret publié au Journal Officiel le 3 novembre. Sauf qu'une loi n'a aucune raison d'être appliquée (rétroactivement) à des contrats passés l'année précédant sa publication. A moins que les banquiers fassent du zèle ? Qui vivra verra.
Une politique de bandes annonces...
Si la loi ne peut être rétroactive, ce n'est pas le cas des augmentations de salaires. Hier, la Barclays a décidé d'augmenter rétroactivement les salaires (fixes) de ses employés, échappant ainsi à la taxe. En France, depuis plus d'un an et sans que les employés ne sachent réellement pourquoi, les établissements financiers se démènent pour réduire la part variable de leur rémunération en l'intégrant à la partie fixe. On commence à comprendre. Mais rassurez-vous, même inutile, cette taxe servira tout de même à quelque chose. Le lobby bancaire devrait bientôt se mettre en branle et contre-attaquer. Bientôt sur les écrans, nous pourrons ainsi admirer les banquiers dénoncer le poids extravagant des charges sociales hexagonales et demander un traitement de faveur.
Cette affaire n'est pas sans rappeler l'histoire de ce "décret poisson d'avril", paru le 31 mars au Journal Officiel et censé limiter les abus pécuniaires des patrons, qui n'a (comme prévu, malheureusement) servi à rien. De même que ces multiples "codes éthiques" de l'Afep-Medef qui devaient révolutionner le monde de la finance, notamment. Aux oubliettes...
http://www.lesmotsontunsens.com/taxe-bonus-banquiers-moralisation-du-capitalisme-sarkozy-brown-6447
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