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04/10/2010

La monnaie, première arme de la guerre commerciale

Laurent Pinsolle

C'est un paradoxe du monde actuel le protectionnisme commercial est vilipendé tandis que le protectionnisme monétaire est ignoré. Or, pour Laurent Pinsolle, il est tout aussi redoutable. Explications. 

D’une part, le protectionnisme commercial est souvent présenté comme le pire des maux économiques et les dirigeants du monde entier affirment vouloir lutter contre. De l’autre, rien n’est fait contre le protectionnisme monétaire, une arme tout aussi redoutable.

La puissance de l’arme monétaire

l y a plus beaucoup plus simple et tout aussi efficaces que les droits de douane : la variation du taux de change. Courant 2007, l’euro cotait 1,3 dollars, soit une surévaluation d’environ 20%. En clair, un produit fabriqué dans l’Union Européenne dans une même usine, avec la même productivité, avec des salariés payés au même niveau, revenait 20% plus cher qu’aux Etats-Unis du fait de la simple sous-évaluation du dollar par rapport à l’euro.
Pour amortir les conséquences de la crise économique, plusieurs pays ont utilisé l’arme monétaire. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont vite baissé leurs taux d’intérêts (contrairement à la BCE), ce qui a provoqué une vive dépréciation du dollar et de la livre face à l’euro (d’environ 20%). D’un seul coup, les produits importés de la zone euro coûtait environ 20% plus cher alors que leurs exportations vers la zone euro voyaient leur prix baisser d’environ 20%.
La baisse consécutive des importations et l’augmentation des exportations contribuent fortement à la croissance du PIB et peuvent en partie compenser la récession de l’économie. C’est ainsi que les Etats-Unis ont enregistré une croissance de leur économie au second trimestre 2008 (poussée par une augmentation des exportations de plus de 10%) alors que la zone euro entrait déjà dans la récession, du fait de la surévaluation accentuée de l’euro.

Deux poids deux mesures

Cette pratique est assez répandue. La Suède a également profité de la baisse de la couronne en 2009 pour amortir les conséquences de la crise et la Chine refuse toujours de laisser flotter le yuan (sous-évalué de 50%) de manière à conserver l’avantage compétitif de ses exportateurs. Le cours d’une monnaie est aujourd’hui une des armes économiques les plus puissantes. La Grèce et l’Irlande, piégées dans l’euro, en auraient bien besoin pour relancer leurs économies.
C’est bien pour cela qu’il est proprement hallucinant que la communauté internationale laisse faire les politiques de dépréciation monétaire alors qu’elle condamne tout protectionnisme commercial. Pourtant, laisser sa monnaie baisser de 20% revient à imposer un droit de douane de 20% sur les produits importés tout en versant l’équivalent d’une subvention de 20% pour les produits qui sont exportés depuis le territoire national vers l’étranger.
Il y a sans doute une raison dans ce « deux poids deux mesures ». Les néolibéraux sont généralement favorables aux taux de change flottants car cela laisse les marchés jugent de la valeur d’une monnaie, même si les Etats peuvent intervenir. A contrario, ils voient les droits de douane comme une distorsion de la concurrence. Du coup, ces derniers sont condamnés avec une rare violence, quasiment théologique alors que les manipulations monétaires sont parfaitement tolérées.
Le problème est que les institutions européennes refusent de voir que les autres pays utilisent largement le protectionnisme monétaire. Résultat la zone euro est la seule zone géographique qui refuse la moindre protection à son industrie, avec les conséquences que l’on sait sur l’emploi…

http://www.marianne2.fr/La-monnaie,-premiere-arme-de-la-guerre-commerciale_a198199.html

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