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06/12/2010

L’indécence de la « démocratie » en Haïti

COMAGUER

Soudainement soucieuse de respect des règles constitutionnelles, la « Communauté internationale » après avoir organisé en 1992 et 2004 deux coups d’Etat pour obliger Jean Bertrand Aristide le Président légalement élu à abandonner l’épée dans les reins le pouvoir en cours de mandat, a voulu , à toutes forces, organiser des élections dans un pays qui a souffert en Janvier 2010 une catastrophe qui a tué , bilan encore incertain, 400 000 personnes et qui a contraint prés d’un million et demi de personnes à déménager pour trouver un abri en dehors de la zone ravagée par le sinistre.
D’autre part Le séisme a cause d’importants dommages : ministres et fonctionnaires tués, bâtiments officiels détruits, communications difficiles …. à un appareil d’Etat haïtien déjà faible.
Pourtant ceux qui président de facto aux destinées haïtiennes à commencer par le mandataire imposé par le Président des Etats-Unis à l’ONU : Bill Clinton qui est couramment appelé dans l’ile le VICE-ROI (titre accordé, on s’en souvient, au maitre imposé à l’Inde par le colonisateur britannique) ont voulu que des élections se tiennent pour remplacer le Président Préval dont le mandat venait à terme sans d’ailleurs qu’il ait eu à craindre d’avoir déplu au VICE-ROI.
Que l’aide internationale à la reconstruction d’Haïti annoncée en Janvier à grand tapage médiatique n’arrive pas, que 98% des décombres du séisme n’aient toujours pas été enlevés après onze mois de mise sous tutelle militaro-onusienne n’a à aucun moment fait considérer ces élections comme un luxe inutile alors que le gouvernement d’Haïti n’est là que pour approuver des décisions qu’il ne prend pas et éventuellement pour contribuer, dans la mesure de ses faibles moyens, à les faire appliquer.
Mais l’ONU, le Vice-roi, et tous ses complices qui sont de véritables forcenés de cette démocratie réduite à un spectacle télévisé à diffusion mondiale ont voulu que ces élections aient lieu. Ils ont trouvé de nombreux candidats pour tenir les premiers rôles dans ce qui n’a été qu’une triste farce, ce qu’ils ont feint de découvrir sitôt le vote achevé. Inutile d’épiloguer là-dessus. Mais il fallait que le spectacle ait lieu pour donner l’occasion à des milliers de journalistes du monde entier de venir à Haïti pour parler d’autre chose que de la reconstruction en panne.
L’indécence démocratique consiste à faire croire que, quelles que soient ses conditions concrètes d’existence, un peuple est heureux quand il est libre de voter. Encore faut-il savoir que ces élections n’étaient pas libres. Pour le comprendre il convient d’écouter ce qu’en a dit le Président Aristide au journaliste étasunien NICOLAS ROSSIER qui est allé le rencontrer à Johannesburg où il réside depuis six ans et a réalisé un documentaire « Aristide et la révolution sans fin » (http://aristidethefilm.com)
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A cette occasion, Une très longue interview de deux heures dont nous allons reprendre les principaux points. Il est à noter que tout au long de cette interview le ton de JB Aristide est celui de l’analyse, apaisé, sans amertume et dénué de toute attaque personnelle. JB Aristide ne règle pas des comptes, il explique.
1 -Sur l’organisation des élections elles–mêmes :
1a- le parti dont JB Aristide était et reste encore le Président en titre les LAVALAS qui a été le socle populaire de ses deux victoires aux élections présidentielles n’a pas été autorisé à présenter de candidat
1b- ce refus a été formulé par la commission de contrôle électoral dont les membres ont été choisis discrétionnairement par le Président sortant René Préval. Pour JB Aristide il y a eu sélection pas élection
1c- ce même René Préval qui fut un temps un allié de JB Aristide est considéré par la majorité du peuple haïtien comme ayant trahi ses intérêts.
1d-le gouvernement Préval, tout à sa volonté de ne pas faire revenir JB Aristide dan son pays a tenté une manœuvre en lui demandant par écrit de désigner un remplaçant à la tête des LAVALAS. Il s’y est refusé arguant à juste titre qu’il reviendrait au Congrès des LAVALAS de procéder à ce remplacement en présence d’Aristide lui-même qui ne revendique pas plus qu’il ne l’a fait à son retour en 1996 d’achever le mandat interrompu par la force mais simplement le droit de militer dans son parti.
1e- en réponse à ce courrier JB Aristide a simplement, en sa qualité de Président du mouvement, proposé le nom d’un représentant des LAVALAS aux négociations pour l’organisation des élections. Aucune réponse ne lui a été fournie.
2- sur le statut de JB Aristide
2a-Accueilli il y a six ans par la République sud-africaine, il n’a plus de passeport valide et il est donc dans l’impossibilité de quitter ce pays. Il ne peut même pas demander à l’ambassade et aux services consulaires d’Haïti en République Sud Africaine de renouveler ce passeport puisque une des premières décisions prises par le gouvernement provisoire installé après son départ a été la fermeture de l’ambassade.
2b- JB Aristide est, de facto, un exilé puisque le gouvernement de son pays fait tout pour l’empêcher d’y revenir. Or il souligne que l’exil en tant que décision judiciaire extrême prise par un gouvernement contre un de ses citoyens, comme forme de déchéance temporaire de sa nationalité, n’existe pas dans la Constitution haïtienne et que, même si semblable disposition existait , il n’a commis aucune faute qui pourrait justifier pareille mesure. Quand elles existent, de semblables mesures ne sont prises qu’en cas de haute trahison ou d’intelligence avec l’ennemi. Il s’agit donc bien d’un viol délibéré de la Constitution par René Préval et son gouvernement.
2c- se voulant pragmatique le journaliste étasunien lui demande s’il ne suffirait pas qu’un CLINTON ou un autre (Monsieur ou Madame) donne son accord pour que son passeport soit renouvelé et qu’il puisse rentrer chez lui. A quoi JB Aristide répond que les passeports haïtiens sont délivrés par le gouvernement haïtien, pas par le gouvernement des Etats-Unis et qu’il s’agit d’un acte de simple administration.
2d- JBA souligne qu’il na jamais démissionné de sa fonction présidentielle et que sa « lettre de démission » mise en circulation par le Département d’Etat étasunien est un faux. Dans la nuit de son départ forcé il rédige un texte et il le rédige en créole pour qu’il puisse être compris par la majorité de la population. La version falsifiée comporte la phrase : « cette nuit je démissionne pour éviter un bain de sang ». Le professeur BRYANT FREEMAN, directeur de l’Institut des études haïtiennes de l’Université du Kansas et auteur d’un dictionnaire créole- anglais de 55000 mots qui fait autorité a traduit comme suit le passage incriminé à partir du document d’origine : « Ainsi, si cette nuit c’est ma démission qui peut éviter un bain de sang, j’accepte de partir. » JB Aristide considère qu’il a été tout simplement kidnappé et annonce qu’il a rédigé dés son arrivée en République sud-africaine un livre relatant tous ces évènements mais qu’il ne le publiera que lorsqu’il aura pu regagner son pays et il s’est refusé à en dire plus
3- sur l’occupation étrangère
JB Aristide insiste sur le coût d’entretien des forces de l’ONU présentes en Haïti soit 8900 militaires et 4400 Policiers. Un rapide calcul effectué à partir des chiffres qu’il donne permet de situer la dépense quotidienne par homme à environ 140 $ et il remarque que 70 % de la population haïtienne vit elle avec moins de 1 $ par jour. Tout ce personnel est bien nourri, bien soigné, boit de l’eu potable, circule dans des véhicules puissants et dort sous un toit.
4- sur le rôle de la France :
4a-JBA Aristide évoque sans citer son nom le Premier Ministre français de l’époque venu spécialement en Haïti pour coorganiser avec les Etats-Unis son exil et il explique les raisons de cette intervention très typiquement coloniale. En 2003 Dominique de Villepin, c’est de lui qu’il s’agit, va susciter la fureur du gouvernement des Etats-Unis et un déchainement antifrançais des médias étasuniens à un niveau rarement atteint en prononçant à l’ONU un discours resté fameux où il s’oppose à la future invasion de l’Irak.
JB Aristide explique que pour faire oublier cet acte d’insubordination à l’Empire, Villepin va prêter un concours très actif au coup d’Etat en Haïti (voir détails sur le blog de Claude Ribbe (http://www.claude-ribbe.com) préparé par Washington renouant ainsi avec cette vieille complicité des deux pays étrangers qui depuis deux siècles ont tout fait pour faire payer à Haïti sa décolonisation précoce et pour le maintenir au nombre des pays les plus pauvres du monde.
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4b-Le journaliste étasunien lui demande alors si la position française n’entre pas également la question de la demande formulée par JBA de restituer à Haïti les sommes que la France a exigé en « réparation » de la décolonisation. En effet la république haïtienne a du verser 90 millions de franc-or à la France(1). Cette somme a été réévaluée et se monterait aujourd’hui à 21 milliards de dollars (autour de 15 milliards d’euros - remarquons au passage que cette somme est dérisoire au regard des aides accordée aux banques pour les sortir de leur crise) La France n’a donné on le sait aucune suite à cette demande mais Aristide maintient qu’elle reste juste, il la considère comme une restitution et non comme une réparation et cet argent viendrait à point nommé pour financer la reconstruction. Aujourd’hui 1,8 million d’haïtiens vivent dans la rue.
5- Sur la société haïtienne :
Depuis son poste d’observation à Johannesburg JBA observe que la société haïtienne est soumise à un véritable apartheid par une petite minorité qui s’approprie tout : pouvoir et richesse et il explique : « quand il y a apartheid, vous ne voyez pas ceux qui sont de l’autre côté des murs. C’est la réalité à Haïti. Le peuple existe, mais ils ne voient pas le peuple, ils ne veulent pas le voir, c’est pourquoi ils ne le prennent pas en compte. Ils veulent l’utiliser, mais ils ne veulent pas respecter sa volonté. »
(1) Explications fournies par Claude Ribbe
L’extorsion frauduleuse d’une indemnité aux Haïtiens en 1825.
Sous la menace d’une reconquête, la France a exigé d’Haïti, le pays qui l’avait vaincue, le paiement d’une ignoble indemnité de 150 millions de francs or, ultérieurement réduite à 90 millions. C’était le prix des esclaves perdus. Au lieu de les indemniser pour le mal qu’on leur avait fait, on leur a fait payer, à eux et à leurs descendants, le prix d’une liberté qui n’a jamais appartenu à la France. Au paiement du principal, est venu s’ajouter le paiement de nombreux emprunts consentis par des banques françaises. Malgré l’établissement de la République et la proscription générale de l’esclavage, les Haïtiens ont continué à payer aux Français leur dette jusqu’au beau milieu du XXe siècle. En 2004, le gouvernement haïtien estimait le préjudice à 21 milliards de dollars.

http://www.legrandsoir.info/L-indecence-de-la-democratie-en-Haiti.html

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