Les députés peuvent-il légiférer et contrôler le gouvernement seuls sans interroger les acteurs concernés par leurs réformes ? 577 individus, même élus du peuple, ne peuvent pas tout connaître des sujets sur lesquels l’Assemblée Nationale se penche. Il est donc logique qu’ils interrogent et questionnent des acteurs publics et privés, syndicats ou associations. Mais qui auditionnent-ils donc ? Avec quels « experts », lobbyistes, représentants d’intérêt sont-ils en contact ? C’est pour répondre à ces questions que nous mettons à disposition, avec Transparence International France, une analyse et une application sur le lobbying.
3 000 internautes pour numériser 15 000 personnes auditionnées
Comme à notre habitude, nous sommes partis de documents publics : les 1 250 rapports parlementaires publiés entre juillet 2007 et juillet 2010. Ces rapports incluent régulièrement, en annexe, une liste des personnes auditionnées. Avec l’aide de plus de 3 000 internautes, nous avons référencé 15 000 individus intervenus lors de 9 000 auditions. Ces personnes représentaient au total près de 5 000 organisations.
Des chiffres bien différents des 130 organisations référencées dans le registre des lobbyistes tenu par l’Assemblée nationale. Cela pose un sérieux problème quant à la transparence de l’activité d’influence, si souvent critiquée. Autant les députés ont besoin d’interroger les acteurs impactés par leurs projets de loi, autant les citoyens ont le droit de savoir quels sont ces acteurs.
Le secteur public globalement plus écouté, le secteur privé se focalise sur certains thèmes
Toutes les données collectées sur ces auditions, part importante du processus parlementaire pour les lobbyistes, ont donc été cartographiées afin d’obtenir une vision plus factuelle du travail d’influence qui s’y opère.
Il ressort ainsi que les parlementaires auditionnent pour leurs rapports majoritairement les organisations publiques (48,3 %). Viennent ensuite les organisations représentatives (20,9 %), puis le secteur économique privé (16,4 %). La société civile n’est entendue qu’à hauteur de 7,5 %.
Nous avons également exploité les thèmes attribués par l’Assemblée à ses rapports. On peut noter que sur les thèmes « économie », « culture », « énergie », « internet », « médias » et « transports », le secteur privé (entreprises et leurs associations) est proportionnellement plus écouté. Les organisations représentatives (syndicats représentatifs, associations professionnelles, …) sont proportionnellement plus écoutées sur les thèmes traitant de l’agriculture, de la justice, des collectivités territoriales, des pouvoirs publics, de l’emploi et du sport. Enfin, les associations, fondations et ONG de la société civile sont plus écoutées que la moyenne sur les thèmes « femmes », « société », « anciens combattants » et « aide au développement ».
Le Parlement doit rendre le lobbying plus transparent
Le premier enseignement tiré de cette étude est la nécessité d’une plus grande transparence en matière de lobbying parlementaire : il n’est pas normal que seule une minorité de rapports des députés contienne la liste des personnes auditionnées (nous n’en avons trouvé que dans 38 % des rapports publiés depuis 2007). De même le registre des représentants d’intérêts devrait être révisé : il n’est pas normal qu’il ne recense que 130 organisations quand nous avons pu en dénombrer 5 000 durant ce travail.
Avoir un registre à l’image du travail effectif des parlementaires est dans l’intérêt de tous : sans transparence, le dialogue pourtant nécessaire entre les députés et la société pourra être suspecté de partialité. De plus, ce registre pourrait être un outil au service des députés : ils sont souvent désemparés face aux sollicitations des différents acteurs. Avoir un vrai registre qui encadre réellement les pratiques du lobbying, maintenue par l’institution, qui référence les groupes d’intérêt et leurs « expertises » devrait être le prochain défi à relever pour le parlement.
Comme pour toutes nos réalisations, en nous appliquant à nous même les principes de transparence que nous demandons aux institutions démocratiques, les outils et les données utilisés et créés dans le cadre de ce projet sont mis librement à disposition de tous sous licences libres.
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